Les avocats du net

 
 


 

Jurisprudence : Vie privée

lundi 29 août 2005
Facebook Viadeo Linkedin

Analyse statistique des décisions rendues en matière de vie privée

Population statistique [1]

L’étude porte sur 49 décisions rendues entre 1997 et juillet 2005 et publiées sur le site situé à l’adresse https://www.legalis.net.

Ces décisions concernent exclusivement des litiges en matière de vie privée. La majorité de ces dernières sont des jugements (63%) rendus par les juridictions parisiennes (57%).

Le pourcentage de décisions de référé (37%) est similaire à celui constaté dans la majorité des matières étudiées, à savoir les noms de domaine, le droit d’auteur, les logiciels…

Durée des litiges

En moyenne, un jugement de première instance est obtenu au bout de 10,2 mois. Ce délai augmente jusqu’à 14,2 mois pour une décision d’appel. Quant aux ordonnances de référé, elles sont rendues 1,9 mois après la date d’assignation (57 jours). Il s’agit d’une durée supérieure à celle qui se dégage de l’analyse générale (1,4 mois soit 42 jours).

Dépens

En moyenne, les parties demandent 3 215 € de dépens et obtiennent 1 602 €, soit 47% de la somme réclamée. Il faut remarquer que les juridictions de Nanterre accordent 82% du montant demandé, soit 2 683 €. Ce dernier montant est plus proche de la tendance générale puisque les dépens moyens accordés, toutes matières confondues sont de 2 691€.

Publications judiciaires

Les sommes prononcées au titre des publications judiciaires sont relativement importantes. En effet, les juges condamnent à des publications judiciaires dans une limite moyenne de 9 325 €. Nous pouvons remarquer que les magistrats parisiens dépassent même la somme de 10 000 €.

Il s’agit de sommes beaucoup plus importantes que celles qui sont en jeu habituellement. Mais cette différence est principalement due aux juridictions parisiennes.

De même, nous pouvons penser que ce genre de sanctions s’adapte bien aux litiges en matière de vie privée. En effet, une publication vise à restaurer la réputation de la victime aux yeux de tous et à attaquer celle de la partie condamnée. Or en matière de vie privée, il s’agit d’une réparation tout aussi importante qu’une réparation pécuniaire du préjudice par le biais de dommages et intérêts.

Astreintes

En matière de vie privée, les astreintes sont également importantes. En effet, les magistrats prononcent des astreintes journalières d’une moyenne de 6 649 € et des astreintes par infraction constatée de 10 336 €. Ce sont des sommes importantes pour ce genre de sanction. En effet, en général, les astreintes moyennes sont de 2 479 € par jour et de 7 761 € par infraction constatée. Cela s’explique par le fait qu’elles sont prononcées en vue de faire cesser rapidement le trouble. Or en matière de vie privée, cela est impératif.

Dommages-Intérêts

En moyenne, les magistrats accordent 19 % de la somme demandée, à savoir 10 300 €. C’est un pourcentage assez faible qui démontre une fois de plus l’inadéquation entre la perception et l’évaluation du préjudice entre les avocats et les magistrats.

De plus, il s’agit d’un montant assez faible par rapport aux dommages et intérêts moyens qui sont de 27 848 €. Cela confirme donc nos conclusions issues de l’étude des publications judiciaires.

Enfin, les dommages et intérêts les plus importants sont prononcés lors des jugements. Quant aux sommes allouées par les juges des référés, elles sont très inférieures aux sommes moyenes qui ressortent de l’analyse générale (20 908 €).

Répartition des sommes allouées

En matière de vie privée, nous assistons à une répartition singulière des sanctions pécuniaires prononcées lors d’une décision. En effet, le montant le plus important correspond aux astreintes. Les dommages et intérêts arrivent en seconde place avec un faible pourcentage (27%).

Les sommes accordées au titre des dommages et intérêts ne représentent que 19% des sommes demandées. Cela met vraiment en évidence les lacunes du système judiciaire français pour évaluer les préjudices et notamment les préjudices incorporels. Il y a une trop grande différence de perception entre les magistrats et les avocats.

______________
[1] Rappel méthodologique :

Compte tenu de l’irrationalité constatée de certaines demandes ou des particularismes de certaines affaires, les décisions s’écartant trop des ratio moyens ont été supprimées du panel étudié ou ont fait l’objet de corrections.

Par ailleurs, il est rappelé au lecteur que l’étude statistique porte uniquement sur les décisions publiées sur le site situé à l’adresse https://www.legalis.net (568 décisions publiées entre 1996 et juillet 2005). Ces résultats ne valent donc que pour l’échantillon étudié.

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.