Les avocats du net

 
 


 

Jurisprudence : Contenus illicites

jeudi 08 novembre 2001
Facebook Viadeo Linkedin

Tribunal de commerce de Nanterre Ordonnance de référé du 8 novembre 2001

SA Liberty Surf, SA T-Online France / la SNC AOL Bertelsman Online France

abonnement internet - contenus illicites - publicité trompeuse

Arrêt d’appel du 21 novembre 2001

Débats à l’audience publique du 25 octobre 2001, devant M. Paul Sabatié-Garat, président ayant délégation de M. le président du tribunal.

Décision contradictoire et en premier ressort.

Par requête afin d’assigner d’heure à heure, SA Liberty Surf assigne la SNC AOL Bertelsman Online France et nous demande de :

Vu les articles 872 et 873 du nouveau code de procédure civile,

Vu l’article L. 121-1 du code de la consommation,

Vu le caractère trompeur et de nature à induire en erreur de la campagne publicitaire d’AOL,

Vu les agissements déloyaux de la société AOL,

Vu l’urgence,

Vu le trouble manifestement illicite,

recevoir la société Liberty Sur en ses demandes et les déclarer bien fondées,

En conséquence,

* dire que les publicités de la société AOL sont de nature à induire en erreur le consommateur ;

* autoriser la société Liberty Surf à procéder à la publication du jugement à intervenir, aux frais de la société AOL, dans trois journaux de presse généraliste et dans cinq revues spécialisées en informatique, ainsi que sur le site internet d’AOL ;

* dire que les publicités d’AOL constituent des actes de concurrence déloyale ;

* faire injonction à la société AOL de mettre fin à la diffusion de ces publicités, et ce sous astreinte de 60 000 F par diffusion par voie radiophonique, 100 000 F par jour pour les spots télévisés, 200 000 F par jour pour les diffusions tous sites sur internet et 4 000 F par support papier, dans les termes suivants :

1) Ordonner la modification de l’offre “20 heures”,

apparaissant sur les coffrets et pochettes kits de connexion, sur internet site d’AOL compris, dans les messages radio, presse et télévision, en ce qu’elle prévoit :

a) La gratuité du service :
– ordonner la suppression des termes “gratuit(s)” “gratuite(s)”, “totalement gratuites (accès internet et télécommunications inclus)”, “gratuitement”,
– ordonner la suppression de la mention “essai gratuit”,
– ordonner la suppression de la phrase “ceci un essai totalement gratuit, il ne vous en coûtera rien du tout”,
– ordonner que soit mentionné le coût de manière claire (i.e. de manière comparable à l’offre).

b) L’offre est “sans engagement” :
– ordonner la suppression de la mention “sans engagement” ou “sans aucun engagement”,
– ordonner la suppression du titre “ça ne vous engage à rien” ;

c) Une durée de 30 jours :
– ordonner que soit clairement (de la même manière que l’offre) mentionnée la durée de 30 jours de l’offre ;

d) Le basculement automatique dans la formule par défaut :
– ordonner que soit mentionné clairement (de la même manière que l’offre) le basculement automatique dans la formule par défaut, en cas de dépassement des 20 heures et/ou à l’issue des 30 jours,
– ordonner que soient communiquées les conditions de l’offre par défaut lors de la première connexion pour profiter de l’offre “20 heures”, et ce de manière claire ;

2) Ordonner la modification de l’offre “50 heures”,

apparaissant sur les coffrets et pochettes kits de connexion, sur internet site d’AOL compris, dans les messages radio, presse et télévision :

– ordonner que soit mentionnée clairement (de la même manière que l’offre) la durée de 24 mois d’engagement obligatoire,

3) Ordonner la modification de la rubrique “Les + d’AOL” et des slogans vantant la supériorité d’AOL,

apparaissant sur les kits de connexion, dans les messages radio et de presse, sur internet site d’AOL compris :

– ordonner la suppression de tous les sigles “+”,
– ordonner la suppression des termes “exclusif”, “exclusives” et “exclusivité”,
– ordonner la suppression des termes “le plus” de la mention “le kit de connexion le plus facile à installer”,
– ordonner la suppression de la mention “AOL, n° 1 des FAI pour les services conviviaux” ou la formule équivalente,
– ordonner la suppression de la mention “AOL, élu meilleure assistance technique de l’année” ou formule équivalente,
– ordonner la suppression des termes “le seul”, la formule “AOL est le seul à proposer des raccourcis dans son système d’exploitation” ou formule équivalente,
– ordonner la suppression des termes “le seul” dans la formule “AOL vous offre le seul système de contrôle parental gratuit” ou formule équivalente ;

