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Jurisprudence : Marques

mercredi 10 octobre 2007
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 22 septembre 2007

Vente-Privee.com / Switch

marques

Les parties

Le Requérant est la société Vente-Privee.com, Saint-Denis, France, représentée par le Cabinet Degret, Paris, France.

Le Défendeur est la société Switch, Villejuif, France, représentée par le Cabinet Deprez Dian Guignot, Paris, France.

Noms de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne les noms de domaine « vente-privee-sejour.fr », « vente-privee-sejours.fr », « vente-privee-vacance.fr », « vente-privee-vacances.fr », « vente-privee-voyage.fr » et « vente-privee-voyages.fr » enregistrés le 12 juin 2006.

Le prestataire Internet est la société Indom.

Rappel de la procédure

Une plainte déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 16 juillet 2007.

Le 19 juillet 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 20 juillet 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répondait bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la plainte, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 30 juillet 2007. Le 17 août 2007, le Défendeur a demandé une suspension de la procédure, sans, pour autant, répondre aux arguments du Requérant. Ce dernier n’a pas souhaité suspendre la procédure. Le Centre a alors informé le Défendeur que sa demande de suspension de la procédure serait considérée comme étant sa réponse.

Le 11 septembre 2007, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Le Requérant est la société Vente-Privee.com qui est une société par actions simplifiée française, immatriculée au RCS depuis le 30 janvier 2001. Le Requérant exploite un site très connu de ventes en ligne sur Internet.

Le Requérant exerce une activité de vente en ligne dont l’objet consiste à vendre, de façon évènementielle et à ses seuls membres, des produits de grandes marques à des prix nettement inférieurs à ceux pratiqués en boutique.

A ce titre, il est titulaire de plusieurs marques constituées de la dénomination “Vente-privee.com”.

Parmi ces marques, il est possible de citer les titres suivants :

– la marque française Vente-Privee.com n°03/3.263.431 du 17 décembre 2003, visant notamment les classes 35, 38 et 41,

– la marque nominative communautaire Vente-Privee.com, déposée le 18 octobre 2004 et enregistrée le 28 novembre 2005 sous le n°4079554 en classe 35,38 et 41,

– la marque française Vente-Privee.com déposée le 14 Octobre 2004 sous le n°04/3.318.310, visant notamment les classes 35, 38 et 41.

Le site Internet “vente-privee.com” est également accessible via les noms de domaine suivants : « vente-privee.com », « vente-privee.fr », « venteprivee.com », « venteprivee.fr » ou encore « ventesprivees.fr ».

Au mois d’août 2006, le Requérant a découvert que la société “Switch” avait procédé au dépôt Vente Privee Voyages, Vente Privee Sejours et Vente Privee Vacances, en classe 35, 38, 39, 41 et 43, ainsi qu’à la réservation des noms de domaine constitués de la dénomination “Vente-Privee” suivie des termes “Vacance(s)”, “Séjour(s)” et “Voyage(s)”.

Le Requérant a donc mis la société défenderesse en demeure de retirer ses demandes et de radier les noms de domaine litigieux.

Devant l’absence de réaction du défendeur, le requérant s’est opposé à l’enregistrement des marques devant l’Inpi, qui rejeta les trois demandes d’enregistrement de marques par trois décisions en date du 21 mars 2007.

Le Défendeur n’a cependant pas souhaité radier les noms de domaine litigieux qui sont encore actifs.

C’est alors que le Requérant a décidé de déposer une requête auprès du Centre.

Argumentation des parties

Requérant

Le Requérant expose, tout d’abord, qu’il est l’un des principaux acteurs de la vente en ligne sur le réseau Internet et apporte la preuve de la notoriété de son site, eu égard notamment à sa fréquentation journalière.

En premier lieu, le Requérant souligne que l’enregistrement et l’utilisation des noms de domaine litigieux portent atteinte à ses droits de marque.

