Jurisprudence : Marques
Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 1er décembre 2008
Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Océan / Conrad D.
marques - nom de domaine
Les parties
Le Requérant est Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Océan, La Roche sur Yon, France, représenté par Meyer & Partenaires, Strasbourg, France.
Le Défendeur est Conrad D., Paris, France.
Nom de domaine et prestataire internet
Le litige concerne le nom de domaine « cmoocean.fr » enregistré le 8 juillet 2008.
Le prestataire internet est la société Euro DNS.
Rappel de la procédure
Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 10 septembre 2008, par courrier électronique et le 12 septembre 2008, par courrier postal.
Le 15 septembre 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 15 septembre 2008 l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, ainsi qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante et a dévoilé l’identité du titulaire du nom de domaine, lequel avait été initialement enregistré sous couvert d’anonymat.
Le Requérant a déposé une demande amendée en date du 19 septembre 2008, tenant compte de la levée d’anonymat du Défendeur.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).
Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 23 septembre 2008. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 13 octobre 2008. Le Défendeur n’ayant pas fait parvenir sa réponse à cette date, a donc été déclaré en défaut le 14 octobre 2008.
Le 27 octobre 2008, le Centre nommait William Lobelson comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.
Les faits
La Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Océan, le Requérant, est le représentant du réseau bancaire Crédit Mutuel dans l’Ouest de la France.
Son site web institutionnel est accessible par le nom de domaine « cmocean.fr » depuis l’année 2002.
Le Requérant a constaté l’enregistrement sans son autorisation du nom de domaine « cmoocean.fr » en date du 8 juillet 2008, sous couvert d’anonymat, et sa redirection vers une page web “parking” de liens sponsorisés.
Estimant qu’il était porté atteinte à ses droits sur son nom de domaine « cmocean.fr », son sigle, sa marque et sa raison sociale, le Requérant a engagé la présente procédure, dans le double objectif d’obtenir la divulgation de l’identité du Défendeur ainsi que la transmission du nom de domaine contesté.
Argumentation des parties
Requérant
Le Requérant expose que sa raison sociale et son sigle sont respectivement Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Océan et CMO Crédit Mutuel Océan ; qu’il est titulaire d’une marque enregistrée en France Crédit Mutuel Océan CMO No. 08 3 557 157 du 20 février 2008 ; qu’il exploite depuis près de six années le nom de domaine « cmocean.fr » en relation avec des services financiers, bancaires et d’assurance.
Il fait valoir que l’enregistrement du nom de domaine contesté « cmoocean.fr » d’une part et sa redirection vers une page “parking” sont des actes de nature à porter atteinte à ses droits.
Défendeur
Le Défendeur n’a présenté aucune observation en réponse aux allégations du Requérant. Le Défendeur a envoyé un courrier électronique le 19 octobre 2008 en anglais, demandant une traduction des communications, auquel le Centre a répondu le 22 septembre 2008 en langue anglaise expliquant la situation. Aucune autre communication n’a été reçue du Défendeur.
Discussion
Conformément à l’article 20(c) du Règlement, “l’Expert fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.
L’article 1 du Règlement définit l’atteinte aux droits comme :
– une atteinte aux droits des tiers, en particulier, lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi.
– une atteinte aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire.
Dès lors, il appartient en premier lieu à l’Expert de déterminer si, au regard du droit français, l’enregistrement ou l’usage du nom de domaine « cmoocean.fr » porte atteinte aux droits du Requérant.
En second lieu, la mesure de réparation demandée étant la transmission du nom de domaine litigieux, l’Expert doit s’assurer de l’existence des droits du Requérant sur l’élément objet de la demande, en l’espèce la dénomination “cmoocean”.
(i) Droits du requérant
Les droits privatifs du Requérant sur sa raison sociale Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Océan, son sigle CMO Crédit Mutuel Océan et sa marque française No. 08 3 557 157 Crédit Mutuel Océan CMO sont établis et ne sont pas contestés par le Défendeur.
Cependant, l’Expert estime que les dénominations Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Océan, CMO Crédit Mutuel Océan et Crédit Mutuel Océan CMO ne sont pas similaires au nom de domaine contesté « cmoocean.fr ».
Outre le fait que le nom “ocean” n’est pas nécessairement isolément perceptible au sein du nom de domaine contesté « cmoocean.fr », l’Expert considère que l’évocation géographique de ce nom commun prive celui-ci du caractère distinctif nécessaire à sa protection au titre du droit des signes distinctifs.
Même si le sigle CMO Crédit Mutuel Océan et la marque Crédit Mutuel Océan CMO du Requérant sont bien composés des éléments “CMO” d’une part et “ocean” d’autre part, ceux-ci sont disposés de telle façon dans les dénominations précitées qu’ils ne sont pas susceptibles d’être rapprochés de la désinence “cmoocean” contestée.
