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Jurisprudence : Diffamation

jeudi 14 février 2013
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Cour d’appel de Pau Chambre correctionnelle Arrêt du 29 novembre 2012

Blédina / Suzanne A.

auto édition - diffamation - diffusion - e-commerce - internet - livre - publication judiciaire - site internet

FAITS ET PROCÉDURE

Le tribunal correctionnel de Pau a été saisi en vertu d’une citation directe de la société Blédina.

Il est fait grief à A. Suzanne :
– d’avoir entre le 13 avril et le 29 juin 2010 diffamé la société Blédina, en formulant dans le livre intitulé “maman Blédina! Pourquoi tu m’empoisonnes? » Publié le 13 avril 2010, aux éditions Appassionata, des allégations ou imputations de faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de ladite société, en l’espèce en publiant les propos suivants :
Maman Blédina ! Pourquoi tu m’empoisonnes ? (Titre du livre, suivi
– d’un photomontage reproduit immédiatement sous ce titre, associant dans le même champ visuel les logos de Blédina et de ses marques Gallia et Bledilait à une tête de mort (première de couverture), puis
– les affirmations suivantes :
Blédina s’est rendue coupable d’empoisonnement alors même qu’elle était avertie de la dangerosité de la substance utilisée pour ses biberons de lait artificiel. Une révélation d’empoisonnement silencieux des nouveaux nés depuis 30 ans, à aujourd’hui, dans les maternités françaises (quatrième de couverture),
– cet ouvrage a pour dessein dans un premier temps d’alerter les parents et de leur donner les moyens de comprendre et de repérer les nourettes de lait empoisonné, afin de protéger leur nouveau né (page 12),
– toutes les sociétés qui se sont rendues coupables d’empoisonnement en cette matière et continueraient encore aujourd’hui sont toutes aussi blâmable que Blédina (page 16),
– un gaz cancérigène et mutagène Cadeau! Qu’est-ce que ce poison? Comment les marques de lait Blédina en tête, empoisonnent-elles les nouveaux nés? (Page 215)
– si l’on vous avez dit qu’en donnant cette tétine, vous donnez à votre bébé la pomme empoisonnée de Blanche Neige? Vous ne l’auriez pas donnée? Pour nettoyer les tétines, les marques de lait font stériliser depuis des années avec un gaz cancérigène et mutagène. Contrairement à la pomme empoisonnée, ici le poison porte un nom : l’Oxyde d’Ethylène (pages 221, 222)
– ils se moquent du monde, comment les tétines de Blédina peuvent-elles encore contenir de l’oxyde d’Ethylène?… ils le savent pourtant que c’est cancérigène ; (page 226)…
– Blédina, en quête de moyens de promotion de son lait, NUK, de ses tétines… Combien de millions d’enfants concernés, combien de générations? Combien de pays comme la France? Ainsi, 700 000 nourrissons non nourris au sein qui arrivaient au monde et dès les prémices de la vie ouvraient la bouche pour absorber un gaz, incolore, toxique, cancérigène et mutagène.
Ces maladies orphelines, pourquoi ne seraient-elles pas liées à cette substance, entre autres… L’augmentation du nombre de cancers? Il est montré, on le sait, que les plus jeunes sont cinquante fois plus sensibles aux substances cancérogènes que les adultes (pages 240-241),
– comment aurais-je pu supposer que Blédina, du côté des mamans, puisse donner un poison aux bébés?
– comment averti du danger, si tant est que le leader de l’alimentation infantile en France ait besoin d’être averti par une personne de l’extérieur, de la non-conformité de ses tétines, quant à leur composition et leur contenu… Blédina a continué durant dix années supplémentaires à utiliser la même technique dangereuse, parce qu’un gaz ne se voit pas (page 250),
– comment Blédina a-t-elle continué à utiliser une méthode toxique durant 10 ans, en toute connaissance de cause? (page 264),
– lorsque nous savons la dangerosité d’une chose, que celle-ci est avérée, démontrée, reconnue, comment pouvons-nous nous permettre de la distribuer, à moins d’être assassin (page 275),
– toutes les sociétés qui se sont rendues coupables d’empoisonnement en cette matière et continueraient encore aujourd’hui, sont toutes aussi blâmables que Blédina (dernière page),

faits prévus et réprimés par les articles 29 alinéa 1er, 32 alinéa 1er, 42 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881.

