Jurisprudence : Marques
Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 21 novembre 2007
Compagnie Gervais Danone / Joseph L., Anonimous
marques - nom de domaine
Les parties
Le Requérant est la Compagnie Gervais Danone, Paris, France, représenté par le Cabinet Dreyfus & Associés, France.
Le Défendeur est Joseph L./Anonimous, Paris, France.
Nom de domaine et prestataire internet
Le litige concerne le nom de domaine « actimelle.fr » enregistré le 21 juin 2007.
Le prestataire internet est la société Eurodns S.A.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est l’Afnic.
Rappel de la procédure
Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 25 septembre 2007, par courrier électronique et le 3 octobre 2007, par courrier postal.
Le 28 septembre 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 1er octobre 2007, l’Afnic a levé l’anonymat du titulaire du nom de domaine et en conséquence, le 4 octobre 2007 le Centre a demandé au Requérant de déposer un amendement à la demande précisant l’identité du Défendeur telle que révélée par l’Afnic. Cet amendement a été envoyé au Centre par courrier électronique le 5 octobre 2007 et reçu par courrier postal le 12 octobre 2007.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la ”Charte”).
Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 8 octobre 2007. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a adressé le 30 octobre 2007 aux parties une notification de défaut du Défendeur.
Le 7 novembre 2007, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.
Les faits
La Compagnie Gervais Danone, filiale du groupe Danone, est très connue comme une société leader dans le domaine des produits laitiers. Parmi ces produits elle fabrique et vend un lait fermenté à boire appelé « Actimel ».
Elle a déposé cette dénomination en tant que marque :
– Marque française Actimel verbale, n° 94525168 en date du 17 juin 1994 dont le renouvellement a été publié le 3 septembre 2004, en classes 29, 30 et 32.
– Marque française Actimel verbale, n° 98763476 en date du 9 décembre 1998 en classes 5, 29, 30 et 32.
– Marque française Actimel verbale, n° 003064068 en date du 13 novembre 2000 en classe 38.
– Marque internationale Actimel verbale, n° 628856 en date du 20 octobre 1994 en classes 29, 30 et 32.
– Marque internationale Actimel verbale, n° 693141 en date du 23 avril 1998 en classes 29, 30 et 32.
– Marque internationale Actimel verbale, n° 716731 en date du 4 juin 1999 en classe 5.
– Marque internationale Actimel semi-figurative, n° 652476 en date du 28 mars 1996 en classes 29, 30 et 32.
– Marque internationale Actimel semi-figurative, n° 652477 en date du 28 mars 1996 en classes 29, 30 et 32.
De plus le Requérant est également titulaire de plusieurs noms de domaine notamment « actimel.fr », « actimel.com », « actimel.co.uk », « actimel.pt » etc.
Argumentation des parties
Requérant
Le Requérant, la Compagnie Gervais Danone, fait valoir qu’il représente aujourd’hui un des leaders mondiaux dans le domaine des produits laitiers frais.
Il a lancé en France le produit Actimel en 1997 avec un grand succès. Ce produit, qui est un lait fermenté à boire destiné à renforcer les défenses naturelles de l’organisme, est aujourd’hui commercialisé dans 35 pays. Il a donné lieu à des investissements publicitaires importants et à de nombreux articles de presse qui ont conféré une notoriété à la marque Actimel.
Le Requérant a toujours eu une politique de protection de ses marques importante et c’est ainsi qu’il a protégé la marque Actimel. La liste de ses marques figure au point 4 ci-dessus sous le titre “Les faits”.
Il détient aussi les sites internet visés au point 4.
Le Requérant expose ensuite que l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers et plus particulièrement à ses propres droits.
Après avoir rappelé que, selon une jurisprudence constante, le préfixe www. (world wide web) ainsi que le suffixe .fr ne sauraient participer à l’appréciation de la similarité entre sa marque et le nom de domaine du défendeur, le Requérant expose qu’il y a une confusion totale entre sa marque Actimel et le nom de domaine du Défendeur « actimelle.fr ».