Ainsi, le Requérant considère que les noms de domaine litigieux constituent une contrefaçon par imitation de ses signes distinctifs en reprenant le même vocable “Vente-privee” et considère que l’ajout de termes usuels dépourvus de distinctivité ne saurait écarter l’existence d’un risque de confusion. Il estime que la société “Switch” a effectué l’enregistrement de façon déloyale car elle ne pouvait pas ignorer la notoriété du site “www.vente-privee.com”.

En outre, le Requérant constate que les noms de domaine renvoient les internautes vers le site “www.partirpascher.com” lequel propose des ventes de voyage dégriffés. Il invoque alors une réelle confusion avec les services de divertissement et de loisirs protégés par ses marques, tout en soulignant que cette argumentation a été retenue par l’Inpi dans ses décisions d’opposition à l’enregistrement des marques du défendeur.

Enfin, le Requérant considère qu’il subit une atteinte sur son titre constitué par “Vente-Privee.com” car il ne peut exister qu’un risque de confusion dans l’esprit du public.

En second lieu, le Requérant expose que l’enregistrement et l’utilisation des noms de domaine par le Défendeur constituent une atteinte aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale. Plus particulièrement, il insiste sur l’atteinte que subit son droit sur sa dénomination sociale constituée de “Vente-Privee.com”. Il expose également que ses noms de domaine, qui déclinent sa marque en fonction de la nature des produits commercialisés, subissent également des atteintes.

Le requérant réclame donc que les noms de domaine « vente-privee-sejour.fr », « vente-privee-sejours.fr », « vente-privee-vacance.fr », « vente-privee-vacances.fr », « vente-privee-voyage.fr » et « vente-privee-voyages.fr » lui soient transmis.

Défendeur

Le Défendeur a demandé une suspension de la procédure, essentiellement parce qu’il a fait délivrer une assignation en justice dans laquelle il sollicite la nullité de plusieurs marques du Requérant (“Vente-Privee.com n°03/3.263.431” ; “Vente-Privee.com n°04/3.318.310” ; “Vente-Privee n°05/3.393.310”). Une telle procédure a également été engagée devant l’Ohmi pour obtenir la nullité de la marque communautaire “Vente-Privee.com n°EM 004.079.554”. Ces procédures sont actuellement en cours.

Cette demande de suspension a été considérée comme constituant la réponse du Défendeur aux arguments du Requérant.

Le Défendeur demande, dans son assignation devant le Tribunal de grande instance de Bobigny, la nullité des marques revendiquées au regard de l’absence de distinctivité des signes revendiqués par le Requérant. Plus précisément, le Défendeur énonce que les marques antérieures sont dénuées de toute distinctivité pour l’intégralité des services des classes 35, 38 et 41 car elles sont descriptives.

En ultime argument, le défendeur souligne que, quand bien même les signes seraient reconnus comme parfaitement distinctifs et donc valables, au regard du droit des marques, ceux-ci sont devenus l’expression usuelle dans le langage courant pour désigner ce genre de pratique.

Discussion

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et l’utilisation des noms de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, la transmission des noms de domaine à son profit.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement : “Il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.”

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers”, au titre de la Charte, “une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne”.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

Le Requérant est propriétaire de plusieurs marques utilisant l’expression “vente-privee.com”, ainsi que du nom de domaine et de la dénomination sociale correspondants. Ce site jouit d’une notoriété importante comme le démontrent les articles produits par le Requérant, et notamment sa fréquentation journalière.

Il est donc incontestable que le Requérant justifie de droits sur l’expression “Vente-Privee”.

Le Défendeur a enregistré des noms de domaine reprenant constamment les termes “vente-privee” auxquels sont adjoints des termes usuels et descriptifs tels que “vacances, séjours ou voyages”.