L’association du nom “Credit Mutuel” aux éléments “CMO” et “ocean” non seulement fait perdre à ces derniers leur individualité dans le sigle et la marque du Requérant, mais contribue au surplus à ce qu’ils ne soient pas associés l’un à l’autre lors de la lecture ou de l’énoncé des dénominations invoquées par le Requérant.
Prises dans leur ensemble, c’est-à-dire telles qu’elles seront perçues par le public, les appellations en cause ne présentent pas suffisamment de ressemblances visuelles ou phonétiques pour qu’un risque de confusion soit susceptible.
CMO Crédit Mutuel Océan Crédit Mutuel Océan CMO
CMOOcéan (.FR) CMOOcéan (.FR)
L’Expert est donc amené à conclure que les droits privatifs invoqués par le Requérant ne portent pas sur un ou plusieurs éléments identiques ou similaires au nom de domaine contesté et ne sont donc pas opposables à ce dernier.
Le Requérant invoque aussi – et surtout – les droits qu’il détient dans le nom de domaine « cmocean.fr », du fait de l’usage de ce dernier. Il ne justifie pas en revanche de droits de propriété privatifs, reconnus par la loi, sur la dénomination “cmocean”.
La jurisprudence dominante en France, à laquelle d’ailleurs le Requérant fait abondamment référence au soutien de sa demande, ne permet pas de conclure que le simple usage d’un nom de domaine a pour effet de conférer à son auteur un droit de propriété incorporelle sur ce dernier.
Le Requérant ne peut valablement invoquer à l’appui de la présente demande que l’usage de son nom de domaine antérieur « cmocean.fr », usage en vertu duquel il est seulement fondé à demander, en application des dispositions de l’article 1382 du Code Civil, la cessation du trouble éventuel que lui causerait l’exploitation du nom de domaine contesté « cmoocean.fr ».
Il y a donc lieu d’examiner si, en application de la jurisprudence applicable en l’espèce, il existe un risque de confusion entre le nom de domaine contesté et le nom de domaine antérieur invoqué par le Requérant, constitutif d’une atteinte aux règles de la concurrence ou du comportement loyal en matière de commerciale, au préjudice de ce dernier.
Les documents produits par le Requérant établissent sans contestation possible qu’il est bien le titulaire du nom de domaine « cmocean.fr », et que ce dernier fait l’objet d’une exploitation depuis 2002 pour permettre l’accès à un site web dans lequel sont présentés les services du Crédit Mutuel, établissement financier et bancaire de notoriété nationale.
Le Requérant fait valoir que le nom de domaine contesté « cmoocean.fr » est visuellement et phonétiquement proche de celui « cmocean.fr ».
Sur ce point, l’Expert partage l’opinion exprimée par le Requérant. Les deux noms de domaine comparés, abstraction faite de l’extension régionale “ .fr”, sont effectivement similaires, car formés des mêmes lettres dont une majorité placées dans le même ordre.
(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence
Le Requérant considère que son nom de domaine « cmocean.fr » est opposable à celui « cmoocean.fr » dans la mesure où l’enregistrement et l’utilisation de ce dernier portent atteinte aux droits qu’il détient dans le nom de domaine « cmocean.fr », et invoque cette jurisprudence désormais constante, évoquée ci-avant, selon laquelle l’usage d’un nom de domaine peut, sous certaines conditions, conférer à son titulaire le droit de s’opposer à l’exploitation d’un nom de domaine second, identique ou similaire, à la triple condition d’établir la titularité du nom de domaine opposé, son antériorité et l’existence d’un risque de confusion.
L’Expert a déjà reconnu d’une part la titularité et d’autre part l’exploitation antérieure du nom de domaine du Requérant.
Il y a lieu à présent d’examiner si l’enregistrement et/ou l’usage du nom de domaine contesté sont de nature à engendrer un risque de confusion avec le nom de domaine antérieur et portent ainsi atteinte aux droits ou intérêts du Requérant.
Ce dernier fait valoir successivement que :
– Le nom de domaine contesté est si proche du sien qu’il doit en être déduit que le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence du nom de domaine antérieur invoqué; qu’en enregistrant le nom de domaine contesté, sans prendre la peine de vérifier les droits de propriété intellectuelle du Requérant, le Défendeur a agi en fraude des droits du Requérant.
– Le Défendeur utilise le nom de domaine contesté de façon répréhensible, en le faisant pointer vers un site parking de liens sponsorisés, révélant ainsi une volonté lucrative de tirer profit de la réputation du Requérant.
