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Jurisprudence : Marques

mardi 18 novembre 2008
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 17 octobre 2008

Bayard Presse / Christophe C.

marques - nom de domaine

Les parties

Le Requérant est la société Bayard Presse, Montrouge, France, représenté par Cabinet Plasseraud, Lyon, France.

Le Défendeur est Christophe C., Noumea, France.

Nom de domaine et prestataire internet

Le litige concerne le nom de domaine « okapi-jebouquine.fr » enregistré le 2 octobre 2007.

Le prestataire internet est la société Gandi, Paris, France.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 1er septembre 2008, par courrier électronique et le 3 septembre 2008, par courrier postal.

Le 3 septembre 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 3 septembre 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, ainsi qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 5 septembre 2008. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 25 septembre 2008. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse au Centre.

Le 3 octobre 2008, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Le Requérant est la société Bayard Presse, spécialisée dans le domaine de l’édition, notamment dans les publications pour enfants. Il exploite notamment deux journaux pour enfants, connus sous les noms de “Okapi” et de “Je bouquine”. Le journal “Je bouquine” est un complément du journal “Okapi”, créé en 1971.

Le Requérant est titulaire de plusieurs marques françaises incluant le signe “Je bouquine” ou “Okapi” :

– Marque Je Bouquine n° 1 228 776, déposée le 28 février 1983 et renouvelée le 30 décembre 2002 pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 28, 35, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45.

– Marque Okapi n° 96 606 124, déposée le 17 janvier 1996, renouvelée le 20 octobre 2005, pour désigner des produits et services des classes 9, 18, 24, 25, 26, 28, 35, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45.

– Marque Okapi n°1613799 déposée le 26 juillet 1988 pour désigner des produits et des services de classe 16.

Après s’être aperçu que le Défendeur avait enregistré le nom de domaine « okapi-jebouquine.fr », il a décidé de saisir le Centre afin d’en obtenir le transfert à son profit.

Argumentation des parties

Requérant

Le Requérant considère que, en procédant à l’enregistrement du nom de domaine « okapi-jebouquine.fr », le Défendeur a porté atteinte à ses droits de propriété industrielle et, plus précisément, à plusieurs de ses marques et noms de domaine.

Il précise également que le Défendeur n’a pas d’intérêt légitime à enregistrer et à utiliser le nom de domaine litigieux. Il procède ensuite à une comparaison entre son nom de domaine « okapi-jebouquine.com » et le nom de domaine litigieux « okapi-jebouquine.fr » pour constater qu’ils sont identiques puisque l’extension en “.fr” et en “.com” ne permet pas de les distinguer. Le Requérant souligne ensuite que le nom de domaine litigieux reproduit les termes “okapi” et “jebouquine” qui sont l’objet de plusieurs de ses marques.

Enfin, le Requérant estime que le Défendeur a réservé de mauvaise foi le nom de domaine car il ne pouvait ignorer le lien qui existe entre les termes “okapi” et “je bouquine”, le second étant le complément du premier. Selon le Requérant, il ne pouvait d’ailleurs vraiment pas l’ignorer puisque le Requérant prouve qu’il évolue professionnellement dans le milieu de la presse. De surcroît, il apparaîtrait que le Défendeur n’exploite pas le site désigné par le nom de domaine litigieux, ce qui empêcherait le Requérant de pouvoir enregistrer ce dernier. Cette détention passive du nom de domaine étant, pour le Requérant, un indice de la mauvaise foi du Défendeur.

Défendeur

Le Défendeur n’a apporté aucune réponse au Centre.

Discussion

L’Expert rappelle que, en application de l’article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “en particulier, lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L’Expert souligne que, en application de l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine
Le Requérant justifie être titulaire de plusieurs marques françaises réservant les expressions “Je bouquine” et “Okapi”. Parmi ces marques, il convient de mentionner les signes suivants :

– Marque Je Bouquine n° 1 228 776, déposée le 28 février 1983 et renouvelée le 30 décembre 2002 pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 28, 35, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45.

– Marque Okapi n° 96 606 124, déposée le 17 janvier 1996, renouvelée le 20 octobre 2005, pour désigner des produits et services des classes 9, 18, 24, 25, 26, 28, 35, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45.

– Marque Okapi n°1613799 déposée le 26 juillet 1988 pour désigner des produits et des services de classe 16.

Par ailleurs, le Requérant est également titulaire des noms de domaine « okapi-jebouquine.com » et « jebouquine.com ».

Il apparaît que le Requérant apporte la preuve de ses droits de propriété industrielle sur les expressions “Okapi” et “Je bouquine” qui se retrouvent dans le nom de domaine litigieux. De plus, le Requérant exploite un site internet désigné par le nom de domaine « okapi-jebouquine.com » qui est identique au nom de domaine litigieux puisqu’il est constant qu’une extension ne doit pas être prise en considération afin de distinguer deux noms de domaine.

Le Requérant a des droits sur les termes qui composent le nom de domaine « okapi-jebouquine.fr ».

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

L’enregistrement du nom de domaine litigieux a été réalisé en violation des droits des tiers. En effet, le terme “okapi” n’appartient pas au langage courant, ce qui signifie que son choix ne doit rien au hasard. Et son association à l’expression “je bouquine” prouve bien que le Défendeur a souhaité profiter de la notoriété que le Requérant a pu conférer à ces mots. Par ailleurs, le Défendeur n’a aucun intérêt légitime à utiliser ces termes au sein d’un nom de domaine et ne dispose d’aucun droit sur ces expressions.

En outre, il apparaît que l’internaute d’attention moyenne, qui connaît les termes “okapi” et “je bouquine”, ainsi que leur association, ne peut que confondre le nom de domaine litigieux avec les marques et noms de domaine du requérant, ainsi qu’avec ses produits.

L’utilisation du nom de domaine litigieux est passive puisqu’il ne désigne aucun site actif, ce qui prouve la mauvaise foi du Défendeur qui empêche ainsi le Requérant de disposer d’un nom de domaine qui présenterait logiquement ses produits dans l’extension “.fr”.

Il apparaît donc que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers provoquant ainsi un risque de confusion dans l’esprit de l’internaute moyen.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « okapi-jebouquine.fr ».

Expert : Christophe Caron

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.