L’article 19 (1) de la Charte de Nommage de l’Afnic demande au déposant d’un nom de domaine de s’assurer avant l’enregistrement que ce dernier ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Force est de constater que lorsque le Défendeur a enregistré les noms de domaine litigieux, il ne pouvait ignorer la renommée et les droits antérieurs attachés a la dénomination “vente-privee”. Pire encore, il est possible de souligner qu’en déposant les signes constitués de la dénomination “vente-privee” à laquelle sont ajoutés les termes descriptifs “vacances, voyages ou séjours”, le Défendeur a reconnu implicitement le caractère distinctif, ou à tout le moins la valeur et le pouvoir attractif, de la dénomination “vente privee”.

L’enregistrement des noms de domaine litigieux porte donc atteinte aux droits de la Requérante sur ses marques. La proximité entre les signes et les produits et services concernés suscitent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne qui ne manquera pas de croire que les signes du Défendeur ont la même origine que les signes du Requérant. En outre, les marques du Requérant ont acquis une notoriété qu’il importe de prendre en considération afin de caractériser le risque de confusion avec les noms de domaine litigieux.

Il est, par ailleurs, indifférent qu’une procédure devant les juridictions judiciaires françaises ait été engagée puisque, au jour de l’enregistrement des noms de domaine litigieux, les signes distinctifs du Requérant n’avaient pas fait l’objet d’une annulation prononcée par une décision de justice ayant autorité de la chose jugée. Ces signes sont donc parfaitement valables et, comme tout droit de propriété intellectuelle, opposables aux tiers, y compris au Défendeur. Il appartiendra, par ailleurs, au Requérant et au Défendeur de tirer, à l’avenir, toutes les conséquences des éventuelles décisions de justice les concernant.

En outre, indépendamment des droits du Requérant sur ses marques, il faut constater que l’enregistrement des noms de domaine litigieux ne peut que susciter un risque de confusion chez les internautes. Or, il apparaît évident que, compte tenu de la notoriété importante du site “www.vente-privee.com” cette confusion a été sciemment recherchée par le Défendeur afin de détourner les internautes à son profit, ce qui constitue un comportement déloyal contraire à l’éthique qui devrait gouverner la vie des affaires.

L’enregistrement des noms de domaine « vente-privee-sejour.fr », « vente-privee-sejours.fr », « vente-privee-vacance.fr », « vente-privee-vacances.fr », « vente-privee-voyage.fr » et « vente-privee-voyages.fr » porte donc incontestablement préjudice aux droits de la société “Vente-Privee.com”.

Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

En utilisant des noms de domaine, dont la première partie comporte invariablement l’expression “vente-privee”, le Requérant a volontairement fait naître un risque de confusion dans l’esprit des internautes afin de détourner, à son profit, une partie de la clientèle du site “www.vente-privee.com”. En effet, ces sites proposent des produits concurrents et similaires. Et il importe de constater que les noms de domaine litigieux permettent, en réalité, d’accéder à la page d’accueil d’un site “www.partirpascher.com”.

Le Défendeur n’a en outre, aucun droit ou intérêt légitime à choisir et à utiliser ensuite de tels noms de domaine. Il lui était donc parfaitement loisible, afin de respecter les règles de l’éthique du droit des affaires, de choisir et d’utiliser un nom de domaine dont les termes auraient été différents de celui, très connu et renommé, du Requérant, ce qui aurait pu, en outre, lui donner une identité propre afin d’exercer de façon honnête et loyale son commerce.

Il convient donc de considérer que le Défendeur a souhaité tirer profit et de façon malhonnête du degré de fréquentation du site du Requérant, en créant une confusion dans l’esprit des internautes. Ce comportement doit être qualifié de déloyal et de parasitaire.

L’utilisation des noms de domaine « vente-privee-sejour.fr », « vente-privee-sejours.fr », « vente-privee-vacance.fr », « vente-privee-vacances.fr », « vente-privee-voyage.fr » et « vente-privee-voyages.fr » porte donc incontestablement préjudice aux droits de la société “Vente-Privée.com”.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant des noms de domaine « vente-privee-sejour.fr », « vente-privee-sejours.fr », « vente-privee-vacance.fr », « vente-privee-vacances.fr », « vente-privee-voyage.fr » et « vente-privee-voyages.fr ».

Expert : Christophe Caron

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.