En l’absence de réponse du Défendeur aux allégations du Requérant, l’Expert doit rechercher dans les seules pièces produites par ce dernier si l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine litigieux portent effectivement atteinte aux intérêts du Requérant.
Sur l’enregistrement du nom de domaine.
Le Requérant reproche tout d’abord au Défendeur de n’avoir pas vérifié l’existence de droits de propriété intellectuelle antérieurs.
Cependant il est rappelé que le Requérant ne détient aucun droit de propriété intellectuelle sur la dénomination “cmocean” contestée, et qu’il ne peut invoquer qu’un usage du nom de domaine « cmocean.fr ».
Le Requérant affirme ensuite que le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence du nom de domaine « cmocean.fr » au moment de l’enregistrement de celui « cmoocean.fr », au motif que le premier était en exploitation depuis près de six années au moment de l’enregistrement du second.
Là encore, l’Expert n’est nullement convaincu.
L’examen de l’annexe (C) jointe à la demande du Requérant montre que le nom de domaine « cmocean.fr » n’est utilisée que comme URL, c’est-à-dire adresse électronique d’un site web dans lequel le nom “cmocean” n’est pas mis en exergue ni exploité de façon notoire.
Le site web du Requérant est tout entier consacré à l’enseigne Crédit Mutuel.
Le Requérant n’a pas fait la démonstration d’un usage public et d’envergure du seul nom “cmocean”, ni d’une communication axée autour de ce dernier.
De son propre aveu, le Requérant indique avoir choisi CMOcéan comme abréviation de son nom social complet Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Océan / CMO Crédit Mutuel Océan, difficilement transposable à titre de nom de domaine.
Le nom de domaine « cmocean.fr » a donc vocation à être principalement connu des seuls utilisateurs du site web du Requérant, c’est-à-dire ses clients.
Le Requérant représente la banque Crédit Mutuel dans l’ouest de la France.
Le Défendeur est domicilié en région parisienne, et non dans l’ouest de la France.
Le Requérant ne démontre pas que le Défendeur est son client ou est (ou a été) en relation avec lui.
Au vu des arguments et éléments de preuve fournis à l’appui de la demande, l’Expert n’est pas en mesure de suivre le Requérant dans son raisonnement selon lequel le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence du nom de domaine antérieur « cmocean.fr » du seul fait de son usage au moment de l’enregistrement du nom de domaine contesté.
En revanche, l’Expert, à l’examen des pièces produites à l’appui de la demande, est malgré tout en mesure de parvenir à la conclusion que le Défendeur avait bien à l’esprit le nom de domaine antérieur du Requérant lorsqu’il s’est livré à l’exploitation du nom de domaine contesté.
Sur l’usage du nom de domaine litigieux.
Le Requérant développe une thèse selon laquelle la simple redirection du nom de domaine litigieux vers une page parking généraliste en français témoigne de l’atteinte à ses droits.
L’Expert souhaite rappeler qu’il est constant que la seule redirection d’un nom de domaine vers un site parking de liens sponsorisés n’est pas en soi un acte répréhensible.
Il en va autrement lorsque les circonstances de l’espèce permettent de conclure que le Défendeur a manifestement pour objectif de semer la confusion dans l’esprit du public et/ou détourner la clientèle du Requérant.
L’Expert observe, à partir de l’annexe (L) produite par le Requérant, à savoir une image écran du site de liens sponsorisés vers lequel pointait le nom de domaine contesté à la date du 10 septembre 2008, que tous les liens hypertexte affichés sur la page se rapportent au domaine financier, en particulier du crédit bancaire à la consommation.
Il s’agit bien là de domaines directement concurrents de ceux du Requérant, qui exerce dans le domaine de la banque.
Le Requérant n’a pas jugé utile de souligner cet état de fait dans ses écritures, mais l’Expert estime pouvoir tirer des pièces produites à la présente procédure toutes conclusions utiles à l’examen du bien fondé de la demande (en application des dispositions de l’article 20(a) du Règlement : “l’expert statue sur la demande au vu des arguments et des pièces déposées par les deux parties”).
A l’évidence, le Défendeur exploite le nom de domaine contesté, lequel est similaire au nom de domaine antérieur exploité par le Requérant, dans le but de détourner la clientèle de ce dernier, et à des fins lucratives.
Par l’effet d’une involontaire erreur de frappe en effet, les clients du Requérant souhaitant se rendre sur le site web de ce dernier par le nom de domaine « cmocean.fr », mais qui saisissent « cmoocean.fr » dans leur navigateur, sont dirigés vers un site de liens sponsorisés d’établissements de crédit financier concurrents.
