Jurisprudence : Marques
Analyse statistique des décisions rendues en matière de marques
Population statistique [1]
L’étude porte sur 199 décisions rendues entre 1996 et juillet 2005 et publiées sur le site situé à l’adresse https://www.legalis.net.
Ces décisions concernent exclusivement des litiges en matière de nom de domaine. La majorité de ces dernières sont des jugements (59%) rendus par les juridictions parisiennes (71%).
Il est étonnant que le pourcentage de référé (32 %) reste dans des rapports similaires aux résultats obtenus dans l’étude générale (35%). Il s’agit d’un nombre modeste alors que la matière sy prête particulièrement. En effet, la majorité des litiges dans cette matière traitent de cybersquatting, situation qui demande une rapidité de réaction.
Alors qu’en général, 13% des décisions sont rendues en appel, nous pouvons également noter le faible nombre d’appel dans cette matière (9%).
Durée des litiges :
En moyenne, un jugement de première instance est rendu au bout de 11,3 mois. Ce délai augmente jusqu’à 22 mois pour une décision d’appel. Quant aux décisions de référé, elles sont rendues au bout de 1,3 mois.
Une fois encore, les décisions de référé doivent retenir notre attention. A première vue, la durée moyenne d’obtention d’une telle décision (1,3 mois) n’est pas très éloignée de celle observée lors de l’analyse générale (1,4 mois). Cependant nous pouvons observer que ce délai moyen est faussé par les juridictions provinciales qui sont plus lentes que les juges de Paris et Nanterre. En effet, entre Paris et Nanterre, les décisions de référés sont obtenues dans les mêmes délais, soit 1,1 mois après l’assignation. Cette durée moyenne remet en cause le principal avantage des procédures UDRP qui consiste en leur prétendue rapidité.
Dépens :
Les parties demandent en moyenne 6 248 € pour les dépens. Les magistrats leur accordent en moyenne 4 120 €. Elles obtiennent donc aux alentours de 66% de la somme demandée. Mais, lorsque les décisions rendues par les juridictions provinciales ne sont pas prises en compte, ce pourcentage augmente jusqu’à 75% de la somme demandée. Or, lorsque toutes les matières sont confondues, le montant alloué au titre des dépens correspond à 52% de celui demandé. De plus, les sommes en cause sont beaucoup moins importantes qu’en matière de nom de domaine. En effet, tous litiges confondus, les parties demandent en moyenne 5 131 € et reçoivent en moyenne 2990€.
Concernant les décisions rendues en matière de nom de domaine, nous pouvons noter que les trois juridictions étudiées accordent des dépens assez proches.
Publications judiciaires :
La moyenne nationale pour une condamnation à une publication judiciaire est de 9 264 €. Les magistrats parisiens accordent le montant moyen le plus élevé, à savoir 12 084 €. Quant aux juridictions de Nanterre et de province, les sommes allouées sont dans des limites assez proches(7 652 € à Nanterre et 7 685 € en province).
Comparées aux dommages et intérêts ou aux dépens obtenus, ces sommes peuvent paraître élevées. En effet, elles représentent plus du double du montant accordé en moyenne au titre des dépens (4 149 €).
De même, comparées aux sommes accordées en général au titre d’une condamnation à une publication judiciaire, nous pouvons considérer que ces dernières sont relativement importantes. Les juges prononcent une condamnation à une publication dans une moyenne de 6 670 €. Or, en matière de nom de domaine, le montant moyen est de 9 264 €.
Conformément aux conclusions issues de l’analyse générale, plus les parties vont loin dans le processus judiciaires, plus les condamnations à des publications judiciaires sont élevées. Elles doublent presque selon le type de décision rendue.
Astreintes :
Nous distinguerons à ce niveau utilement entre les astreintes par jour et les astreintes par infraction constatée.
Concernant les astreintes par jour, les magistrats accordent en moyenne 2 303 € alors que les parties demandent en moyenne 4 828 €. 48% de la somme demandée est ainsi alloué. Ces résultats sont conformes à la tendance générale toutes matières confondues.
Concernant les astreintes par infraction constatée, les parties demandent en moyenne 4 663 € et obtiennent en moyenne 1 112 €, soit 24% de la somme demandée.
Enfin, il semblerait que ce type de sanction ne soit pas populaire auprès des juridictions de province. En effet, les magistrats accordent en moyenne 973 € d’astreinte par jour et 253 € d’astreinte par infraction constatée. Il s’agit d’une tendance très nette à travers toutes les matières étudiées.
Dommages et intérêts :
En moyenne, les dommages et intérêts accordés en matière de nom de domaine sont similaires à la moyenne générale. En effet, tous domaines confondus, les parties demandent en moyenne 72 468,36 € et obtiennent 27 848,68 €, soit 38% de la somme demandée. En matière de nom de domaine, les parties obtiennent 36 170 € de dommages et intérêts, soit 45% de la somme demandée (80 291 € en moyenne). Les magistrats estiment donc que les demandes de dommages et intérêts sont surestimées ou non justifiées de moitié, voir de trois quarts. Cela traduit une perception et une évaluation du préjudice assez différente, voir même discordante.
Nous pouvons constater que les juridictions parisiennes accordent un montant assez proche des demandes des parties. Enfin, il faut souligner que c’est encore en province que sont accordés les dommages et intérêts les plus faibles, à savoir 19 150 € (soit 25% de la somme demandée) en matière de nom de domaine.
Nous pouvons également remarquer que les dommages et intérêts les plus faibles sont prononcées au cours des ordonnances de référé.
Récapitulatif des sommes allouées
Les dommages et intérêts représentent la part la plus importante des sommes allouées lors d’une décision en matière de nom de domaine. Cependant, nous pouvons noter la place conséquente occupée par les sommes accordées au titre des publications.
L’apport principal de cette étude se dessine lorsque nous comparons les pourcentages entre les sommes demandées et les sommes obtenues selon le type de réparation ou sanction. En effet, les magistrats accordent plus facilement des sommes proches de celles demandées pour les dépens (66%) alors qu’ils réduisent de près de la moitié les prétentions des parties en matière de dommages et intérêts (45%). Ceci tendrait à confirmer que lorsque les demandes des parties sont justifiées (ce qui est le cas en matière de dépends) les juges accordent des sommes très proches de celles demandées.
Ceci est certainement l’enseignement de cette étude. Si la matérialisation et l’imputation des faits font généralement l’objet d’une attention particulière, la matérialisation et l’évaluation des préjudices incorporels semblent mal maîtrisées. Une différence d’estimation du préjudice est nettement décelable entre les magistrats et les avocats.
_____
[1] Rappel méthodologique :
Compte tenu de l’irrationalité constatée de certaines demandes ou des particularismes de certaines affaires, les décisions s’écartant trop des ratio moyens ont été supprimées du panel étudié ou ont fait l’objet de corrections.
Par ailleurs, il est rappelé au lecteur que l’étude statistique porte uniquement sur les décisions publiées sur le site situé à l’adresse https://www.legalis.net (568 décisions publiées entre 1996 et juillet 2005). Ces résultats ne valent donc que pour l’échantillon étudié.
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.