4) Ordonner la modification des conditions détaillées,

dans les kits de connexion, dans les messages presse et sur internet site d’AOL compris, afin :

– qu’elles apparaissent clairement et en caractères lisibles,
– qu’elles suppriment toute référence à la gratuité de l’offre “20 heures”,
– qu’elles explicitent les conditions de la formule par défaut,
– qu’elles détaillent davantage l’offre “50 heures”,
– qu’elles précisent si le coût de 0,98 F TTC/minute correspond à des appels nationaux et/ou internationaux ;

5) Ordonner la modification des mentions relatives à l’assistance technique/service clientèle,

dans les kits de connexion, dans les messages radio et presse, sur internet site d’AOL compris :

– ordonner que soit supprimée la mention “gratuite” ou toute référence à la gratuité,
– ordonner que soit précisé si le tarif 0,98 F TTC/minute vise les communications nationales et/ou internationales,
– ordonner que soit précisé le coût de la communication lorsqu’il ne l’est pas déjà,
condamner la société AOL à payer une somme de 75 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions, la SNC AOL Bertelsman Online France nous demande de :

Vu l’article 873 du nouveau code de procédure civile,

Dire la société Liberty Surf irrecevable et mal fondée dans ses différentes demandes ;

Débouter la société Liberty Surf de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire, si par impossible le slogan “Sans engagement” de la société AOL Bertelsman Online France SNC devait être considéré comme constitutif d’un trouble manifestement illicite, dire que le trouble serait tout autant constitué lors de chaque usage par la société Liberty Surf de ce même “slogan” et faire interdiction à la société Liberty Surf d’utiliser ce slogan, dans des termes identique à l’interdiction faite à AOL Bertelsman Online France SNC ;

Condamner la société Liberty Surf à payer à la société AOL Bertelsman Online France SNC la somme de 100 000 F HT au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions, la société Liberty Surf nous demande de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures.

Par assignation en date du 19 octobre 2001 et par autorisation d’assigner d’heure à heure, la société T-Online France nous demande de :

Vu l’article 873 du nouveau code de procédure civile, les articles L. 121-1 et suivants, L. 121-8 à L. 121-14 du code de la consommation et 1382 du code civil :

Vu l’urgence,

Dire et juger que les publicités d’AOL contenant les slogans “Essai gratuit” et “Sans engagement” sont mensongères et de nature à induire en erreur ;

Interdire à la société AOL Bertelsman Online France SNC de diffuser des publicités, des étuis CD Rom, des CD Rom ou tout autre support contenant les termes “essai gratuit” et “sans engagement” sous astreinte :

* de 200 000 F par infraction constatée en ce qui concerne la télévision et l’internet,

* de 1 000 F par infraction constatée et par support en ce qui concerne les publicités éditées sur support papier,

* de 1 000 F par infraction constatée et par support en ce qui concerne les publicités éditées sur les CD Rom, leurs étuis ou les brochures qui les accompagnent ;

Dire et juger que les publicités d’AOL contenant les slogans “AOL, La meilleure assistance technique”, “AOL, Le kit de connexion le plus facile à installer”, “AOL, le n° 1 pour la convivialité des services, messageries, forums, chats” sont mensongères et de nature à induire en erreur, non conformes aux dispositions de l’article L. 121-8 du code de la consommation, et dénigrantes ;

Interdire à la société AOL Bertelsman Online France SNC de diffuser des publicités, des étuis CD Rom, des CD Rom ou tout autre support contenant les termes “AOL, la meilleure assistance technique”, “AOL, Le kit de connexion le plus facile à installer”, “AOL, le n° 1 pour la convivialité des services, messageries, forums, chats” sous astreinte :

* de 200 000 F par infraction constatée en ce qui concerne la télévision et l’internet,

* de 1 000 F par infraction constatée et par support en ce qui concerne les publicités éditées sur support papier,

* de 1 000 F par infraction constatée et par support en ce qui concerne les publicités éditées sur les CD Rom, leurs étuis ou les brochures qui les accompagnent ;

Dire et juger que les publicités d’AOL contenant les slogans “Seul AOL a pré-installé” ; “AOL est le seul à vous offrir” ; “AOL est le seul à pré-installer (…)” ; “Les outils indispensables” ou “Les outils dont vous aurez besoin” sont mensongères et de nature à induire en erreur, non conformes aux dispositions de l’article L. 121-8 du code de la consommation et dénigrantes ;

