Jurisprudence : Responsabilité
Tribunal de commerce de Paris Ordonnance de référé du 2 juin 2000
SA Pernod Ricard, SA Compagnie Financière des produits Orangina, SA CSR Pampryl, M. Patrick R. / Société Gandi, Société Netoids
responsabilité de l'unité d'enregistrement - transfert du nom de domaine
Les faits et prétentions
Vu l’assignation délivrée le 26 mai 2000, par laquelle les sociétés Pernod Ricard, Compagnie Financière des produits Orangina, CSR Pampryl, titulaires des marques déposées listées au dispositif et Patrick R., estimant qu’est frauduleuse la réservation par la société Netoids des noms de domaine incriminés reproduisant les marques, la dénomination sociale et le nom sur lesquels ils ont des droits, nous demandent, sous le visa des articles L 716-6 du code de la propriété intellectuelle et 809 du ncpc et avec le bénéfice de l’exécution provisoire, après avoir saisi ce tribunal d’une instance au fond le 25 mai dernier, notamment pour des faits de contrefaçon, d’interdire l’usage des divers noms de domaine litigieux, d’en ordonner le transfert à leur profit et ce sous astreinte, de condamner solidairement les sociétés Gandi et Netoids à verser à chacun d’eux une indemnité provisionnelle à valoir sur leur préjudice, en application des dispositions des articles 809 du ncpc, L 713-5 du code de la propriété intellectuelle et 1382 et 1383 du code civil, et d’ordonner la publication par la société Gandi d’un extrait de la décision à intervenir sur la page d’accueil de son site.
Vu les conclusions de la société Gandi laquelle, se présentant comme une unité d’enregistrement reconnue et accréditée par « Internet Corporation for assigned names and numbers » (dit Icann), d’une part, s’oppose aux demandes en faisant observer qu’elle a spontanément et immédiatement gelé les noms de domaine litigieux dans l’attente d’une décision judiciaire, qu’elle est étrangère au débat sur les atteintes incriminées n’ayant fourni aucun moyen à la réalisation du délit poursuivi, d’autre part, demande reconventionnellement l’allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Après avoir entendu Alain D., représentant en sa qualité de gérant de la société Netoids, société à responsabilité limitée de droit américain dont il est le seul associé, laquelle, comparant volontairement et acceptant expressément d’être jugée, expose que son action contre les « cybersquatters » tend à « garantir aux grandes sociétés l’accès de leurs marques sur internet » et s’engage à transférer à ses propres frais et diligences les noms de domaine litigieux au profit des sociétés titulaires des marques et dénominations concernées, mais aussi au profit de Patrick R., ce dans les 24 heures.
Au cours des débats les demandeurs ont renoncé à réclamer, à ce stade, l’allocation d’une indemnité provisionnelle.
La discussion
Attendu qu’il sera donné l’acte sollicité par les défenderesses ;
Attendu qu’il y a lieu toutefois en l’absence de contestation de nature à entacher le caractère sérieux de l’action en contrefaçon dont ce tribunal est saisi au fond et en tant que de besoin, afin d’éviter la poursuite d’un véritable trafic organisé à des fins commerciales puisque la société Netoids qui ne revendique aucun droit de propriété sur les noms enregistrés, se propose de les rétrocéder aux titulaires des marques déposées moyennant une somme unitaire de 2500 à 3500 USD, « correspondant à leur valeur d’enregistrement » en affirmant vouloir ainsi « sensibiliser ces sociétés aux attaques dont elles sont victimes » alors que la société Gandi facture 80 F par an le nom déposé, et de faire en conséquence interdiction à la société Netoids d’utiliser les dénominations litigieuses et de lui enjoindre de transférer lesdits noms critiqués au profit des titulaires des marques et dénominations correspondantes et ce sous astreinte dans les termes du dispositif ;
Attendu que sans préjuger, à ce stade de la procédure, de la responsabilité du bureau d’enregistrement Gandi en ce qui concerne les faits de contrefaçon reprochés, il y a lieu cependant d’étendre également à celui-ci les mesures provisoires précitées, compte tenu de sa fonction de gestionnaire des noms enregistrés inscrite dans ses statuts, ainsi que de la forme de contrôle qu’il exerce a posteriori en sa qualité de « contact technique » mentionné dans la base de données « whois » du site officiel de Nsi qui procède à l’enregistrement des noms de domaine en « .com » ;
Que dès lors la demande reconventionnelle de la société Gandi fondée sur un exercice abusif des voies de droit ne saurait prospérer ;
Attendu que la procédure instaurée par l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle devant le Président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, est dérogatoire du droit commun de la procédure des référés ;
Que le président saisi d’une instance en vue du prononcé d’une mesure provisoire d’interdiction sur ce fondement, mesure exceptionnelle d’interprétation stricte, ne saurait outrepasser les limites ainsi marquées par la loi en prorogeant sa compétence pour statuer en référé en application des dispositions des articles 809 du ncpc et 1382 et 1383 du code civil ;
Que dès lors les demandes relatives à Patrick R., ainsi que celles tendant à la publication forcée de la décision à intervenir sont irrecevables ;
Attendu cependant que la société Netoids nous demande de prendre acte qu’elle s’engage de la même façon à transférer, à ses frais et diligences, au profit de Patrick R. les noms de domaine le concernant ; qu’il y sera satisfait ;
Attendu que l’urgence caractérisant la procédure entreprise, ainsi que l’absence de contestation sérieuse conduisent à assortir les mesures ordonnées de l’exécution provisoire ;
Attendu que les dispositions de l’article 700 du ncpc bénéficieront aux seules sociétés demanderesses.
La décision
Statuant publiquement en premier ressort, par ordonnance contradictoire.
. Donnons acte à la société Gandi de ce qu’elle déclare avoir gelé les noms de domaine litigieux jusqu’à décision définitive sur ce point ;
. Donnons acte à la société Netoids de ce qu’elle s’engage, sous 24 heures, à transférer, à ses frais et diligences les noms de domaine suivants :
* au profit de la CSR Pampryl :
– agruma.com
* au profit de la Société Pernod Ricard :
– champomy.com
– pam-pam.com
– ricqles.com
– brut-de-pomme.com
– brutdepomme.com
* au profit de la Compagnie Financière des produits Orangina :
– orangina-rouge.com
– oranginarouge.com
– orangina-light.com
– oranginalight.com
. En tant que de besoin, à titre provisoire, lui faisons interdiction d’utiliser ces dénominations et lui enjoignons, d’opérer ou de faire opérer à ses frais, le transfert de ces noms de domaine au profit des sociétés titulaires des marques qu’ils reproduisent, sous astreinte jo
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.