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Jurisprudence : Jurisprudences

mercredi 18 décembre 2019
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Tribunal de commerce de Bernay, jugement du 26 septembre 2019

Eliraweb / Internet Kingdom et M. X.

accès frauduleux - concurrence parasitaire - ex-salarié - fraude informatique - maintien frauduleux

La Société Eliraweb a pour activité la recherche de trafic vers les sites de ses partenaires. Elle cherche à capter de nouveaux internautes qui seront des prospects ou des clients de ses partenaires. La Société Eliraweb agit comme prescripteur des sites marchands de ses partenaires.

Cette société a été créée en 2007 par Monsieur Y., jusqu’alors responsable du web marketing du Crédit Agricole.

Eliraweb exploite trois sites internet dans des domaines de ses compétences et ses passions :
• Turfomania.fr, dans le domaine de l’hippisme et des pronostics, aujourd’hui troisième site le plus visité en France en la matière.
• Banques-en-lignes.fr, comparateur de frais bancaires, aujourd’hui site le plus visité en France en la matière.
• Eliracash.fr, site de cash-back, permettant aux internautes de réserver une chambre d’hôtel ou d’acheter un produit auprès de 1300 e-commerçants partenaires qui accordent une remise à l’internaute.

Eliraweb insère les bannières publicitaires des sites de ses partenaires dans ses propres sites et favorisent donc leur activité.
Eliraweb pratique l’affiliation qui repose sur une technologie de tracking, système permettant de suivre et d’analyser le parcours des internautes visiteurs et donc d’attribuer les ventes générées.

Le chiffre d’affaires de Eliraweb en 2017 a été de 3.2 millions d’Euros et la société employait sept salariés en plus de ses deux cogérants.

Monsieur X. a créé la société Editeursscripts, prestataire de développement de sites internet, qui s’est rapidement développée.

Eliraweb est devenue cliente de la société Editeursscripts et des relations se sont alors nouées entre les dirigeants.

C’est ainsi que Monsieur X. a été embauché par Eliraweb le 1er octobre 2012, sans clause de non concurrence et en tant que chef d’agence.
Le même jour, Monsieur X. a cédé à Eliraweb une branche d’activité de réalisation de logiciels, de programmation informatique, de création et d’hébergement de sites internet, exploitée jusqu’alors par la société Editeursscripts dont il est le propriétaire moyennant le prix de 85.000 €.
Cette branche d’activité comprenait les sites internet suivants :
Editeursscripts.com, elbeuf-commerce.com, e-X.fr, bigbazaar.fr, autoccaz.fr, developpeur-php.com, infographistes.org, itchatche.com et comparateur-achat-or.com.

Le 31 décembre 2015, Monsieur X. a quitté la société Eliraweb aux termes d’une rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail.

En mars 2017, Monsieur X. a créé la société Internet Kingdom.

Le 9 janvier 2018, Monsieur X. a reçu une mise en demeure transmise par le Conseil de la société Eliraweb, le sommant de :
o Reconnaître par écrit la commission de faits de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de Eliraweb ;
o Reconnaître par écrit la commission du délit d’intrusion et de maintien dans un système de traitement automatisé de données à l’encontre de la société Eliraweb ;
o S’engager à cesser toute exploitation des éléments de savoir-faire résultant d’investissement d’Eliraweb et ayant fondé sa notoriété au plus tard le 20 janvier 2018 ;
o S’engager à réparer le préjudice en lui versant la somme de 12.000 € à titre de dommages et intérêts au plus tard le 20 janvier 2018.
Contestant tout agissement fautif et par le truchement de son Conseil, Monsieur X. a répondu qu’il n’en tendait pas donner suite à ces demandes.

Par courriel du 21 mars 20 18, le Conseil d’Eliraweb a sollicité auprès de Monsieur X. une issue favorable à ce litige. Cette demande est restée sans réponse.