Interdire à la société AOL Bertelsman Online France SNC de diffuser des publicités, des étuis CD Rom, des CD Rom ou tout autre support contenant les termes “Seul AOL a pré-installé” ; “AOL est le seul à vous offrir” ; “AOL est le seul à pré-installer (…)” sous astreinte ;

* de 200 000 F par infraction constatée en ce qui concerne l’internet,

* de 100 000 F par infraction constatée en ce qui concerne la télévision,

* de 1 000 F par infraction constatée et par support en ce qui concerne les publicités éditées sur support papier ;

* de 1 000 F par infraction constatée et par support en ce qui concerne les publicités éditées sur les CD Rom, leurs étuis ou les brochures qui les accompagnent ;

Donner acte à la société T-Online France de ce qu’elle se réserve la possibilité d’intenter toute procédure afin d’obtenir la réparation du préjudice qu’elle a subi du fait des agissements d’AOL Bertelsman Online France SNC, constitutifs notamment de publicité mensongère, de publicité comparative illicite, dénigrement et concurrence déloyale ;

Condamner la société AOL Bertelsman Online France SNC au paiement d’une somme de 50 000 F par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Dire et juger que l’ordonnance à intervenir sera exécutoire sur minute et avant enregistrement.

Par conclusions, la société AOL Bertelsman Online France nous demande de :

Vu l’article 873 du nouveau code de procédure civile,

Dire irrecevables et mal fondées les demandes de la société T-Online France ;

Débouter la société T-Online France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société T-Online France à payer à la société AOL Bertelsman Online France SNC la somme de 100 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions, la société T-Online France nous demande de lui adjuger le bénéfice de son assignation.

Discussion

Sur la jonction :

Attendu que les actions entreprises par Liberty Surf, d’une part, et par T-Online France, d’autre part, contre AOL Bertelsman (ci-après “AOL”) concernent les mêmes offres publicitaires d’AOL et en critiquent les mêmes slogans ou accroches ;

Attendu que, même si, pour le surplus, les moyens et les demandes ne sont pas tout à fait identiques, il n’en reste pas moins que les deux instances présentent des liens de connexité suffisants pour que soit prononcée leur jonction et qu’il soit statué sur elles par une même ordonnance contradictoire ;

Sur la recevabilité :

Attendu que, par une “remarque préliminaire” équivalant à une fin de non-recevoir, AOL prétend tirer d’un considérant de la cour d’appel de Paris en matière de publicité comparative la conclusion que seul le juge du fond peut apprécier les exigences de l’article L. 121-8 du code de la consommation et qu’elle n’hésite pas à étendre cette conclusion à l’application de l’article L. 121-1 du même code principalement invoqué par les demanderesses ;

Mais attendu qu’outre le caractère exclusif et arbitraire d’une telle généralisation, il est à noter que la cour d’appel de Versailles n’a pas sanctionné pour un tel motif les nombreuses ordonnances des juges des référés de Nanterre qui ont statué en matière de publicité comparative pharmaceutique destinée aux médecins, qui à défaut d’être soumise l’est au code de la santé publique dont les exigences sont équivalentes, à la communication préalable près (supprimée par l’ordonnance du 23 août 2001) ;

Attendu que, dans ces conditions, les actions jointes sont recevables ;

Sur les demandes fondées sur l’article L. 121-1 du code de la consommation :

1) Attendu que les demanderesses considèrent que les slogans ou accroches “Sans engagement” et ceux utilisant l’adjectif “gratuit” avec ou sans adverbe contreviennent à l’article L. 121-1 du code de la consommation lorsqu’ils se rapportent à l’offre d’un essai de 20 heures de connexions car ils sont faux ou mensongers ou bien ils induisent le consommateur en erreur ;

Attendu que ce dernier point concerne la limitation de l’offre à une période de 30 jours à partir de la mise en place du logiciel de raccordement, qui n’apparaît pas sur l’accroche mais sur un renvoi séparé, caché et pratiquement illisible ;

Attendu que cette absence d’indication sur l’accroche elle-même d’un point essentiel de l’offre est de nature à induire en erreur ;

Attendu que l’expression “Sans engagement” figurant sur les diverses publicités se trouve contredite non pas tant par le renvoi dissimulé qui vient d’être évoqué et reste dans le vague sur ce point, que par le texte apparaissant à l’écran au cours de la procédure d’installation du logiciel remis sous forme de CD Rom ;

