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Jurisprudence : Marques

vendredi 19 décembre 2008
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 25 novembre 2008

BNP Paribas Personal Finance / M. X.

marques - nom de domaine

Les parties

Le Requérant est BNP Paribas Personal Finance, Paris, France, représenté par le Cabinet Lavoix, France.

Le Défendeur est M. X., France.

Nom de domaine et prestataire internet

Le litige concerne le nom de domaine « cetelemimmo.fr » enregistré le 28 septembre 2007.

Le prestataire internet est la société OVH, Roubaix, France.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 14 octobre 2008, par courrier électronique et le 16 octobre 2008, par courrier postal.

Le 15 octobre 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 15 octobre 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, ainsi qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 22 octobre 2008. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 11 novembre 2008. Le défendeur a fait parvenir sa réponse le 3 novembre 2008.

Le 14 novembre 2008, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Le Requérant est la société de droit français BNP Paribas Personal Finance (anciennement dénommé Cetelem) qui appartient au Groupe Paribas, leader européen dans le secteur bancaire et financier, notamment connu de façon extrêmement notoire pour ses activités de crédit.

La société BNP Paribas Personal Finance est la conséquence d’une restructuration interne au Groupe Paribas, annoncée dès le mois de mai 2007 et réalisée au printemps 2008, entre la société Cetelem, l’un des leaders français du crédit à la consommation, et la société Union de Crédit pour le Bâtiment, spécialisée dans le crédit immobilier. La société BNP Paribas Personal Finance a donc, depuis cette date, une importante activité dans le crédit immobilier.

C’est pourquoi le Requérant est titulaire de nombreux noms de domaine qui associent le terme “Cetelem” à l’abréviation “immo” (« cetelem-immo.com », « cetelem-immo.net », « cetelem-immo.eu », « cetelem-immo.fr », etc.), ainsi que de plusieurs marques Cetelem qui sont incontestablement notoires.

Le Requérant s’est rendu compte que le nom de domaine litigieux, « cetelemimmo.fr », avait été réservé par M. X. Il est attesté que le Défendeur est un ancien agent de la société Union de Crédit pour le Bâtiment qui, dans le cadre de ses fonctions, a été informé lors de stages et par courrier du projet de rapprochement entre la société Union de Crédit pour le Bâtiment et la société Cetelem.

Le Requérant a alors décidé de saisir le Centre afin d’obtenir le transfert à son profit du nom de domaine litigieux.

Argumentation des parties

Requérant

Le Requérant considère tout d’abord que, en procédant à l’enregistrement du nom de domaine « cetelemimmo.fr », le Défendeur a porté atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et, plus précisément, à plusieurs de ses marques et noms de domaine, ainsi qu’à son nom commercial et à son enseigne (sans oublier que, jusqu’au 30 juin 2008, sa dénomination sociale était constituée du terme “cetelem”). Le Requérant souligne que le terme “cetelem”, objet de droits de propriété intellectuelle, a une très forte notoriété. Il considère que le nom de domaine « cetelemimmo.fr » ne peut que susciter un risque de confusion puisqu’il reproduit le terme distinctif “Cetelem”, auquel est seulement ajouter l’abréviation générique “immo”.

Le Requérant souligne ensuite que le Défendeur a méconnu les règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commercial. En effet, il estime que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime à utiliser l’expression “cetelem” et donc le nom de domaine « cetelemimmo.fr ». Il n’a jamais été autorisé par le Requérant à utiliser le terme “Cetelem”. Il indique enfin que le Défendeur a un comportement particulièrement déloyal puisqu’il a eu connaissance, dans le cadre de ses fonctions professionnelles, du projet de rapprochement entre la société Union de Crédit pour le Bâtiment et la société Cetelem afin de développer le crédit immobilier.

Le Requérant demande donc que le nom de domaine « cetelemimmo.fr » soit transféré à son profit.