MOYENS

Le tribunal correctionnel de Pau, par jugement contradictoire, en date du 26 mai 2011 :
– a rejeté les exceptions de nullité soulevées,
– a déclaré A. Suzanne

coupable de « diffamation envers particulier(s) par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique », le 13 avril 2010, à Pau (64), infraction prévue par les articles 32 al.1, 23 al.1, 29 al.1, 42 de la loi du 29/07/1881, l’article 93-3 de la loi 82-652 du 29/07/1982 et réprimée par l’article 32 al. 1 de la loi du 29/07/1881,

et, en application de ces articles,
– l’a condamnée à une amende de 5000 € dont 3500 € avec sursis.

Et sur l’action civile
– a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société Blédina,
– a condamné Madame A. Suzanne à payer à la société Blédina la somme de 1 euro au titre du préjudice moral,
– a fait interdiction à Madame A. Suzanne de diffuser ou commercialiser sur tout support, le livre “Maman Blédina! Pourquoi tu m’empoisonnes”, sous astreinte de 1000 € par manquement constaté à compter de la signification du jugement,
– a dit que le tribunal se réserve compétence pour liquider les astreintes provisoires,
– a ordonné également la publication du présent jugement sur les sites internet sur lesquels le livre “Maman Blédina! Pourquoi tu m’empoisonnes’?” a été commercialisé : www.fnac.com, www.amazon.fr, www.priceminister.com et www.furet.com aux frais de Mme A., dans la limite de 1000 € par insertion,
– a rejeté la demande de la société Blédina présentée au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
– débouté Madame Suzanne A. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour abus de constitution de partie civile.

[…]

DISCUSSION

La société Blédina, partie civile intimée, est représentée par son conseil qui par voie de conclusions, demande à la cour de juger que la prévenue est déchue de son droit de faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires, de déclarer irrecevables et inopérantes les pièces tendant à établir la vérité de ces faits, de rejeter l’exception de bonne foi et de confirmer le jugement déféré sur la culpabilité et sur les intérêts civils.

Elle soutient également que son préjudice moral s’est aggravé depuis la décision de première instance et demande à ce titre la condamnation de la prévenue à lui payer une somme de 200 000 € et d’ordonner la publication de l’arrêt à intervenir,
– sur les sites internet sur lesquels le livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes” a été commercialisé, wwww.fnac.com, wwww.amazon.fr, wwww.priceminister.com et www.furet.com aux frais de la prévenue et dans la limite de 5000 € par insertion,
– dans les magazines et quotidiens où une publicité pour le livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes“ a été diffusé, en l’espèce Le Nouvel Observateur, le Nouveau Détective, Elle, Sud-Ouest et la République des Pyrénées, aux frais de la prévenue et dans la limite de 5000 € par insertion.

Elle demande enfin la condamnation de la prévenue à lui payer une somme de 5000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

et très subsidiairement, de la débouter de ses demandes reconventionnelles d’indemnisation.

Le ministère public, appelant à titre incident, requiert l’application de la loi.

Madame Suzanne A. divorcée, prévenue appelante à titre principal, comparait assistée de son conseil qui, sans reprendre les exceptions de procédure soutenues en première instance, conclut par l’infirmation du jugement et au visa de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et des pièces produites, à sa relaxe au bénéfice de la bonne foi et au débouté de la partie civile.

Elle demande en outre la condamnation de la société Blédina lui verser une somme de 10 000 € pour procédure abusive, une somme de 15 000 € au titre de son préjudice moral et enfin, une somme de 16 100 € en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

En la forme

Les appels interjetés dans les formes et délais requis par la loi sont réguliers et recevables.

Au fond

Sur l’action publique

Le tribunal a complètement et exactement rapporté la procédure, la prévention et les faits de la cause, dans un exposé auquel la cour se réfère expressément.

Il suffit de rappeler que Madame Suzanne A. est l’auteur d’un livre intitulé “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes”, livre qu’elle a auto édité et mis en vente le 13 avril 2010 sur plusieurs sites internet, “fnac.com”, “amazon.fr”, “priceminister.com”, “furet.com” et que la société Blédina l’a fait directement citer devant la juridiction correctionnelle, aux fins de la voir condamner à réparer le préjudice qu’elle expose subir en raison de contenus écrits et d’images qu’elle estime diffamatoires à son égard.

