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Jurisprudence : Contenus illicites

mardi 19 septembre 2000
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Conseil des Prud’hommes de Montbéliard Jugement du 19 septembre 2000

Madeleine R. / Société Sulzer Orthopédie Cedior

contenus illicites - courrier électronique - licenciement pour faute

Faits

Le 24 janvier 2000, Madame Madeleine R. a saisi le Conseil des Prud’hommes de Montbéliard d’une demande à l’encontre de la société Sulzer Orthopédie Cedior aux fins de voir prononcé l’annulation d’une mesure disciplinaire et aux fins d’obtenir paiement des jours de mise à pied soit une somme de 684,37 francs.

Elle réclame en outre 3 000 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Madame Madeleine R. expose les faits suivants :

Elle est embauchée depuis 1992 en qualité de comptable.

Elle est déléguée du personnel et s’est retrouvée, après des licenciements pour motif économique, comme seule salariée non cadre dans les bureaux de la Direction.

Un harcèlement moral est exercé sur elle : aussi Madame Madeleine R. a répondu à un e-mail qui lui a été envoyé par une ancienne salariée et elle s’est vu infliger une mise à pied de trois jours.

L’employeur a la charge de la preuve qu’il n’a pas enfreint au respect de la Loi du 31/12/1992 et qu’il n’y a pas d’autocommutateur ou de code superviseur permettant de surveiller en temps réel la messagerie informatique du personnel.

De plus, infliger une sanction à une déléguée du personnel doit être le produit d’une faute grave.

La S.A.R.L Sulzer Orthopédie Cedior conclut en réplique aux fins de voir dire et juger fautive la relation épistolaire entretenue par la salariée avec un tiers à l’entreprise, constater qu’elle a effectué la sanction qui lui était infligée avant sa démission et que sa demande est non recevable et non fondée.

Elle demande reconventionnellement l’affichage de la décision à intervenir sur les panneaux d’information pendant 48 heures ainsi qu’une somme de 5 000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient notamment les arguments suivants :

la sanction prononcée n’est absolument pas discriminatoire ; elle touche Madame Madeleine R. dans l’exercice de ses fonctions pour avoir entretenu une relation épistolaire par messagerie informatique pendant ses heures de travail et pour avoir manqué de discrétion en relatant à une ex-salariée et commentant des événements survenus au sein de l’entreprise.

Compte tenu de la fréquence et du nombre de e-mail échangés, compte tenu d’une mise en garde faite par écrit concernant l’utilisation du téléphone, la sanction est loin d’être disproportionnée et sujette à critique.

Discussion

Sur les demandes principales :

Aux termes des dispositions de l’article L. 122.40 du Code du Travail, constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales prises par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Madame Madeleine R. a été sanctionnée par lettre en date du 13/10/99 en étant mise à pied pendant une durée de trois jours.

Il ressort du contenu de cette lettre qu’il est reproché à la salariée d’avoir utilisé à des fins personnelles et pendant son temps de travail le matériel de l’entreprise en entretenant au moyen de la messagerie électronique une correspondance avec une ex-salariée à laquelle ont notamment été communiquées des informations sur la réorganisation en cours dans l’entreprise.

Madame Madeleine R. conteste non pas la réalité des faits pris en compte par l’employeur mais la connaissance que ce dernier pouvait avoir car tout dispositif de contrôle ou de surveillance dans l’entreprise doit faire l’objet d’une information et d’une consultation du comité d’entreprise.

Madame Madeleine R. produit toutefois elle-même le contenu des messages non professionnels échangés avec l’ex-salariée ; elle ne démontre nullement que son employeur a eu connaissance du contenu de ces messages dans des conditions frauduleuses, étant observé qu’une note du 15/09/99 a rappelé aux salariés que la messagerie électronique est réservée à une utilisation professionnelle et que l’employeur conserve un droit de regard à tout instant.

Il est clairement établi qu’à plusieurs reprises, et notamment après diffusion de cette note, Madame Madeleine R. a pendant ses heures de travail envoyé des messages en utilisant l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur.

Il apparaît en outre que ces messages étaient adressés à une ancienne salariée de l’entreprise à la laquelle Madame Madeleine R. a notamment communiqué des informations sur la restructuration en cours au sein de l’entreprise.

Cette activité ne se rapporte en rien à la qualité de déléguée du personnel assumée par Madame Madeleine R.. La salariée, qui n’a pourtant pas hésité à évoquer un harcèlement moral dont elle avait été victime, a ainsi manifesté un comportement fautif notamment incompatible avec l’obligation de confidentialité qui était à sa charge.

Il y a donc lieu de débouter Madame Madeleine R. de l’intégralité de ses demandes, y compris celle formée au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur les demandes reconventionnelles :

Il n’y a nullement lieu de faire droit à la demande d’affichage présentée par l’employeur qui dispose de moyens légaux suffisants pour faire usage de son pouvoir disciplinaire. Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la S.A.R.L Sulzer Orthopédie Cedior les frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il y a lieu de rejeter sa demande formée au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Décision

Le conseil de Prud’hommes statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

.Déboute Madame Madeleine R. de l’intégralité de ses demandes, y compris celle formée au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

.Déboute la S.A.R.L Sulzer Orthopédie Cedior de toutes ses demandes y compris celle formée par l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

.Laisse les dépens à Madame Madeleine R..

Le bureau de jugement : Melle Lamboley, Juge Départiteur (Présidence), M. Thierry Maciazek (Assesseur Conseiller), M. Daniel Delfils (Assesseur Conseiller), M. Patrick Rougier (Assesseur Conseiller), M. Josette Petrequin (Assesseur Conseiller), Assistés lors des débats de Mme Danièle Boichard (Greffier en Chef)

Demandeur : Mme Madeleine R., assistée par M. Pascal T. (Délégué syndical ouvrier)

Défendeur : Société S.A.R.L Sulzer Orthopédie Cedior, représenté par Me Yves Bouveresse (Avocat au barreau de Montbéliard)

 
 

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