Au surplus, en dirigeant le nom de domaine contesté vers une page de liens sponsorisés, dont chacun génère à son profit une rémunération proportionnelle au nombre de connexions, le Défendeur engrange des profits financiers indus, puisque résultant d’un détournement coupable du nom de domaine du Requérant.
Le Défendeur exploite donc bien le nom de domaine contesté dans des conditions de nature à porter préjudice au Requérant.
Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud, Litige OMPI No. DFR2004-0005 : “…. le fait que le nom de domaine litigieux […] renvoie vers une page de parking sur laquelle figuraient de nombreux liens hypertexte, renvoyant eux-mêmes vers des sites Internet de sociétés directement concurrentes ainsi que vers des sites de répertoires de sites de banque en ligne et de comparateurs de prix et de services, démontre la volonté du Défendeur d’induire en erreur l’Internaute, qui peut penser, légitimement, accéder au site Internet officiel du Requérant. Le fait de rediriger le nom de domaine vers une page de parking démontre également la volonté purement spéculative du Défendeur qui entendait tirer ainsi profit de la notoriété des marques du Requérant par le trafic ainsi généré.”
L’utilisation du nom de domaine contesté dans les conditions décrites ci-dessus constitue dès lors un acte de concurrence déloyale des chefs de détournement de clientèle du Requérant et de recherche de confusion avec son nom de domaine « cmocean.fr », sous le visa de l’article 1382 du Code Civil.
Est ainsi réalisée une atteinte aux règles de la concurrence et aux règles du comportement loyal en matière commerciale.
En conclusion, l’Expert juge qu’il est clairement établi que le nom de domaine litigieux « cmoocean.fr » est effectivement similaire à celui « cmocean.fr » exploité par le Requérant. Si rien ne permet d’affirmer avec certitude que le Défendeur a agi de mauvaise foi en enregistrant le nom de domaine contesté, c’est-à-dire en nécessaire connaissance de l’existence du nom de domaine antérieur du Requérant, il ressort en revanche des pièces produites à l’appui de la demande que le Défendeur se livre à une exploitation du nom de domaine préjudiciable aux intérêts du Requérant, en violation des règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale.
(iii) Bien fondé de la demande de transmission du nom de domaine
Le Requérant sollicite la transmission à son profit du nom de domaine litigieux.
En application de l’article 20(c) du Règlement, l’Expert doit vérifier que le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de l’atteinte et la conformité de la demande avec la Charte applicable.
Or, l’Expert observe que le Requérant ne justifie pas de droits de propriété privatifs, reconnus par la loi, sur les dénominations “cmocean” ou “cmoocean”, ni n’indique les motifs pour lesquels il serait fondé à être reconnu comme le propriétaire légitime du nom de domaine « cmoocean.fr ».
Le Requérant ne peut valablement invoquer à l’appui de la présente demande que l’usage de son nom de domaine antérieur « cmocean.fr », usage en vertu duquel il est seulement fondé à demander, en application des dispositions de l’article 1382 du Code Civil, la cessation du trouble que lui cause l’exploitation du nom de domaine contesté « cmoocean.fr ».
La jurisprudence dominante en France ne permet pas de conclure que le seul usage d’un nom de domaine a pour effet de conférer à son auteur un droit de propriété incorporelle sur ce dernier.
Au cas particulier, la détention et l’usage du nom de domaine « cmocean.fr » ne confèrent pas au Requérant un droit privatif sur le nom “cmocean”, et ne légitiment donc pas qu’une mesure de transfert du nom de domaine « cmoocean.fr » soit ordonnée.
En revanche, dès lors qu’il a été établi que l’exploitation du nom de domaine contesté « cmoocean.fr » est préjudiciable aux intérêts du Requérant du chef de concurrence déloyale, l’Expert juge utile de prononcer sa suppression, et ce en application des pouvoirs que lui accorde le texte de l’article 20(b) du Règlement, lequel doit être interprété à la lumière des dispositions de l’article 20(c) du Règlement.
Dès lors la mesure de transmission demandée est jugée inadaptée par l’Expert au motif que le Requérant n’a pas rempli les conditions posées à l’article 20(c) du Règlement, mais l’Expert reconnaît néanmoins le bien fondé de la demande au motif que l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine litigieux portent atteinte aux règles de la concurrence, il n’a d’autre choix, dans le respect des seules prérogatives que lui accordent l’article 20(b), que de décider de substituer à la mesure de transmission demandée la suppression du nom de domaine, ces deux mesures tendant en vérité aux mêmes fins, à savoir la cessation des actes répréhensibles reprochés au Défendeur.
Décision
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la suppression du nom de domaine « cmoocean.fr ».
Expert : William Lobelson
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.