Que dans ce livre, l’auteur dénonce la distribution et la commercialisation dans les maternités par la société Blédina, de mini biberons appelés “nourettes”, d’une contenance de 70 ml ou 80 ml, pré-remplis de lait et à usage unique, qu’elle affirme être stérilisés à l’oxyde d’éthylène, gaz cancérogène et mutagène.

Sur le caractère diffamatoire des propos et images poursuivis

Le titre, les images et les extraits poursuivis sont reproduits ci-dessous dans les formes retenues par la citation et sont la retranscription, non discutée, des éléments contenus dans le livre.

Il est reproché à Madame Suzanne A.,
– le titre du livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes”
– le photomontage reproduit immédiatement sous ce titre, associant dans le même champ visuel les logos de Blédina et de ses marques Gallia et Bledilait à une tête de mort
– les extraits suivants,
“Blédina s’est rendue coupable d’empoisonnement alors même qu’elle était avertie de la dangerosité de la substance utilisée pour ses biberons de lait artificiel. Une révélation d’empoisonnement silencieux des nouveaux nés depuis 30 ans à aujourd’hui dans les maternités françaises.
Cet ouvrage a pour dessein dans un premier temps d’alerter les parents et de leur donner les moyens de comprendre et de repérer les nourettes de lait empoisonné, afin de protéger leur nouveau né.
Toutes les sociétés qui se sont rendues coupables d’empoisonnement en cette matière et continueraient encore aujourd’hui sont toutes aussi blâmables que Blédina un gaz cancérigène et mutagène. Cadeau! Qu‘est-ce que ce poison? comment les marques de lait Blédina en tête, empoisonnent-elles les nouveaux nés?
Si l‘on vous avait dit qu’en donnant cette tétine, vous donnez à votre bébé la pomme empoisonnée de Blanche-Neige? Vous ne l’auriez pas donnée ? Pour les tétines, les marques de lait font stériliser depuis des années avec un gaz cancérigène et mutagène. Contrairement à la pomme empoisonnée, ici le poison porte un nom, l’oxyde d ‘éthylène ;
Ils se moquent du monde, comment les tétines de Blédina peuvent-elles encore contenir de l’oxyde d’éthylène?…. ils le savent pourtant que c‘est cancérigène ;
Blédina, en quête de moyens de promotion de son lait, NUK, de ses tétines, combien de générations? Combien de pays comme la France? Ainsi, 700 000 nourrissons non nourris au sein qui arrivaient au monde et dès les prémices de la vie ouvraient la bouche pour absorber un gaz, incolore, toxique, cancérigène et mutagène.
Ces maladies orphelines, pourquoi ne seraient-elles pas liées à cette substance, entre autres… L‘augmentation du nombre de cancers ? il est montré, on le sait que les plus jeunes sont cinquante fois plus sensibles aux substances cancérogènes que les adultes comment aurais-je pu supposer que Blédina, du côté des mamans, donne un poison aux bébés?
Comment averti du danger, si tant est que le leader de l’alimentation infantile en France ait besoin d’être averti par une personne de l’extérieur, de la non conformité de ses tétines, quant à leur composition et leur contenu… .Blédina a continué durant dix années supplémentaires à utiliser la même technique dangereuse, parce qu‘un gaz ne se voit pas.
Comment Blédina a-t-elle continué à utiliser une méthode toxique durant 10 ans, en toute connaissance de cause?
Lorsque nous savons la dangerosité d’une chose, que celle-ci est avérée, démontrée, reconnue, comment pouvons-nous nous permettre de la distribuer, à moins d’être un assassin.
Toutes les sociétés qui se sont rendues coupables d‘empoisonnement en cette matière et continueraient encore aujourd’hui, sont tout aussi blâmables que Blédina“.

Ces propos et images imputent à la société Blédina l’empoisonnement de nouveaux nés, en distribuant et en commercialisant dans les maternités des nourettes stérilisées à l’oxyde d’éthylène, en parfaite connaissance de la dangerosité de ce gaz, fait précis constitutif d’une infraction pénale, susceptible d’une preuve et d’un débat contradictoire.

