Jurisprudence : Vie privée
Tribunal de Grande Instance de Paris 17ème chambre, 2ème section Jugement du 10 juillet 2002
Anne D. / SA France Télécom, Société Wanadoo
atteinte à la vie privée - collecte et mise en mémoire informatique de données personnelles - courrier électronique
Les faits et prétentions
Vu l’exploit introductif d’instance en date des 2 et 4 avril 2001 et les dernières écritures du 21 janvier 2002, délivrés par Anne D., aux sociétés France Télécom et Wanadoo, aux motifs que « celles-ci ont porté atteinte à sa vie privée en créant une adresse électronique à son nom à son insu et en cédant des informations personnelles la concernant à des entreprises de merchandising » ; Anne D. sollicite du tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de condamner in solidum les sociétés France Télécom et Wanadoo sur le fondement de l’article 9 du code civil, à lui payer la somme de 15 244 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à sa vie privée ainsi que la somme de 3048,98 € en réparation de son préjudice moral ;
elle demande également de condamner ces mêmes sociétés à lui payer la somme de 1524,49 € au titre de l’article 700 du ncpc ;
Vu les dernières écritures signifiées le 13 février 2002 par les sociétés France Télécom et Wanadoo qui concluent :
– à titre principal, au mal fondé des demandes formées par Anne D., dès lors qu’aucune donnée relative à la demanderesse n’a été divulguée au public ;
– à titre subsidiaire, qu’elle ne rapporte pas la preuve du quantum du préjudice allégué, et ne lui accorder, dans ces conditions, qu’un euro à titre de dommages-intérêts ;
– en tout état de cause, à la condamnation à titre principal de la requérante à leur verser, chacune, la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc, outre les entiers dépens ;
Vu les dispositions de l’article 455 du ncpc qui permettent au tribunal de se référer par visa à ces écritures pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties ;
La discussion
Attendu que par courrier en date du 16 novembre 2000, les sociétés France Télécom et Wanadoo ont informé la requérante qu’elle était inscrite à un service permettant l’accès libre au réseau internet et qu’elle disposait à cet effet d’une adresse e-mail intitulée anne.d.@wanadoo.fr ; qu’il est vite apparu aux deux sociétés défenderesses suite aux différentes démarches entreprises par Anne D. à leur endroit qu’il s’agissait d’une méprise et que la demanderesse ne désirait pas disposer d’une telle adresse ; que dès lors, la société France Télécom agissant es-qualités de distributeur du fournisseur d’accès internet, Wanadoo, a masqué les coordonnées de l’intéressée sur le serveur informatique STB, où elles étaient précédemment inscrites, celles-ci apparaissant désormais sous la forme suivante : tableaublanc2005@wanadoo.fr et ne permettant plus l’identification de l’intéressée ;
Attendu, cependant, qu’Anne D. persiste à affirmer que « des informations confidentielles d’état civil et relatives à sa vie privée » demeurent sur ce serveur, qu’elles ont été communiquées à des tiers et que de surcroît « une messagerie d’accès libre à son nom a été créée sans son autorisation » ;
Attendu, cependant, qu’il résulte des documents produits au dossier par les sociétés défenderesses, que la société France Télécom a, dès le 4 décembre 2001, pris en compte la réclamation d’Anne D. et que la demanderesse a reçu, non seulement, des excuses écrites de la part des défenderesses, mais aussi des explications détaillées (par courriers des 15 décembre 2001 et 31 janvier 2002) l’informant de l’absolue confidentialité de ses coordonnées ainsi que de l’impossibilité technique de les communiquer à des tiers ;
Attendu que le tribunal relève, à cet effet, que la demanderesse n’a jamais été connectée au réseau internet, et qu’à l’instar d’une fausse adresse « civile », elle ne risque donc pas de recevoir des courriers inopportuns sur une messagerie qui n’existe pas, voir de subir un préjudice à figurer sur un annuaire informatique, dès lors qu’aucune adresse e-mail n’autorise une quelconque mise en relation avec un ordinateur qu’elle ne possède pas ;
Attendu qu’au demeurant, le fait pour France Télécom de conserver ses coordonnées personnelles sur une liste rouge, lui permet encore de rester connectée au réseau téléphonique et de recevoir des appels de même nature ;
Attendu qu’il apparaît, dans ces conditions, que le préjudice allégué par la demanderesse relève d’une méconnaissance totale du réseau internet et de son mode de fonctionnement, voire des craintes irraisonnées que son existence suscite ; qu’en outre, en l’absence de tout document permettant de constater que la société France Télécom a outrepassé les règles de confidentialité dont bénéficient les abonnés sur liste rouge, et que cette société a communiqué les coordonnées d’Anne D. à des tiers, le fondement juridique de la demande ne pouvait, à l’évidence, relever des droits de la personne et de l’article 9 du code civil ; qu’il s’agit donc d’une demande infondée en fait et en droit ;
Attendu, qu’il convient dans ces conditions de débouter purement et simplement Anne D. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Attendu que les circonstances de l’espèce s’opposent à l’exécution provisoire de ce jugement ;
Attendu que l’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité formée par les défenderesses en application des dispositions de l’article 700 du ncpc et d’accorder aux sociétés France Télécom et Wanadoo, la somme de 620 €, chacune, au titre des frais irrépétibles ;
Attendu que Anne D. sera condamnée aux entiers dépens ;
La décision
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
. Déboute Anne D. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
. Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
. Condamne Anne D. à verser aux sociétés France Télécom et Wanadoo la somme de 620 €, chacune, en application des dispositions de l’article 700 du ncpc ;
. Condamne Anne D. à supporter les entiers dépens.
Le tribunal : Mme Bezio (vice président, président de la formation), Mme Dubreuil (vice président), Mme Pulver (juge assesseurs)
Avocat : Me Saulais, SCP Coblence
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