PROCEDURE :

C’est ainsi que, le 06 avril 2018 et par voie d’huissier, Eliraweb a assigné Internet Kingdom et Monsieur X. à devoir comparaître à l ‘audience du 26 avril 2018 à 14 h du Tribun al de Commerce de Bernay.

D’abord silencieuse, Internet Kingdom a fini par répondre par Je truchement de son Conseil, le 31 juillet suivant.

Après plusieurs renvois, l’affaire a été entendue à l’audience du 23 mai 2019 et mise en délibéré au 26 septembre 2019.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
*Pour la société Eliraweb :
A. LES FAITS LITIGIEUX
La Société Eliraweb utilise un outil de tracking Google nommé « Search Console » afin d’analyser son audience et d ‘être bien référencée pour attirer des visiteurs sur les bannières de ses sites marchands partenaires.
Pour créer son activité concurrente, Monsieur X. s’est connecté aux comptes d’Eliraweb de cet outil de tracking sans autorisation de son ancien employeur.

En effet, il a été constaté par un procès-verbal d’huissier du 29 mai 2017 l’intrusion et le maintien dans le système de traitement de données d’Eliraweb de Monsieur X., avant et après son départ d’Eliraweb et à de nombreuses reprises, avec son adresse email , contact@ik-digital.fr, adresse correspondant à la dénomination sociale de la sociét2 concurrente qu’il gérera après son départ d’Eliraweb.

Pendant qu’il était salarié d’Eliraweb, Monsieur X. s’est connecté aux comptes d’Eliraweb par quatre fois courant 2015 avec sa propre adresse contact@ik­digitalfr, sans autorisation de sa direction ni ne l’avoir informée de l’existence d’une telle adresse.

Monsieur X.s’est à nouveau connecté aux comptes du site d’Eliraweb, après avoir quit1é la société les 20 janvier et 05 février 2017.

Il s’agit d ‘une intrusion et d’un maintien externe dans le système informatique d’Eliraweb, et d’un vol de données, faits prévus et réprimés par le Code Pénal.

En outre, Monsieur X. a créé une activité de pronostics sportifs, Pronoclub.fr en copiant des éléments de Twfomania.fr.

En outre, Monsieur X. a créé un site Comparobanque.fr faisant de multiples références à la société Eliraweb et reprenant les éléments ayant permis le succès du site banqus-en-ligne.fr d’Eliraweb.

Les défendeurs n’ont eu de cesse à tirer profit de la valeur économique des sites premiers d’Eliraweb qui avaient nécessité de lourds investissements, un savoir-faire spécifique pour connaître leur actuel succès marketing et commercial, le parasitisme est constitué.

B. TENTATIVE DEREGLEMENT AMIABLE
Le 09 janvier 2018, dans le but de rechercher une solution amiable, Elira web a mis en demeure Monsieur X. d’ Internet kingdom de cesser les faits de parasitisme et d’intrusion et de réparer le préjudice qu’elle a subit.

Pour se défendre, Monsieur X. a répondu que :
• Concernant l’accès et le maintien, il a utilisé son adresse personnelle pour « reprendre la main sur des sites personnels intégrés» dans Search Console. L’intrusion n’était donc pas frauduleuse. Monsieur X. confirme les contestations de son intrusion répétée dans cet outil pour accéder aux données relatives aux sites d’Elira web. Il affirme en outre avoir récupéré l es données des sites qu’il avait vendus au prix de 85.000 € en arrivant chez Eliraweb.
• Monsieur X. reconnaît avoir utilisé le nom d’Eliraweb sur son site Pronoclub, mais affirme l’avoir fermé depuis. Or, au jour de 1’assignation le site n’était pas fermé et renvoyait sur un autre site« Bet4you »de Monsieur X.
• Concernant Comparobanque.fr, les défendeurs affirment qu’il est différent du site d’Elira web, alors qu’il exploite les mêmes ressorts à savoir l’association d’un annuaire national des établissements bancaires et d’un comparateur en ligne.