Selon le Requérant l’ajout de la syllabe “le” à la fin du mot “actimel” ne change en rien le risque de confusion avec les marques Actimel et avec les noms de domaine du Requérant.
La raison d’être de l’enregistrement du nom de domaine litigieux est de profiter de la proximité des orthographes, de cette confusion et de la notoriété de la marque Actimel pour tromper les internautes et les attirer vers un site qui n’est pas celui du Requérant.
Le Requérant rappelle aussi que le Défendeur ne justifie d’aucun droit antérieur ni d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, qu’il n’a reçu aucun droit ou autorisation sur l’usage ou l’enregistrement du mot Actimel.
En conséquence il apparaît que le nom de domaine « actimelle.fr » a été enregistré en violation des différents droits de marque appartenant au Requérant, en application des dispositions des articles L713-3 et L713-5 du CPI (Code de la propriété intellectuelle).
Le Requérant invoque aussi une usurpation des dénominations sociales et des noms de domaine lui appartenant, ce qui constitue une violation des dispositions de l’article 1382 et suivants du Code Civil.
Le Requérant ajoute enfin que les agissements du Défendeur, et tout particulièrement l’enregistrement du nom de domaine litigieux, constituent une atteinte aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale.
En effet l’imitation de la marque notoire Actimel dans le nom de domaine litigieux, marque qui a fait l’objet d’une large campagne de publicité, relève de la mauvaise foi de la part du Défendeur qui, en trompant les internautes, peut laisser penser que Gervais Danone sponsorise, propose ou conseille des services immobiliers.
En conclusion générale le Requérant demande la suppression du nom de domaine.
Défendeur
Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.
Discussion
Conformément aux dispositions de l’article 20 (c) du Règlement “L’Expert fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Chartre et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.”
L’article 20 (b) dudit Règlement précise que selon la mesure de réparation demandée, l’expert peut prononcer uniquement la suppression ou la transmission du nom de domaine, ou rejeter la demande.
En l’espèce le Requérant a demandé la suppression du nom de domaine.
Enregistrement du nom de domaine litigieux
Il est établi que le Défendeur a enregistré le nom de domaine « actimelle.fr » le 21 juin 2007.
Le Requérant justifie de plusieurs marques Actimel en vigueur et d’une large utilisation de cette marque pour un produit laitier au point que ladite marque est devenue notoire. Toutes ces marques sont antérieures à l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
L’Expert doit constater que le mot «Actimelle» est une imitation des marques Actimel susceptible de prêter à confusion. Tant sur le plan verbal que sur le plan visuel l’imitation nous parait flagrante.
L’Expert pense que le choix du mot «Actimelle » dans le nom de domaine litigieux ne peut être le fruit du hasard et dénote une volonté délibérée de créer une confusion avec les marques et les noms de domaine du Requérant.
En conséquence le nom de domaine « actimelle.fr » constitue certainement une atteinte aux marques du Requérant selon les articles L713-3 et L713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers
Sur ce point, c’est-à-dire l’utilisation du nom de domaine, le Requérant ne donne pas beaucoup d’informations et ne verse pas au dossier de documents de sorte qu’il ne nous est pas possible d’en discuter. En particulier nous ne pouvons traiter de l’atteinte aux règles de concurrence dans la mesure où, à notre connaissance, il n’y a pas eu de concurrence.
Toutefois l’article 20 (c) du Règlement susvisé est très clair: “L’Expert fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers….”
Or nous avons vu que l’enregistrement du nom de domaine « actimelle.fr » porte atteinte aux droits de propriété industrielle du Requérant et en particulier à ses marques. Ceci nous permet de répondre favorablement à la demande.
Décision
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la suppression du nom de domaine « actimelle.fr ».
Expert : Jean-Claude Combaldieu
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.