Dès lors, ils portent atteinte à l’honneur et à la considération de la société concernée, au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, l’intention de la prévenue résultant des imputations diffamatoires elles-mêmes.

Sur la bonne foi

La prévenue qui n’a pas offert de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires, excipe de sa bonne foi.

Elle fait plaider au visa de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme, qu’elle bénéficie d’une liberté d’expression renforcée au regard du sujet traité et que les quatre critères habituellement retenus pour accueillir la bonne foi sont ici réunis :

Le livre poursuit un but légitime de protection de la santé des nourrissons du fait de la dangerosité de l’oxyde d’éthylène et de l’importante population touchée, Blédina étant un leader du secteur des tétines destinées aux maternités.

Aucune animosité personnelle ne l’anime, mais elle poursuit le seul objectif de santé publique, et en veut pour preuve que sa lutte est antérieure à la rupture des relations commerciales avec Blédina intervenue en juin 2002, alors que la première analyse réalisée à son initiative est en date du 15 février 2000.

Elle a fait preuve de prudence dans l’expression au regard du sujet traité et de la dangerosité de l’oxyde d’éthylène, qui est de nature à entraîner la mort.

Son ouvrage repose sur des études sérieuses, en l’espèce les trois analyses réalisées les 15 février 2000, 11 septembre 2003 et 19 juin 2009, qui rapportent la preuve que les nourettes de Blédina ont été stérilisées â l’aide de l’oxyde d’éthylène jusqu’en 2009 et qu’elles contenaient des résidus de ce gaz à des doses toxiques, éléments qui ressortent également de documents qu’elle verse aux débats, en l’espèce un cahier des charges du 29 septembre 1999, un “Point technique BAMBI” du 05 août 1999 et un compte d’exploitation prévisionnel.

Elle ajoute que la société Blédina n’a pas répondu aux demandes écrites qu’elle lui a adressées avant la parution du livre, sur la méthode de stérilisation des nourettes, qu’elle ne disposait pas d’éléments lui permettant de penser que le cahier des charges prévoyant la stérilisation à l’oxyde d’éthylène avait pu être modifié et que rien ne permet de remettre en cause sa bonne foi, alors que de son côté, Blédina a produit des tests mensongers, inopérants, a trompé le consommateur alors qu’elle connaissait la dangerosité du gaz qu’elle utilisait et a refusé de produire les certificats de stérilisation, malgré les demandes qui lui ont été faites.

La partie civile demande à la cour d’écarter les pièces produites par la défense qui tendent à établir la vérité des faits poursuivis, n° 2, 3, 22, 23, 24, 26, 27, 29, 30, 31, 32, 40, 42, 43, 44, 45, 46, 48 50, 53, 55, 58.

Elle expose que la prévenue ne rapporte pas la preuve de la bonne foi dont elle a la charge dès lors qu’elle ne remplit aucune des quatre conditions cumulatives de poursuite de but légitime, de prudence dans l’expression, d’absence d’animosité personnelle et d’enquête préalable sérieuse.

Elle soutient par pièces, qu’elle n’a jamais stérilisé ses nourettes à l’oxyde d’éthylène, mais que la prévenue cherche, de mauvaise foi et par tous moyens à lui nuire, du fait du litige commercial et financier les opposant.

La cour relève :

Que dès lors que Madame Suzanne A. n’a pas, malgré la possibilité qui lui était donnée, fait offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires dans les conditions prévues par l’article 55 de la loi du 29 juillet 1881, les pièces qu’elle produit au visa de ses conclusions de relaxe ne peuvent être examinées que sous l’angle de la bonne foi alléguée, qui doit s’apprécier au regard des éléments dont elle disposait à la date de cette publication.

Que l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme et du citoyen, qui garantit en son paragraphe 1, à toute personne le droit à la liberté d’expression, en prévoit les limites nécessaires dans une société démocratique et que s’agissant des propos sur des sujets d’intérêt général tel que la protection de la santé publique, ils ne doivent pas dépasser certaines limites quant, notamment, au respect d’autrui et de ses droits.

En l’espèce, il s’avère que si le but légitime de protection de la santé des nourrissons n’est pas discutable, les pièces produites n’établissent pas la bonne foi excipée et que les premiers juges ont à juste titre décidé qu’elle ne saurait être reconnue à la prévenue.