C SUR L’ACCES ET LE MAINTIEN DANS UN SYSTEME INFORMATIQUE ET LE VOL DE DONNEES
>- EN DROIT
L’article 323-1 du Code Pénal prévoit :
« Le fait d ‘accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d ‘ un système de traitement automatisé de donnée s est puni de deux ans d ‘ emprisonnement et de 60.000 € d’amende ».

Et l’article 311-1 du Code Pénal dispose que :
« Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ».
>- EN FAIT
Monsieur X., en tant que chef d’agence, détenait un identifiant et un code d’accès à l’outil « search console »de Google pour les besoins d’Elira web.
Il avait la possibilité d ‘ajouter ou supprimer des utilisateurs. C’est ainsi qu’il a permis l’accès à cet outil de tracking en enregistrant son adresse contact@ik-digital.fr qui correspond au nom de la société qu’il immatriculera après son départ.

Ces faits sont confirmés par le conseil du défendeur qui écrit :
« Mon client a acheté le domaine ik-digital.fr en 2015 lorsqu’il était salarié chez Elira web. C’est à ce moment-là qu’il a modifié l’adresse email qu’il avait chez Elira web pour la remplacer par sa nouvelle adresse ik-digital.fr. C’est à ce moment que cette adresse est apparue dans « search console. »

Puis après son départ, Monsieur X. s’est connecté à la console sur les sites d’Eliraweb pour exploiter les données sans autorisation.

Ces faits sont confirmés par le constat d’huissier.

Monsieur X. s’est introduit dans le système informatique d’Eliraweb de manière frauduleuse pour récupérer et donc voler des données en vue de développer des sites concurrents et reprendre la main sur les sites qu’il avait préalablement vendus.

>- EN DEFENSE
Monsieur X. dit qu’en tant que salarié, il avait droit d ‘accès à la search console d’Eliraweb, oui mais avec l’adresse mail qui lui avait été attribuée et non avec celle qu’il avait lui-même crée.
Monsieur X. cherche à égarer le tribunal par une argumentation technique notamment concernant :
L’absence de logs FTP L’automaticité des lignes d ‘écriture
L’existence su r le marché d’outils plus perf01mant que la Search Contrôle de Google. Le demandeur démontre que ces argumentations sont-elles-mêmes fallacieuses.

D SUR LA CONCURRENCE DELOYALE PARASITAIRE
>- EN DROIT
Les arrêts de la Cour de Cassation et de la Cour d’Appel de PARIS sont constants pour caractériser les actes parasitaires et le parasitisme qui est un cas de concurrence déloyale.
Sont constitutifs de parasitisme : la volonté de s’inscrire dans le sillage d’autrui, la reproduction partielle du contenu du site concurrent sans autorisation qui ne peut résulter d’une simple coïncidence.

>- EN FAIT
Monsieur X. et sa nouvelle société ont reproduit les trois domaines d’activité atypiques d’Eliraweb, copiant Je contenu, citant son nom dans sa propre communication et laissant croire à un lien capitalistique.

Concernant l’activité de pronostics sportifs, un article du site Pronoclub.fr reproduit intégralement celui du site Turfomania d’Eliraweb. Le parasitisme est constitué.

Concernant l’activité de comparateur de banques, le site du défendeur reprend les éléments qui ont fait le succès du site Banques-en-ligne.fr d’Elira web et qui ont nécessité des investissements considérables.

Après , son départ, Monsieur X. a même tenté de débaucher Monsieur Z. salarié d’Eliraweb et responsable informatique d’Eliraweb et à défaut lui à demandé à plusieurs reprises les codes sources d’Eliraweb.

Le parasitisme est patent.

>- EN DEFENSE
Internet Kingdom reconnaît n’avoir plagié qu’un seul article, celui concerné par le constat.
C’est faux, il y en a plusieurs.

