Jurisprudence : Droit d'auteur
Analyse statistique des décisions rendues en matière de droit d’auteur
Population statistique [1]
L’étude porte sur 96 décisions rendues entre 1996 et juillet 2005 et publiées sur le site situé à l’adresse https://www.legalis.net.
Ces décisions concernent exclusivement des litiges en matière de droit d’auteur. La majorité de ces dernières sont des jugements (50%) rendus par les juridictions parisiennes (62%).
Tout comme en matière de nom de domaine, un nombre conséquent mais conforme à la tendance générale de référé (35%) est à noter. Cela peut s’expliquer par le fait que ces décisions résultent le plus souvent d’action en contrefaçon. Or ce genre d’atteintes peut engendrer des pertes considérables si elles ne sont pas stoppées rapidement.
Durée des litiges
En moyenne, un jugement de première instance est obtenu au bout de 9 mois. Ce délai augmente jusqu’à 22 mois pour un arrêt d’appel. Quant aux décisions de référé, elles sont rendues 1,2 mois (36 jours) après la date d’assignation. Mis à part le délai d’appel, ces durées moyennes sont conformes à celles qui ressortent de l’analyse générale.
La durée d’obtention d’une décision de référé ne varie pas d’une juridiction à l’autre. Par contre, nous pouvons remarquer que les juridictions provinciales rendent leurs jugements dans un délai (10 mois) un peu plus long que le délai moyen (9 mois). Toutefois, ceci reste conforme à la tendance générale, toutes matières confondues.
Depuis 2001, nous assistons à une nette diminution de cette durée moyenne d’obtention d’un jugement en matière de droit d’auteur. Alors qu’en 2001, il fallait attendre 27,8 mois, le délai moyen en 2004 était de 4,3 mois.
Dépens
En moyenne, les parties demandent 5 107 € et reçoivent 2 900 €, soit 57% de la somme demandée. Une large différence dans les montants en jeu est à noter entre, d’une part, les juridictions parisiennes et, d’autre part, les juridictions de Nanterre et de province. En effet, les sommes demandées et accordées à Paris (6 053 €) représentent le double de ce qui est pratiqué à Nanterre (2 668 €) et en province (3 537 €).
Publications judiciaires
La moyenne nationale pour une publication judiciaire est de 6 143 €. Il s’agit d’une somme similaire à celle qui ressort de l’analyse générale (6 671 €). Cela reste une somme importante lorsque nous la mettons en perspective avec les sommes allouées au titre des dépens (2 900 €).
Enfin, nous pouvons noter que les juridictions provinciales accordent peu d’argent à ce titre.
Astreintes
Nous distinguerons entre les astreintes par jour et les astreintes par infraction constatée.
Concernant les astreintes par jour, les magistrats accordent en moyenne 867 € alors que les parties demandent en moyenne 3 875 €. Seul 22% de la somme réclamée est ainsi allouée. Cela confirme les conclusions tirées des données étudiées en matière de nom de domaine, bien que le pourcentage soit ici plus important. Il existe une très nette différence d’évaluation des sanctions pécuniaires entre les magistrats et les avocats.
De même, les sommes en jeu en droit d’auteur sont nettement inférieures à celles qui se dégagent de l’analyse générale. En effet, alors qu’en moyenne, les astreintes journalières sont de 2 479 €, elles sont de 867 € en droit d’auteur.
Concernant les astreintes par infraction constatée, les parties obtiennent en moyenne 24% de la somme réclamée. Les sommes en jeu sont sensiblement les mêmes que pour les astreintes par jour. Ces résultats sont, quant à eux, plus conformes à la tendance générale.
Dommages et intérêts
En moyenne, les parties demandent 45 635 € de dommages et intérêts et reçoivent 14 367 €, soit 31% de la somme réclamée. Une fois encore, ces résultats démontrent une perception et une évaluation nettement différente entre les magistrats et les avocats.
A la vue de ce graphique, nous nous apercevons que les montants accordés au titre des dommages et intérêts par les différentes juridictions sont assez proches malgré des demandes différentes.
Nous pouvons également remarquer que les sommes en jeu sont nettement inférieures à celles qui se dégagent de la moyenne générale. En effet, elles représentent juste un peu plus de la moitié de ces dernières.
Malgré ces sommes moins importantes, nous retrouvons la même tendance que celle dégagée par l’analyse générale, à savoir que les dommages et intérêts les plus faibles sont accordés lors des décisions de référé. Quant aux sommes allouées lors des jugements et arrêts d’appel, elles restent dans une même échelle de prix.
Répartition des sommes allouées
Les dommages et intérêts représentent la part la plus importante des sommes allouées lors d’une décision visant à faire cesser un trouble en matière de droit d’auteur, soit 41% du montant total des sanctions pécuniaires. Mais il faut noter que 24% de ce montant total est alloué au titre des publications judiciaires. Cela est d’autant plus surprenant que l’argent attribué à ce dernier titre n’est pas versé à la victime et ne vise dons pas directement la réparation de son préjudice. Il s’agit plus d’une sanction visant la réputation à la fois du contrefacteur et de la victime. Cette importance des publications judiciaires démarque une nouvelle fois les décisions rendues en matière de droit d’auteur des autres décisions.
Enfin, conformément à la tendance générale, lorsque les sommes demandées sont justifiées, les magistrats accordent des montants plus proches de ceux demandés. En effet, les parties reçoivent 52% de la somme demandée au titre des dépens, montant généralement justifié par les avocats. Quant aux dommages et intérêts, les parties n’obtiennent que 31% de la somme demandée. Or, le plus souvent, cette dernière ne s’appuie sur aucun document ou rapport établissant précisément le montant du préjudice.
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[1] Rappel méthodologique :
Compte tenu de l’irrationalité constatée de certaines demandes ou des particularismes de certaines affaires, les décisions s’écartant trop des ratio moyens ont été supprimées du panel étudié ou ont fait l’objet de corrections.
Par ailleurs, il est rappelé au lecteur que l’étude statistique porte uniquement sur les décisions publiées sur le site situé à l’adresse https://www.legalis.net (568 décisions publiées entre 1996 et juillet 2005). Ces résultats ne valent donc que pour l’échantillon étudié.
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.