S’agissant des propos poursuivis :

La virulence des termes employés dans le titre même du livre « Maman Blédina pourquoi tu m’empoisonnes” et dans les phrases visées à la prévention, où la société Blédina, spécialisée dans l’alimentation infantile, est traité d’’assassin” et accusée d’avoir empoisonné pendant dix ans en connaissance de cause, des centaines de milliers de bébés non nourris au sein, ainsi que les tournures employées et la forme caricaturale de l’expression écrite, où Blédina est associée à la sorcière, de l’histoire de Blanche Neige, c’est à dire à la méchanceté et à l’essence même du Mal s’exerçant sur les êtres faibles et innocents que sont les nouveaux nés, dénotent une outrance et un dénigrement à l’endroit de la partie civile qui, même au regard du sujet traité, vont au delà de la liberté d’expression accordée par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme et sont exclusifs de la bonne foi alléguée.

S’agissant de la volonté animant la prévenue :

Il résulte des termes mêmes du protocole d’accord signé le 02 mai 2002, lors de la rupture des relations commerciales entre Madame Suzanne A. et la société Blédina, que dès l’année 2000, un litige a opposé les parties sur les conditions d’exécution du contrat de licence du 14 décembre 1999, dont Madame Suzanne A. a estimé dès l’origine qu’il lui causait un préjudice et au sujet duquel elle a adressé plusieurs lettres de réclamation à Blédina entre 2000 et 2002.

Il s’avère que le premier test que la prévenue a fait réaliser sur les nourettes de Blédina le 15 février 2000, est concomitant à la naissance du litige commercial entre les parties, contrairement à ce qu’elle affirme dans ses conclusions.

La cour note également que Madame Suzanne A. a tenté d’exploiter son biberon jetable par le biais des SARL Sterilab et Biolac, concurrentes de Blédina et que la société Sterilab a été placée en redressement judiciaire dès le 05 mai 2003, puis liquidée le 05 avril 2004, tandis que la société Biolac créée en 2006, a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 28 juillet 2009 et que ces dates coïncident manifestement avec les deuxième et troisième tests que la prévenue a fait réaliser sur les nourettes de Blédina, produits qu’elle a seuls ciblés avant d’en appeler au boycott.

Qu’outre le litige né de la signature du contrat de licence en décembre 1999 et de sa rupture anticipée, s’est ajouté le dépit découlant des échecs commerciaux subis par la prévenue et sa condamnation à quatre mois d’emprisonnement prononcée le 18 janvier 2005 par le tribunal correctionnel de Tarbes pour abus de biens sociaux, banqueroute, faux et usage de faux.

Qu’enfin, les autres procédures judiciaires ayant opposé les parties, comme celle en cours devant la juridiction civile par laquelle Madame Suzanne A. demande la réparation du préjudice économique et moral causé par la non exécution du protocole d’accord du 02 mai 2002, manifestent la prégnance du conflit déjà ancien avec Blédina.

Ainsi, la prévenue ne peut valablement faire plaider qu’elle était exempte d’animosité personnelle, à la date de parution des propos diffamatoires le 13 avril 2010.

S’agissant du sérieux de l’enquête préalable :

Il s’avère que les trois tests sur les tétines Blédina ont été réalisés les 15 février 2000, 11 septembre 2003 par le laboratoire Biomatech et le 19 juin 2009 par le laboratoire Icare, sur des spécimens remis par la prévenue, sans garantie quant aux circonstances de leurs prélèvements et à leurs précédentes manipulations.

En outre, ils ne contiennent aucune information sur le seuil de détection de l’oxyde d’éthylène et le laboratoire Icare a également précisé que son test n’était pas probant quant à la réalité de la présence de résidus de ce gaz.

Par ailleurs, la prévenue ne peut pas davantage invoquer valablement qu’elle a pu penser jusqu’à la parution de son livre le 13 avril 2010, que Blédina stérilisait ses nourettes à l’oxyde d’éthylène, au regard du cahier des charges du 29 septembre 1999, du “Point technique BAMBI” du 05 août 1999 et du compte d’exploitation prévisionnel.

En effet ces documents, produits en cause d’appel, ont été établis dans le cadre du contrat initial de collaboration, conclu en juin 1999 entre Blédina et la prévenue pour l’élaboration du biberon jetable “Bibeon”, inventé par celle-ci.