La comparaison des sites lignes à lignes plusieurs années après sera vaine puisque les sites sont iodifiés en permanence.

E SUR LES DEMANDES D’ELIRAWEB
1. La société Elira web demande au tribunal de faire cesser l’accès à la « search console », l’utilisation des données confidentielles et les actes parasitaires sous peine d’une astreinte de 500 € par jour.
2. La société Eliraweb sollicite la condamnation in solidum de Mr X. et de la société IK Digital à devoir lui payer 50.000 € au titre du préjudice moral et matériel qu’elle subit.
3. La société Eliraweb sollicite la publication du dispositif du jugement sur la page d’accueil des sites susvisés d’Internet Kingdom .
4. La société Eliraweb sollicite la somme de 7.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
5. La société Eliraweb sollicite l’exécution provisoire du jugement.

Par ces Motifs,
La société Eliraweb demande au Tribunal de :
Vu les articles 323-1, 323-7, 321-1, 311-1 du Code Pénal,
Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil,
Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Vu l’ensemble de la jurisprudence,
• DECLARER recevable et bien fondée l’action d’Eliraweb ;
• JUGER que Monsieur X. et la société Internet Kingdom se sont rendus coupables d’accès et de maintien frauduleux dans le système de traitement automatisé des données d’Eliraweb ;
• JUGER que Monsieur X. et la société Internet Kingdom se sont rendus coupables de vol de données d’Eliraweb, issues soit de son savoir-faire propre, soit du rachat de l ‘activité d’EditeursScript ;
• JUGER que Monsieur X. et la société Internet Kingdom se sont rend us coupables de parasitisme au détriment d’Eliraweb ;
• CONSTATER que Monsieur X. a personnellement utilisé les données issues de ces infractions pénales, à des fins de concurrence déloyale, de sorte qu’il ne s’agit nullement de l’exercice normal d’une fonction de mandataire social ;

En conséquence :
• ENJOINDRE Monsieur X. et la société Internet Kingdom de cesser d’utiliser et de diffuser de quelque manière que ce soit et sous quelque forme que ce soit, des éléments issus du savoir-faire de la société Eliraweb ou tout élément confidentiel sous astreinte de 500 € par infraction constatée et ce dans le délai d’une semaine à compter de la signification du jugement à intervenir ;
• ORDONNER le retrait par Monsieur X. et la société Internet Kingdom des publications parasitaires dans un délai d’une semaine à compter de la signification du Jugement à intervenir à peine d’une astreinte de 500 € par jour et par infraction constatée ;
• SE RESERVER expressément la compétence pour liquider l’astreinte ;
• CONDAMNER in solidum, Monsieur X. et la société Internet Kingdom à payer à Eliraweb la somme de 50.000 € au titre de l’accès et de maintien frauduleux dans le système de traitement automatisé de données d’Eliraweb, du vol de données d’Eliraweb et des actes de parasitisme ;
• ORDONNER la publication du dispositif du jugement à intervenir sur la page d’accueil des sites internet des Défendeurs « Pronoclub.fr », « Comparobanque.fr » et « ComparateurCashBack.fr » ou tout site vers lesquels ils pointeraient, en lettres d’imprimerie standard taille 12, dans le mois de sa signification et pour un délai de deux mois, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard et par jour manquant ;
• CONDAMNER in solidum, Monsieur X. et la société Internet Kingdom à payer à Eliraweb la somme de 7.000 € au titre du Code de Procédure Civile ;
• CONDAMNER i n solidum, Monsieur X. et la société Internet Kingdom aux entiers dépens, en ce compris les procès-ver baux de constats internet ;
• ORDONNER l’e xécution provisoire du jugement nonobstant opposition ou appel et sans caution ;
• REJETER toute demande reconventionnelle des défendeurs comme étant mal fondée ;

*Pour la société Internet Kingdom et pour Monsieur X. :
Le demandeur formule deux reproches à l’encontre de Monsieur X.:
– Accès et maintien dans un système informatique et vol de données
– Concurrence déloyale parasitaire.