Attendu qu’il ressort de ce texte que le bénéficiaire de l’offre se trouve engagé, dès qu’il aura complété cette procédure en fournissant son identité et son numéro de carte bancaire, à payer les connexions dépassant les 20 heures au cours de la période d’essai de 30 jours et à la fin de celle-ci à utiliser la formule de 15 heures de connexion par mois pour 95 F, sauf avis contraire de sa part avant la fin de la période ;

Attendu que le bénéficiaire de l’offre prend bien un double engagement en l’acceptant, même s’il a la possibilité de se dégager du second, comme dans un cas de tacite reconduction ;

Attendu qu’AOL ne s’y est d’ailleurs pas trompée puisqu’elle précise dans ce même texte “votre abonnement sera résilié” ;

Attendu que le double engagement à prendre pour bénéficier de l’offre fait perdre à celle-ci son caractère allégué de gratuité, sans qu’il y ait lieu à retenir le paiement du premier appel vers AOL ;

Attendu que l’expression “sans engagement” et l’affirmation de la gratuité sont donc bien les contrevérités qui violent l’article L. 121-1 du code de la consommation qui, en facilitant ainsi franchement le racolage de clients par AOL, crée un trouble manifestement illicite pour ses concurrents ;

Attendu, au surplus, que les décisions citées de divers tribunaux d’instance reconnaissent que des engagements licites ont été pris par des consommateurs qui ont pu être abusés par une accroche trompeuse et incomplète, de sorte que la licéité desdits engagements ne peut couvrir l’illicéité des accroches et slogans publicitaires comme tente de le faire croire AOL ;

Attendu, enfin, que telle qu’elle est présentée dans la procédure de connexion, l’offre apparaît comme portant non sur un essai à proprement parler mais sur une prime, telle qu’autorisée par la fin du premier alinéa de l’article L. 121-35 du code de la consommation, car un essai, même payant, ne peut s’entendre que sans engagement, de sorte que le mot “essai” peut être considéré comme mensonger tant dans l’accroche que dans le texte de présentation existant ;

Mais attendu que si ce texte était maintenu, la suppression du mot “essai” ne pourrait être que suggérée et non ordonnée puisque ceci n’est pas demandé ;

2) Attendu que la société Liberty Surf critique également l’accroche concernant l’offre d’abonnement pour 50 heures par mois au prix de 99 F en ce qu’elle ne mentionne pas qu’elle est soumise à un engagement ferme pour 24 mois dont l’obligation n’apparaît que sur un renvoi illisible et dissimulé comme signalé plus haut ;

Attendu que, si l’on admet que le bandeau “sans engagement” figurant sur la première page de la pochette-kit couvre l’offre “50 heures / 99 F par mois” comme celle de “20 heures d’essai”, ce qui a été dit sur cette expression à propos d’une offre vaut à propos de l’autre ;

Attendu qu’en toute hypothèse, la formulation de l’offre “50 heures / 99 F par mois”, sans indication de l’engagement sur 24 mois peut induire en erreur le consommateur qui croirait pouvoir s’engager au mois le mois, de sorte que cette accroche viole également l’article L. 121-1 du code de la consommation ;

Attendu, en revanche, que la reproduction d’une lettre du PDG d’AOL figurant sur le prospectus introduit dans la pochette-kit n’encourt pas la même critique, le renvoi précisant la durée de 24 mois étant situé au pied de cette missive et étant lisible ;

3) Attendu que la société Liberty Surf est bien fondée à déclarer mensonges les “Plus” dont fait état AOL, dans la mesure où elle s’appuie sur les caractéristiques ou performances de ses propres prestations et non sur des sources contestables ;

Attendu, d’ailleurs, qu’AOL ne conteste pas sérieusement les critiques de la société Liberty Surf, et se borne dans sa réplique sur le contrôle parental à faire état du cas T-Online… ;

Attendu, en conséquence, que ce superlatif, qu’il soit relatif ou absolu, doit être considéré comme contraire à l’article L. 121-1 du code de la consommation ;

Attendu qu’il ressort des débats que l’affirmation selon laquelle “AOL est le seul à proposer des raccourcis dans son système de navigation” n’est pas trompeuse puisqu’il se présente comme FAI dans la publicité incriminée et que l’autre intervenant proposant le même avantage ne l’est pas ;

Attendu qu’en annonçant une assistance téléphonique gratuite, AOL n’a pas comme dans l’accroche sur les 20 heures d’essai, précisé “télécommunications incluses” alors que l’interprétation qu’en donne la société Liberty Surf peut tenir à ce que l’adjectif “gratuite” figure après “téléphonique” et qu’il eut donc dû être placé après “assistance” si AOL entendait qu’elle seule fut gratuite ;

