Jurisprudence : Contenus illicites
Analyse statistique des décisions rendues en matière de contenus illicites
Population statistique [1]
L’étude porte sur 64 décisions rendues entre 1997 et juillet 2005 et publiées sur le site situé à l’adresse https://www.legalis.net.
Ces décisions concernent exclusivement des litiges en matière de contenus illicites. La majorité de ces dernières sont des ordonnances de référé (51%) rendues par les juridictions parisiennes (54%).
Alors que dans les autres matières, les décisions de référé représentent une part importante des décisions rendues mais secondaire par rapport aux jugements, en matière de contenus illicites, elles deviennent prépondérantes et vont jusqu’à représenter 51% des décisions rendues. Ainsi, l’assignation devant le juge des référés semble être une étape, sinon obligatoire, du moins essentielle lors d’une action visant à faire cesser la diffusion d’un contenu illicite.
Durée des litiges
En moyenne, une ordonnance de référé est rendue dans un laps de temps très court, à savoir 0,8 mois (24 jours). Ce délai augmente jusqu’à 8,4 mois pour un jugement. Par contre, il diminue à 5,8 mois pour une décision d’appel. Cela peut sembler surprenant à première vue, surtout que le délai moyen d’obtention d’une décision d’appel est de 17,6 mois. Mais les décisions d’appel que nous exploitons en matière de contenus illicites sont pour la plupart des appels d’ordonnance de référé. La même rapidité est alors exigée.
Nous pouvons observer des délais très brefs d’obtention de jugement dans cette matière. En effet, à l’exception de Nanterre, les jugements sont rendus beaucoup plus rapidement que dans les autres matières. D’ailleurs, cette remarque est valable pour tous les autres types de décisions, comme nous l’avons souligné précédemment pour les décisions d’appel.
Dépens
Les parties demandent en moyenne 5 105 € de dépens et obtiennent 2 522 €, soit 49% de la somme demandée. Nous pouvons constater une certaine disparité entre les sommes accordées selon les juridictions. En effet, les juges de Nanterre accordent jusqu’à 6 029 €, soit 69% de la somme demandée alors que les juges parisiens octroient 2 242 €, soit 40% de la somme demandée. En général, nous constatons donc des sommes plus faibles accordées au titre des dépens dans cette matière. Cependant, le pourcentage d’obtention reste proche de la tendance générale, c’est à dire autour de 50 %.
Publications judiciaires
Les magistrats prononcent en moyenne une condamnation à une publication judiciaire dans une limite de 5 816 €. Nous pouvons observer que les juges parisiens accordent une somme assez importante à cette sanction. En effet, une moyenne de 10 000 € est consacrée aux publications judiciaires. C’est une somme importante qui représente le double de ce qu’accorde Nanterre et plus du triple de ce qu’accordent les juridictions de province. Nous pouvons noter que cette tendance n’est pas limitée à cette matière. En effet, les juridictions parisiennes ont l’habitude d’accorder des publications assez élevées, notamment vis à vis de Nanterre.
Astreintes
Nous distinguerons entre les astreintes par jour et les astreintes par infraction.
Concernant les astreintes par infraction, les montants accordés sont plus proches de ceux demandés qu’en général. En effet, les juges prononcent des astreintes correspondant à 46% de la somme demandée, soit environ 2 550 €. Il s’agit d’une somme légèrement supérieure à la tendance générale.
Concernant les astreintes par jour, les parties obtiennent en moyenne 17% de la somme demandée, soit 3 317 €. Là encore, cette somme est supérieure à celle généralement accordée. Il faut remarquer que les juges parisiens peuvent accorder des astreintes journalières assez élevées. En effet, en moyenne, ils prononcent une astreinte de 7 917 €, ce qui est une somme relativement importante pour ce type de sanction. D’ailleurs, en la comparant à l’astreinte journalière moyenne prononcée en général par cette même juridiction (2 919 €), nous nous rendons compte de l’importance d’une telle condamnation.
Dommages-Intérêts
Les parties demandent en moyenne 82 539 € au titre des dommages et intérêts et obtiennent 39 223 €, soit 48% de la somme demandée. Nous pouvons constater que pour des demandes différentes, les juridictions accordent un montant similaire aux alentours de 40 000 €.
Il faut remarquer que pour des demandes proches de la tendance générale, les montants accordés sont ici plus importants.
Enfin, contrairement à ce que nous avons pu constater lors de l’analyse générale, les dommages et intérêts les plus importants sont accordés par les juges des référés.
Répartition des sommes allouées
Comme toujours, les dommages et intérêts représentent la part la plus importante des sommes allouées lors d’une décision. En l’espèce, ils représentent à peu près les trois quarts des condamnations pécuniaires.
Nous pouvons noter également que les astreintes sont au même niveau que les condamnations au titre des publications judiciaires.
Globalement, cette répartition est conforme à la tendance qui se dégage de l’étude de l’ensemble des décisions.
Les sommes accordées au titre des astreintes par infraction mises à part, en matière de contenus illicites, les juges accordent près de la moitié des sommes demandées au titre des différentes sanctions pécuniaires. Ce résultat s’écarte de la tendance générale qui veut que les juges n’accordent qu’un tiers de ce qui est demandé (hormis les dépens).
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[1] Rappel méthodologique :
Compte tenu de l’irrationalité constatée de certaines demandes ou des particularismes de certaines affaires, les décisions s’écartant trop des ratio moyens ont été supprimées du panel étudié ou ont fait l’objet de corrections.
Par ailleurs, il est rappelé au lecteur que l’étude statistique porte uniquement sur les décisions publiées sur le site situé à l’adresse https://www.legalis.net (568 décisions publiées entre 1996 et juillet 2005). Ces résultats ne valent donc que pour l’échantillon étudié.
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.