Ces griefs sont dénués de sérieux et la procédure abusive.

1. Sur le prétendu Accès e t maintien dans un système informatique et le prétendu vol de données :

– L’accès frauduleux
Eliraweb reproche à Monsieur X. d’avoir utilisé son adresse mail contact@ik-digital.fr après son départ pour accéder et se maintenir dans le « search console» d’Eliraweb de manière frauduleuse pour utiliser des données à des fins lucratives et se fonde pour le démontrer sur le procès-verbal d’un constat d’huissier.

Or l’infraction est constituée dès lors qu’une personne non habilitée pénètre dans le système tout en sachant qu’elle n ‘y est pas autorisée. !
Or, Monsieur X. est parfaitement habilité en sa qualité de chef d’agence.
Or, Eliraweb n ‘a pas mis en place une procédure de protection et de contrôle des accès.
L’accès n’avait rien de frauduleux.

– Le Maintien frauduleux
L’outil « search console » de Google permet de limiter l’accès des collaborateurs avec sept niveaux de responsabilité. Monsieur X. a été autorisé à accéder à « search console » par Eliraweb. !
Le dirigeant d’Eliraweb a nécessairement été informé de l’autorisation donnée à l’adresse contact@ik-digital.fr d’accéder au site. Le constat d’huissier fait état de tentatives de connections de contact@ik-digital.fr en 2017 et donc après le départ de Monsieur X. d’ Eliraweb. Ces tentatives s’appuient sur l’utilisation de fichiers « HTML ».
Le défendeur a demandé à Eliraweb de fournir la preuve de l’importation de ces : fichiers « HTML ». Le demandeur a refusé au motif qu’il aurait changé d’hébergeur et que l ‘intrusion de Monsieur X. n’a pas été techniquement réalisée par une importation de i fichiers « HTML ».
De même, Eliraweb refuse de faire la preuve du changement d’hébergeur.
Eliraweb ne prouve donc pas qu’elle ait changé d’hébergeur.
Eliraweb ne prouve pas que Monsieur X. se soit introduit dans , « search console » au moyen de fichiers « HTML ».
Eliraweb a manqué de prudence en maintenant l’autorisation de contact@ik­digital.fr.
Eliraweb ne démontre pas le maintien frauduleux.

L ‘assignation indique que Monsieur X. aurait commis un vol de données.
Or, après le 31 décembre 2015, Monsieur X. ne s’est plus connecté au « search console ».
Monsieur X. a récupéré avant son départ des sites qui lui appartenaient.
Elira web ne fournit pas la liste des choses volées et n’a pas déposé de plainte.
Aucun vol de données n ‘a été commis.