Ils ne concernent nullement les nourettes distribuées dans les maternités par Blédina, qui sont des produits différents des biberons.

En outre, les parties ne contestent pas que la stérilisation du biberon “Bibeon” à l’oxyde d’éthylène est restée à l’état de simple projet, abandonné au profit d’une stérilisation “en salle blanche”, ainsi qu’il ressort du contrat de sous-traitance entre la société Blédina et la société Pharmalog, versé au dossier par la partie civile et de l’article d’ “Usine Nouvelle” du 15 avril 2001, communiqué par la défense.

La Cour relève que les documents relatifs aux enquêtes et avis du Haut Conseil de la Santé Publique, de l’IGAS, de I’AFSSAPS et de l’ANSES ne contiennent aucun élément de nature à mettre en cause les nourettes de Blédina, et ont été réalisés en 2011 et en 2012, postérieurement à la publication des propos diffamatoires.

Enfin, Madame Suzanne A. ne peut utilement faire plaider que la société Blédina a produit des tests mensongers, inopérants et n’a pas répondu à ses demandes, alors que ce n’est pas à la partie civile de rapporter la preuve de sa bonne foi, même si celle-ci en a soutenu l’offre dans ses conclusions.

En conséquence, c’est à juste titre que la décision de première instance a rejeté l’excuse de bonne foi, a déclaré Madame Suzanne A. coupable de diffamation et le jugement déféré sera confirmé sur la déclaration de culpabilité, ainsi que sur le quantum de la peine d’amende prononcée, qui sera cependant en totalité assortie du sursis simple.

Sur l’action civile

C’est à bon droit que la société Blédina a été reçue dans sa constitution de partie civile au regard de la déclaration de culpabilité de Madame Suzanne A. et la cour confirmera le jugement déféré et en ce qu’il a,
– fait interdiction à Madame Suzanne A. de diffuser ou commercialiser sur tout support, le livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes”,
– fait interdiction à Madame Suzanne A. de faire tout acte de publicité ou de promotion du livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes “,
– fait interdiction à Madame Suzanne A. de faire tout acte de publicité ou de promotion du livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes”,

mesures de nature à faire cesser l’atteinte portée à la société Blédina à son honneur et sa considération, qu’il n’y a pas lieu, d’ores et déjà, d’assortir des astreintes prononcées par le premier juge.

tandis qu’il y a lieu de rejeter les demandes formées par Madame Suzanne A. au titre de son préjudice moral et de condamnation de la société Blédina pour procédure abusive.

La partie civile justifie de l’aggravation du préjudice moral certain, découlant directement des agissements coupables de la prévenue depuis la décision déférée, du fait, après la parution d’un article dans le “Nouvel Observateur” le 17 novembre 2011, faisant état de l’utilisation par deux sociétés belges, Beldico et Cair, de « oxyde d’éthylène pour la stérilisation des nourettes distribuées dans les maternités, des interviews données par Madame Suzanne A. dans les média écrits et télévisés, le magazine « Elle » le 25 novembre 2011, le journal Sud-Ouest le 04 novembre 2011, le journal télévisé FR3 Aquitaine le 18 novembre 2011, l’émission “Le magazine de la santé” le 07 décembre 2011, dans lesquelles la prévenue a fait la promotion de son livre “ Maman Blédina pourquoi tu m’empoisonnes” et diffusé largement ses attaques contre Blédina.

La cour puise dans les pièces de la procédure, les éléments suffisants pour apprécier ce préjudice aggravé à la somme de 20 000 €, justifiant d’ordonner la publication par extraits de l’arrêt à intervenir,
– sur les sites internet sur lesquels le livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes” a été commercialisé, wwww.fnac.com, wwww.amazon.fr,
wwww.priceminister.com et www.furet.com aux frais de la prévenue et dans la limite de 1000 € par insertion,
– dans les magazines et quotidiens dans lesquels une publicité pour le livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes” a été diffusé, en l’espèce Le Nouvel Observateur, le Nouveau Détective, Elle, Sud-Ouest et la République des Pyrénées, aux frais de la prévenue et dans la limite de 1000 € par insertion.