Défendeur

Le Défendeur décrit ses relations conflictuelles avec le Requérant et, notamment, sa volonté de créer sa propre entreprise en développant un portail internet dédié à l’immobilier. Il souligne la mauvaise foi du Requérant qui ne s’était pas opposée initialement à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Il considère que, en tant que titulaire du nom de domaine « cetelemimmo.fr », il est victime d’une attitude de “cybersquatting” de la part du Requérant. Il indique que le Requérant n’avait pas l’intention d’associer le terme “cetelem” et l’abréviation “immo”. Il développe différents arguments pour décrire sa bonne foi, son absence de faute et le caractère illégitime de la demande du Requérant qui entend se livrer à une capture illicite de son nom de domaine.

Le Défendeur conclut donc au rejet de la demande.

Discussion

L’Expert rappelle que, en application de l’article 1 du Règlement, “une atteinte aux droits des tiers est constituée en particulier, lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi.” En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L’Expert souligne que, en application de l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine

Le Requérant justifie être titulaire de plusieurs marques françaises notoires réservant l’expression “cetelem”. Parmi ces marques, il convient de mentionner les signes suivants :

– Marque française Cetelem, n° 1.464.411, enregistrée initialement les 15 novembre et 15 avril 1977 et renouvelée depuis, pour désigner notamment les produits et services de crédit, de finance et d’affaires immobilières en classe 36, ainsi que les services de télécommunication en classe 38.

– Marque semi-figurative française Cetelem, n° 93.463.598, enregistrée le 9 avril 1993 et renouvelée, qui désigne notamment les mêmes produits ou services.

– Marque communautaire Cetelem, n° 004.840.674, enregistrée le 17 janvier 2006 pour, entre autres produits et services, les services de crédit, de finance et d’affaires immobilières en classe 36.

Le Requérant justifie également être titulaire de plusieurs noms de domaine qui associent le terme “cetelem” et l’abréviation “immo” (cf. « cetelem-immo.com », « cetelem-immo.net », « cetelem-immo.eu », « cetelem-immo.fr », etc.).

Le Requérant prouve également utiliser l’expression “cetelem” en tant que nom commercial et en tant qu’enseigne, sachant que, jusqu’au 30 juin 2008, ce terme était sa dénomination sociale.

Les droits du Requérant sur l’expression notoire “cetelem” sont donc incontestables.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

L’enregistrement du nom de domaine litigieux a été réalisé en violation des droits des tiers. En effet, le terme “cetelem” n’appartient pas au langage courant, ce qui signifie que son choix ne doit rien au hasard. De plus, l’élément distinctif du nom de domaine réside dans le terme “cetelem”, associé à une abréviation communément utilisée dans le domaine de l’immobilier “immo”. Par conséquent, il existe un risque de confusion pour l’internaute d’attention moyenne entre les signes distinctifs du Requérant et le nom de domaine litigieux.

De surcroît, il est prouvé que le Défendeur avait été, dans le cadre de ses fonctions professionnelles, au courant du projet de rapprochement entre la société Union de Crédit pour le Bâtiment et la société Cetelem afin de développer le crédit immobilier. Dès lors, l’adjonction de l’abréviation “immo” au terme “cetelem” dans le nom de domaine litigieux prouve bien sa volonté de comportement particulièrement déloyal. Et l’enregistrement du nom de domaine peu de temps après avoir appris ce projet de rapprochement pour développer le crédit immobilier témoigne d’une volonté manifeste de priver le Requérant d’un nom de domaine utile à ses activités. Il faut ajouter que l’existence d’un éventuel litige entre le Défendeur et le Requérant ne justifie pas d’enregistrer et d’utiliser un nom de domaine en violation des droits des tiers.

Le Défendeur n’a donc aucun intérêt légitime à utiliser le nom de domaine « cetelemimmo.fr » et l’a enregistré de mauvaise foi avec la volonté de violer les droits du Requérant et d’avoir, à son égard, un comportement déloyal.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « cetelemimmo.fr ».

Expert : Christophe Caron

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.