2. Sur la prétendue concurrence déloyale et parasitaire
>- En Droit
o Sur la confusion par imitation
La déloyauté résulte d’une imitation destinée à créer une confusion soit entre les entreprises concurrentes, soit entre les marchandises ou les services distribués.
L’imitation porte souvent sur les signes distinctifs de 1’entreprise concurrente. Pour autant, une confusion entre les enseignes doit être établie.
La reproduction de pièces non protégées par un droit privatif n’est pas constitutive de concurrence déloyale.
La tendance conduit à uniformiser les productions et de ce fait, les ressemblances, qui peuvent exister entre produits ou services concurrents, ne sont pas systématiquement condamnables.
L’imitation ne constitue un acte de concurrence déloyale que si elle provoque la confusion dans l’esprit de la clientèle.
Il appartient au demandeur de l’action de démontrer l’existence du risque de confusion.
o Sur le parasitisme :
Les arrêts des Cours d’Appel de Paris et de Versailles et de la Cour de Cassation, se basant sur le principe fondamental de la liberté d’entreprendre stipulent que :
Sauf circonstances spécifiques, une société est en droit d’offrir à sa clientèle des prestations identiques à celle d’un concurrent,
Lorsqu’une création n’est protégée par aucun droit de propriété intellectuelle, aucun principe n’interdit à un concurrent de s’inspirer et de reproduire dès lors qu’il prend soin d ‘éviter toute confusion entre les entreprises,
Le seul fait de reprendre en le déclinant un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme.
>- En l’espèce
Eliraweb reproche à Monsieur X. d ‘avoir intégralement reproduit sur son site pronoclub.fr un article de turfomania.fr qui lui appartient.
Mais, Monsieur X. a pris soin d’en indiquer la source en imposant un lien qui renvoie à www.turfomania.fr.
Il n’y a pas de parasitisme.
Elira web reproche à Monsieur X. d ‘avoir imité les signes distinctifs de www.banques-en-lignes.fr, qui n’est d’ailleurs leurs pas protégée.
Or, l’architecture, le design et le nom de www.comparobanques.fr sont bien différents et ne portent pas à confusion.
Les similitudes fonctionnelles sont inhérentes à la fonction de comparateur de banques en ligne et communes à d ‘autres sites.
Il n’y a pas de parasitisme.
La proposition faite à Monsieur W. de travailler sur un projet ne constitue en rien un acte de parasitisme ou de concurrence déloyale d’autant qu’il a refusé.

La liberté d’entreprendre donne le droit au dirigeant de renforcer ses effectifs en recrutant des salariés de concurrent pour peu qu’ils ne soient liés par un engagement contractuel.

3. Sur les autres griefs
)> Lorsque Monsieur X. était salarié d’Eliraweb, il a développé un site de comparateur de sites de cashback intitulé www.comparateurcashback.fr .
Eliraweb ne peut lui reprocher d’autant que son propre site y figure en bonne place et que des échanges de mail prouvent leur coopération en 2017.
)> Monsieur X. avait une clause de confidentialité dans son contrat de travail qui n ‘a pas été violée, mais aucune clause de non concurrence.

4. Subsidiairement, sur les demandes d’Eliraweb
)> Sur la Cessation de l’accès à Search Console :
la société Eliraweb dispose de toutes les possibilités techniques pour le faire elle­ même.
)> Sur les dommages et intérêts sollicités
)> Eliraweb ne démontre pas le moindre préjudice en relation avec les agissements de Monsieur X. et/ou d’Internet Kingdom . Une indemnisation, si, elle devait être ordonnée ne pourrait être que symbolique.
)> Sur la demande de publication
la société Eliraweb ne démontre pas qu’une confusion pourrait intervenir entre les si tes et donc rien ne la justifie.
)> Sur l’exécution provisoire
La demande est mal fondée

5. Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur X.
La procédure est abusive et vise à pallier l ‘absence de clause de non concurrence dans le contrat de Monsieur X.
Monsieur X. sollicite la condamnation de la société Eliraweb à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par ces Motifs,
Monsieur  X. et la société Internet Kingdom demandent au Tribunal de :

• DEBOUTER la société Eliraweb de l’intégralité de ses demandes;
• CONDAMNER la société Eliraweb à payer à Monsieur X. et à la société Internet Kingdom une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
• CONDAMNER la société Eliraweb à payer à Monsieur X. et à la société Internet Kingdom une somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
• CONDAMNER la société Eliraweb aux entiers dépens en ce compris les frais de Constat d’huissier pour 614,89 €.

DISCUSSION
Sur le principal :
– L’accès frauduleux

Attendu que Monsieur X. a été embauché par la société Eliraweb le premier octobre 2012 en tant que chef d’agence ;

Attendu qu’à ce titre, il disposait d ‘une délégation pour utiliser les outils utilisés par la société et notamment l’accès au site de tracking « search console » de Google chargé de mesurer la notoriété des sites clients.