Les demandes d’indemnisation formées par la prévenue de condamnation de la société Blédina, au titre du caractère abusif de la procédure intentée par la partie civile et de son préjudice moral, doivent être rejetées comme irrecevables du fait de la confirmation de la culpabilité.

Enfin, l’équité commande de condamner Madame Suzanne A. à payer à la partie civile la somme de 3000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale et de rejeter la demande faite à ce titre par la prévenue à l’encontre de la société Blédina.

DÉCISION

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

. Reçoit les appels comme réguliers en la forme,

Statuant dans la limite de ces appels,

Par application des textes visés la prévention,

Au fond.

. Confirme le jugement déféré sur la culpabilité en ce qu’il a déclaré Mme A. Suzanne coupable de diffamation envers particulier(s) par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique,

. Le réforme partiellement sur la peine,

Et statuant à nouveau,

. Condamne Madame Suzanne A. à une peine de 5000 € d’amende,

. Dit qu’il sera sursis à l’exécution de cette peine par application des articles 132-35 à 132-39 du code pénal,

. Constate que l’avertissement prévu aux articles 132-29 et suivants de code pénal a été donné à la condamnée, présente lors du prononcé de l’arrêt,

Sur l’action civile

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a reçu la société Blédina en sa constitution de partie civile et en ce qu’il a,
– fait interdiction à Madame Suzanne A. de diffuser ou commercialiser sur tout support, le livre “Maman Blédina pourquoi tu m’empoisonnes”,
– fait interdiction à Madame Suzanne A. de faire tout acte de publicité ou de promotion du livre “Maman Blédina pourquoi tu m‘empoisonnes”,

Y ajoutant,

. Condamne Madame Suzanne A. à payer à la société Blédina la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral souffert depuis la décision de première instance,

. Ordonne la publication par extraits de l’arrêt à intervenir,
– sur les sites internet www.fnac.com, www.amazon.fr, www.priceminister.com et www.furet.com aux frais de la prévenue et dans la limite de 1000 € par insertion
– dans les magazines et quotidiens Le Nouvel Observateur, le Nouveau Détective, Elle, Sud- Ouest et la République des Pyrénées, aux frais de la prévenue et dans la limite de 1000 € par insertion,

. Condamne Madame Suzanne A. à payer à la société Blédina la somme de 3000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

. Rejette les demandes formées par la prévenue de condamnation de la société Blédina pour procédure abusive, au titre de son préjudice moral et enfin en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

« Conformément aux dispositions de l‘article 706-15 du code de procédure pénale, avis est donné à la partie civile de la possibilité qu’elle a de saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’infractions, dans le cas où elle est victime des infractions prévues aux articles 706-3 et 706-14 du code de procédure pénale et ou elle réunit les conditions prévues par ces articles

La demande signée par la victime, son représentant légal ou son conseil doit être déposée au secrétariat de la commission ou adressée par lettre recommandée au plus tard 3 ans après la date des faits ou si ce délai est déjà expiré, un an à compter de la réception du présent avis à l’adresse suivante : tribunal de grande instance – Commission d’Indemnisation des Victimes d’infractions – Place de la Libération –
64034 Pau cedex
ou
à la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions du tribunal de grande instance de sa résidence

La prévenue comparante a été informée de la possibilité pour la partie civile, non éligible à la CJVI, de saisir le SARVI si elle ne procède pas au paiement des dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée dans le délai de deux mois courant à compter du jour où la décision est devenue définitive. »

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 120 € dont est redevable la condamnée.

. Constate que le Président a avisé la condamnée que si elle s’acquitte du montant du droit fixe de procédure dans un délai d’un mois à compter de ce jour ou du jour où la décision lui a été signifiée, ce montant est diminué de 20 % et que le paiement de ce droit fixe de procédure ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours (article 707-2 du Code de procédure pénale),

Le tout par application du titre XI de la loi du 4 janvier 1993, les articles 132-29 et suivants, 131-35 du code pénal, 32 al.1, 23 al.1, 29 al.1, 42 de la loi du 29/07/1881, 93-3 de la loi 82-652 du 29/07/1982, 475-1 du code de procédure pénale.

La cour : Mme D. Forcade (président), Mmes Ivancich et Morillon (conseillères)

Avocats : Me Charles Joseph-Oudin, Me Bretzner, Me Duminy

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.