Attendu qu’il s’agit là plus d’une erreur de syntaxe que d’une violation de l’article L. 121-1 du code de la consommation, à laquelle il est aisé de remédier, ce qu’AOL affirme avoir fait en supprimant la mention de la gratuité de ce service sur ses nouvelles pochettes-kit, de sorte qu’il n’y a lieu à retenir l’existence d’un trouble manifestement illicite, sauf si une telle mention persistait dans les annonces dans la presse ;

4) Attendu que la société T-Online considère comme mensongère l’affirmation d’AOL prétendait être “le seul à pré-intstaller sur son logiciel tous les outils” dont vous aurez besoin pour profiter pleinement de l’internet, alors qu’il n’est pas possible de les définir objectivement et que certains de ceux cités n’apparaissent ni nécessaires ni indispensables eu égard à la qualité ou aux attentes de chaque internaute ;

Attendu qu’après avoir cité quelques services, l’annonce en question est complétée par une phrase aussi vague qu’invérifiable : “et bien d’autres services déjà pré-installés par AOL”, de telle sorte que son caractère trompeur n’est pas établi d’emblée, comme il se doit en référé ;

Attendu que, lorsque T-Online déclare qu’il est faux de prétendre être le seul à avoir pré-installé un service de messagerie instantanée comme le fait AOL, celle-ci apporte la preuve que le client du seul autre FAI visé par T-Online doit effectuer une manœuvre spécifique pour bénéficier de ce service, qui n’est pas pré-installé ;

Attendu que dans ce cas comme dans le précédent la violation de l’article L. 121-1 du code de la consommation n’est pas établie ;

Sur les demandes fondées sur l’article L. 121-8 du code de la consommation :

Attendu que sont considérés comme relevant de la publicité comparative l’ensemble des slogans, accroches et annonces, évoqués ci-après, par les deux demanderesses et certains autres par T-Online ;

Mais attendu que les demanderesses ne sont désignées ni explicitement ni même implicitement parmi la cinquantaine de FAI opérant en France, ce qui exclut, pour défaut de qualité à agir, leur recours à l’article L. 121-8, alors même que l’essentiel de leurs griefs a pu être examiné au regard de l’article L. 121-1, dont les violations constatées suffisent à justifier les dispositions ci-après définies ;

Sur les mesures à prendre :

Attendu que, dans le cas présent, si le dommage reste à préciser, le trouble manifestement illicite tenant à la violation de l’article L. 121-1 du code de la consommation est établi et est constitutif de concurrence déloyale ;

Attendu que les mesures à prendre en vertu de l’article 873 du nouveau code de procédure civile doivent faire cesser ce trouble d’une façon complète et rapide, à défaut de quoi le préjudice ne pourrait que s’accroître ;

Attendu que si une entreprise a jugé bon d’engager d’importantes dépenses publicitaires, elle ne peut pour autant échapper, jusqu’à ce que ces engagements soient arrivés à expiration, aux conséquences de la responsabilité qu’elle a encourue en raison de leur contenu ;

Attendu, en conséquence, que les mesures prescrites ci-après seront d’effet quasiment immédiat et assorties d’astreintes, dont la liquidation éventuelle permettra d’une part de prendre en considération les charges financières afférentes aux engagements publicitaires d’AOL et d’autre part de procurer de fait aux demanderesses une provision sur l’indemnisation de leurs préjudices à déterminer par le juge du fond ;

Sur la demande reconventionnelle à titre subsidiaire :

Attendu qu’AOL, au cas où son slogan “Sans engagement” serait reconnu comme créant un trouble manifestement illicite, demande qu’il soit interdit à Liberty Surf d’utiliser cette même expression, sur laquelle celle-ci prétend à tort avoir un droit exclusif dû à l’antériorité de son usage ;

Attendu que cette prétention de Liberty Surf est parfaitement vaine eu égard à la banalité de l’expression ;

Mais attendu que, accolée à une offre ou accroche publicitaire, elle signifie sans conteste que le consommateur acceptant l’offre n’a à s’engager à rien d’autre que ce qui est annoncé dans l’accroche, tandis qu’AOL n’apporte pas la preuve que Liberty Surf n’ait pas respecté cette signification ; qu’en conséquence, la demande reconventionnelle sera rejetée ;

Sur la publication :