Attendu que Monsieur X. a signé une rupture conventionnelle de son contrat de travaille 31 décembre 2015 ;

Attendu que Monsieur X. a, dans l’intervalle, créé une adresse email nommée contact@ik-digital.fr et qu’il l’a inscrite au répertoire de « search console » comme sa délégation lui permettait ;

Attendu que la direction d’Eliraweb n ‘y a pas fait d ‘objection soit par acquiescement, soit par négligence ;

Attendu que Monsieur X. a inscrit au RCS de Bernay, le 10 mars 2017, sa nouvelle société Internet Kingdom, portant les mêmes initiales que l’adresse qu’il avait créée deux ans auparavant ;

Attendu que, par ces faits, il apparaît évident que Monsieur X. avait alors un comportement déloyal vis-à-vis de son employeur, mais que l ‘accès à « search console » lui était autorisé et n’était donc évidemment pas frauduleux ;

– Le Maintien frauduleux

Attendu que par deux fois après son départ de la société, Monsieur X. a cherché et réussit à se connecter à « search contrôle » avec son adresse contact@ik-digital.fr ;

Attendu que le constat d’huissier le confirme ;

Attendu que la nature des fichiers utilisés ne modifie pas le caractère intrusif du comportement de Monsieur X. ;

Attendu que le caractère des données que Monsieur X. a pu récupérer se limite à la connaissance des performances des sites d’Eliraweb ;

Attendu que de ces faits, le maintien de Monsieur X. dans le système « search console » est frauduleux ;

Attendu que le Tribunal de Commerce n’a pas vocation à titre pénal ;

– Le Vol

Attendu que la société Elira web accuse Monsieur X. d’avoir volé des données au travers de cet outil, mais n’en fournit pas la liste et qu’en tout état de cause les informations éventuellement récupérées étaient manifestement d ‘ un intérêt limité, et pas de nature à nuire sérieusement à Eliraweb ;

– La Concurrence Déloyale et le Parasitaire ;

Attendu que Monsieur X. et sa nouvelle société ont reproduit exactement les trois domai nes d’activité atypiques d’Eliraweb ;

Attend u que Monsieur X. a emmagasiné des connaissances pendant la période où il était salarié d’Eliraweb et qu’il a prévu l’ouverture de ses propres sites dans les mêmes domaines d’activité que ceux d’Eliraweb, et qu’à ce titre, il a manqué de la plus élémentaire déontologie et du moindre sentiment de reconnaissance à l’égard de son ancien employeur ;

Attendu que, cependant, l ‘architecture, le design, voir le thème des sites des deux sociétés ne prêtent pas à confusion ;

Attendu que la reproduction de pièces non protégées n’est pas constitutive de concurrence déloyale ;

Attendu que la standardisation des biens et des services tend à l’uniformisation ;

Attendu qu’il appartient au demandeur de l’action de démontrer l’existence du risque de confusion ;

Attendu que l’imitation ne constitue un acte de concurrence déloyale que si elle provoque la confusion dans l’esprit de la clientèle ;

Attendu que, cependant, Monsieur X. reconnaît lui-même avoir entièrement reproduit un Article du site« turfomania » d’Eliraweb dans le site « pronoclub » ;

Attendu que les éléments copiés sur ce site entretiennent une confusion ;

Attendu que cette seule reproduction constitue un élément caractérisé de parasitisme ;

Attendu que rien ne peut être reproché dans ce domaine à Monsieur X. et Internet Kingdom concernant les sites « Comparobanques.fr » et « ComparateurCashback.fr » ;

Attendu qu’en conséquence, Monsieur X. et la société Internet Kingdom se sont rendues coupables de maintien frauduleux dans le système de traitement automatisé des données d’Eliraweb coupables de parsitisme au détriment d’Eliraweb en recopiant une article du site « turfomania.fr » sur le sien « pronoclub.fr » ;

