Jurisprudence : Vie privée
Tribunal de grande instance de Rochefort sur Mer Jugement du 28 février 2001
Christophe G. /France Télécom Interactive
vie privée
Les faits
M. Christophe G. a, par contrat du 23 mars 1999, souscrit, auprès de la SA France Télécom Interactive (FTI), un abonnement dénommé « Wanadoo » lui donnant un accès illimité à l’internet et comprenant en outre cinq adresses de messagerie électronique pour créer un site web personnel ou professionnel.
Le 10 août 1999, la SA FTI a résilié l’abonnement de M. G., sans préavis, ni indemnités, au motif que celui-ci avait pratiqué le « spamming », c’est à dire un démarchage commercial auprès d’internautes dans des forums de discussion.
Par courrier du 12 août 1999, la SA FTI a précisé au demandeur que le motif de la résiliation de son contrat résidait dans la violation de la Nétiquette, définie comme l’ensemble des règles de bonnes conduite sur l’internet, suivant lesquelles, entre autres, le « spamming » est prohibé.
M. G. a fait assigner la SA FTI, par acte du 12 janvier 2000, devant ce tribunal aux fins de voir :
– dire et juger abusive la résiliation de son contrat Wanadoo,
– condamner la société défenderesse à lui payer une somme de 100 000 F, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi, cette résiliation l’ayant contraint à cesser son activité et l’ayant placé dans l’incapacité d’honorer ses dettes,
– subsidiairement, ordonner une mesure d’instruction aux fins d’apporter tous éléments sur le préjudice subi par lui,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– condamner son adversaire aux dépens,
Il a ultérieurement invité le tribunal à débouter la SA FTI de ses demandes de dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du ncpc.
La SA FTI conclut ainsi :
– dire et juger que la résiliation du contrat de M. G. se trouve justifiée du fait des graves manquements du demandeur à ses obligations et aux usages en vigueur sur internet,
– condamner le demandeur, compte tenu de sa mauvaise foi, à lui verser une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu’une somme de 30 000 F au titre des frais irrépétibles.
La discussion
Attendu qu’aux termes de l’article 1135 du code civil, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ;
Attendu, en l’espèce, que M. G. ne conteste pas avoir, dans le cadre de l’utilisation de son abonnement « Wanadoo », pratiqué le « spamming », en d’autres termes, avoir déposé de nombreux messages publicitaires, sur différents forums de discussion en vue de développer ses activités commerciales ;
Attendu qu’il importe peu que cette pratique ait été développée sur des forums de discussion et non sur des boites aux lettres personnelles ;
Attendu, en effet, qu’il résulte des pièces produites aux débats par la SA FTI, spécialement de l’extrait du rapport de la Commission Informatique et Liberté du 14 octobre 1999 et de l’avis du Président de l’internet Society, qu’il existe un usage proscrivant le recours au « spamming » dans les groupes de discussion ;
Attendu que l’usage, qui constitue une source du droit, s’impose à celui qui se livre à une activité entrant dans son champ d’application ;
Attendu que, contrairement à ce que M. G. prétend, sa pratique du « spamming » au sein des forums de discussion a été des plus intensive puisqu’elle a amené de très nombreux utilisateurs à la dénoncer au fournisseur d’accès ainsi qu’en atteste la copie des courriers électroniques reçus par la SA FTI ;
Attendu que cette dernière a mis en garde vainement le défendeur les 28 avril et 2 août 1999 contre l’utilisation de ce procédé en l’invitant à se conformer à l’usage, lui précisant, dans sa dernière correspondance, que, s’il persistait à l’utiliser, le service serait interrompu immédiatement et sans préavis ;
Attendu, dans ces conditions, que la société défenderesse a pu le 10 août suivant, sans faute de sa part, résilier le contrat conclu avec M. G. conformément à l’article 1184 du code civil ;
Qu’il échet, par suite, de débouter M. G. de l’ensemble de ses prétentions ;
Attendu, cependant, qu’il n’est pas établi que M. G. ait agi par légèreté blâmable ou dans l’intention de nuire à la SA FTI, laquelle doit, dès lors, être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Attendu, en revanche, qu’il serait inéquitable de laisser à la SA FTI l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a exposés à l’occasion de cette procédure ;
Que, sur le fondement de l’article 700 du ncpc, il lui sera alloué une somme de 6000 F, soit 914,69 €.
La décision
Statuant publiquement, contradictoirement, et en premier ressort,
. Déclare M. Christophe G. mal fondé en l’ensemble de sa demande et l’en déboute,
. Rejette la demande de dommages-intérêts de la SA France Télécom Interactive,
. Condamne M. Christophe G. à payer à la SA France Télécom Interactive la somme de 6000 F, soit 914,69 €, sur le fondement de l’article 700 du ncpc,
. Condamne M. Christophe G. aux entiers dépens.
Le tribunal : M. Ménabé (président), M. Steinitz (vice président), M. Roubeix (juge)
Avocats : SCP Mommée-Gary, SCP Bonnin-Andrault-Ferry
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