Attendu que le caractère irrecevable d’une publication la rend, en principe, incompatible avec une procédure de référé ; qu’il ne sera donc pas donné suite à cette demande ;

Sur les dépens et l’article 700 du nouveau code de procédure civile :

Attendu qu’AOL sera condamnée aux dépens, et que l’équité commande en conséquence de faire droit aux demandes de la société Liberty Surf et de T-Online au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Décision

. joignons le causes ;

et, statuant par une même ordonnance contradictoire,

. disons les demanderesses recevables en leurs actions en ce qu’elles sont fondées sur l’article L. 121-1 du code de la consommation ;

. ordonnons à la société AOL de suspendre dans les délais ci-après précisés toutes publicités :

– concernant l’offre d’essai de 20 heures de connexion, comportant la formule « Sans engagement » et/ou faisant état de la gratuité de cette offre,

– concernant l’offre de 50 heures de connexion pour 99 F par mois ne comportant pas l’indication de la durée imposée de 24 mois accolée,

– comportant la rubrique intitulée « Les + d’AOL » comprenant les cinq points cités par la société Liberty Surf précédé d’un signe « + » ;

. disons :

1) que cette suspension prendra effet :

– dès la signification de la présente ordonnance pour les pochettes-kits et leur contenu, dont le stock non encore distribué, se trouvant chez AOL et/ou ses distributeurs, sera relevé par l’huissier significateur au moyen de tous documents comptables ou administratifs à lui fournir par AOL ou, à défaut, de documents probants, par inventaire physique,

– dès la signification de la présente ordonnance, pour les annonces par voie de presse n’ayant pas fait l’objet de bons à tirer signés et expédiés à cette date ou, en cas contraire, dont la réalisation est prévue dans un délai de plus de trois jours de cette même date, ce dont l’huissier significateur prendra note,

– dans les 48 heures de la signification de la présente ordonnance pour les publicités sur internet,

– dans la semaine suivant la signification de la présente ordonnance pour les publicités radiophoniques et télévisuelles ;

2) que le non-respect des dispositions qui précèdent sera sanctionné pendant une première période d’un moins par une astreinte provisoire :

– de 150 000 F par infraction pour la radio et la télévision,

– de 100 000 F par infraction pour l’internet,

– et de 1 000 F par infraction pour les supports imprimés : pochettes et presse ;

3) que nous nous réserverons la liquidation de ces astreintes ;

. disons que la SNC AOL Bertelsman Online France pourra reprendre l’un ou l’autre de ces publicités :

I) dès qu’auront été supprimées ou occultées les mentions illicite « Sans engagement » et/ou faisant valoir la gratuité et se rapportant à l’offre d’essai sur 20 heures, ou que la SNC AOL Bertelsman Online France aura procédé à une modification de la procédure d’inscription apparaissant à l’écran pour préciser qu’après 20 heures gratuites de connexion et au plus tard au bout de 30 jours suivant la première connexion, l’envoi prendra automatiquement fin à moins que l’internaute ait manifesté avant son expiration son désir de souscrire un bonnement (ceci pouvant lui être rappelé en temps voulu par un « pop-up »,

II) dès que la SNC AOL Bertelsman Online France aura ajouté à l’accroche « 50 heures / 99 F par mois » la précision « pendant 24 mois »

III) et dès que la SNC AOL Bertelsman Online France aura supprimé ou occulté la rubrique « Les + d’AOL » et les signes « + » précédant les cinq points cités, ou qu’elle aura remplacé l’ensemble par une énumération sans affirmation de sa supériorité ;

. disons qu’il n’y a lieu à référé pour le surplus des demandes de la société Liberty Surf et T-Online France ;

. déboutons la SNC AOL Bertelsman Online France de sa demande reconventionnelle ;

. condamnons la SNC AOL Bertelsman Online France aux dépens et à payer au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile 75 000 F à la société Liberty Surf et 50 000 F à la société T-Online France ;

. rappelons que l’exécution provisoire est de droit ;

. liquidons les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 186,58 F (dont TVA 30,57 F).

Le tribunal : M. Paul Sabatié-Gabat.

Avocats : Coudert Frères, Veil Armfelt Jourde La Garanderie / de Pardieu Brocas Maffei et associés.

Notre présentation de la décision

 
 

En complément

Maître Coudert Frères est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante  :

 

En complément

Maître de Pardieu Brocas Maffei et associés est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

En complément

Maître Veil Armfelt Jourde La Garanderie est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

En complément

Le magistrat Paul Sabatié Gabat est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.