Attendu que Monsieur X. et la société Internet Kingdom devront retirer cet article dans un délai d’une semaine à compter de la signification du présent jugement sous peine d ‘astreinte de 500 € par jour et par infraction constatée ;

Attendu que Monsieur X. et la société Internet Kingdom seront condamnées in solidum à payer à la société Eliraweb la somme de 1 € au titre du maintien frauduleux dans le système de traitement automatisé de données d’Eliraweb ;

Attendu que le dispositif du présent jugement devra être publié sur la page d’accueil du site internet « pronoclub.fr », ou tout site vers lesquels il pointerait, en lettres d’imprimerie standard taille 12, dans le mois de sa signification et pour une période de deux mois, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard et par jour manquant ;

Attendu que le Tribunal se réserve la compétence pour liquider l’astreinte ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Attendu que, bien entendu, la procédure engagée par Eliraweb n’est pas abusive;

Attendu que la société Elira web prétend avoir subi des dommages et intérêts à hauteur de 50.000 € pour s’être introduit dans le « search console » de Google et n’en justifie pas le montant ; que cette demande sera rejetée ;

Sur l’exécution provisoire :
Attendu que la durée de la procédure justifie d’ordonner l’exécution provisoire ;

Sur les autres ou plus amples demandes :
Attendu que les autres ou plus amples demandes au soutien des prétentions des parties sont inopérantes ou mal fondées ; qu’il conviendra de les rejeter ;

Sur les dépens :
Attendu que Monsieur X. et la société Internet Kingdom succombent ; qu’ils devront supporter les dépens in solidum qui comprendront les frais de procès verbaux de constats internet chiffrés à hauteur de 300,10 € ;

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile :
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Elira web les frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens; qu’à défaut de justificatif, ces frais seront limités à la somme de 3.500 € ;

DÉCISION

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Reçoit la société Eliraweb en ses demandes, les déclare partiellement fondées,

Dit que Monsieur X. et la société Internet Kingdom se sont rendus coupables de maintien frauduleux dans le système de traitement automatisé des données d’Eliraweb,

Dit que Monsieur X. et la société Internet Kingdom se sont rendus coupables de parasitisme au détriment d’Eliraweb en recopiant un article du site « turfomania.fr » sur le sien « pronoclub.fr »,

En conséquence :

Ordonne le retrait par Monsieur X. et la société Internet Kingdom de cet article dans un délai d’une semaine à compter de la signification du présent Jugement sous astreinte de 500 € par jour et par infraction constatée,

Condamne in solidum, Monsieur X. et la société Internet Kingdom à payer à Eliraweb la somme de 1€ au titre du maintien frauduleux dans le système de traitement automatisé de données d’Eliraweb,

Ordonne la publication du dispositif du présent jugement sur la page d’accueil du site internet « Pronoclub », ou tout site vers lesquels il pointerait, en lettres d’imprimerie standard taille 12, dans le mois de sa signification et pour une période de deux mois, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard et par jour manquant,

Se réserve expressément la compétence pour liquider l’astreinte,

Rejette la demande de condamnation de Monsieur X. et la société Internet Kingdom au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par la société Eliraweb,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant opposition ou appel et sans caution,

Débotte les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

Condamne in solidum Monsieur X. et la société Internet Kingdom aux dépens qui comprendront les frais des procès-verbaux de constat internet chiffrés à hauteur de 300,10 € et de la présente instance, visés à l’article 701 du Code de Procédure Civile étant liquidés à la somme de 66,70 € et à payer in solidum à la société Eliraweb la somme de 3.500 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.


Le Tribunal :
Philippe Bataille (président), Didier Samson, Nicolas Cribier (juges), Pierre-Philippe Chassang (greffier)

Avocats : Me Coraline Favrel, SCP Sagon Loevenbruck Lesieur Lejeune

Source : Legalis.net

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Maître SCP Sagon Loevenbruck Lesieur Lejeune est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

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Le magistrat Didier Samson est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.