Jurisprudence : Marques
Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 28 août 2007
Phythea / Joseph G.
marques
Les parties
Le Requérant est Phythea, Reims, France, représenté par Cabinet Plasseraud, Paris, France.
Le Défendeur est Joseph G., Paris, France.
Nom de domaine et prestataire Internet
Le litige concerne le nom de domaine « vetheo.fr » enregistré le 5 mars 2007.
Le prestataire Internet est la société Eurodns SA, Leudelange, Grand-Duché de Luxembourg.
Rappel de la procédure
Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 25 mai 2007, par courrier électronique et le 30 mai 2007, par courrier postal.
Le 30 mai 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 30 mai 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.
Le 13 juin 2007, une notification concernant l’identité du titulaire du nom de domaine a été notifiée au Requérant à la suite de la levée d’anonymat par l’Afnic.
Le 15 juin 2007, le Requérant a transmis au Centre sa demande amendée.
Le même jour, le Défendeur a adressé une communication en anglais au Centre, indiquant qu’il n’avait aucun intérêt dans le nom de domaine et demandant comment celui-ci pourrait être transféré. Le Centre a alors informé les parties de la possibilité de suspendre la procédure afin de permettre aux parties de transiger. Le Requérant a ensuite informé le Centre qu’il ne souhaitait pas suspendre la procédure.
Le Centre a alors vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).
Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 5 juillet 2007. Le Défendeur n’a adressé aucune réponse formelle, mais a simplement renvoyé en date du 25 juillet 2007 sa communication du 15 juin 2007. En date du 3 août 2007, le Centre a accusé réception de la communication du Défendeur du 25 juillet 2007.
Le 14 août 2007, le Centre nommait Christiane Féral-Schuhl comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.
Les faits
Le Requérant déclare être titulaire des quatre marques suivantes :
– marque française Vetheo déposée le 16 décembre 2002 sous le n°02 3 200 840 dans les classes 3, 5, 29, 30, 31, 32, 35, 41, 42 et 44 pour désigner notamment les produits « pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, Aliments pour animaux, animaux vivants » ;
– marque française semi-figurative Vetheo déposée le 22 septembre 2003 sous le n°03 3 247 457 dans les classes 3, 5, 29, 30, 31, 32, 35, 41, 42 et 44 pour désigner notamment les produits « pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, Aliments pour animaux, animaux vivants » ;
– marque communautaire semi-figurative Vetheo déposée le 30 avril 2004 sous le n°003809795 dans les classes 3, 5, 30, 31, 42 et 44 pour désigner notamment les produits « pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, Aliments pour animaux, animaux vivants » ;
– marque française semi-figurative Vetheo déposée le 7 février 2005 sous le n°05 3 341 435 dans les classes 3, 5, 29, 30, 31, 32, 35, 41, 42 et 44 pour désigner notamment les produits « pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, Aliments pour animaux, animaux vivants ».
Le Requérant justifie par les pièces produites à l’appui de sa demande, du dépôt de l’ensemble des marques française et communautaire susvisées et de l’enregistrement de la marque semi-figurative Vetheo déposée le 22 septembre 2003 sous le n°03 3 247 457 et de la marque communautaire semi-figurative Vetheo déposée le 30 avril 2004 sous le n°003809795.
Le Requérant justifie être titulaire des trois noms de domaine suivants :
– « vetheo.com » réservé depuis le 4 avril 2003 ;
– « vetheo.net » réservé depuis le 4 avril 2003 ;
– « vetheo.be » réservé depuis le 24 novembre 2005.
Le nom de domaine « vetheo.fr » a été enregistré le 5 mars 2007. Il est utilisé pour un site affichant des liens sponsorisés.
Le Défendeur déclare cependant ignorer être titulaire de ce nom de domaine qu’il pense avoir acquis avec d’autres noms de domaine. Il indique n’avoir aucun intérêt dans le nom de domaine et propose, en conséquence, de le transférer au Requérant.
Argumentation des parties
Requérant
Le Requérant soutient que l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine « vetheo.fr » par le Défendeur constitue une atteinte à ses droits, et en particulier à ses droits de propriété intellectuelle.
Le Requérant invoque à l’appui de cette prétention ses droits de marque sur le terme Vetheo en suite des dépôts français et communautaires susvisés ainsi que ses droits sur les noms de domaine.
Le Requérant estime ainsi que le nom de domaine litigieux détenu par le Défendeur reproduit à l’identique ses marques et noms de domaine et constitue de ce fait une atteinte aux droits qu’il détenait antérieurement.
Le Requérant ajoute que cette atteinte est aggravée par l’exploitation commerciale du nom de domaine par le Défendeur, notamment par des liens hypertextes (« liens sponsorisés ») renvoyant vers des concurrents ou des sociétés ayant une activité similaire au Requérant.
Le Requérant en déduit que le Défendeur tire indûment profit de la notoriété de sa marque et que l’enregistrement du nom de domaine « vetheo.fr » ne l’a été que dans un but purement lucratif.
Le Requérant sollicite pour l’ensemble de ces raisons le transfert du nom de domaine « vetheo.fr » à son profit.
Défendeur
Le Défendeur n’a adressé aucune réponse formelle au Centre.
Le Défendeur a cependant indiqué qu’il ignorait être titulaire du nom de domaine « vetheo.fr », qu’il n’avait aucun intérêt dans le nom de domaine et qu’il proposait, en conséquence, de le transférer au Requérant.
Discussion
L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite en conséquence la transmission de ce nom de domaine à son bénéfice.
Conformément à l’article 20 (c), l’Expert “fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.
Par conséquent, l’Expert s’est attaché à rechercher si l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine « vetheo.fr » portent atteinte aux droits de tiers, et si le Requérant justifie de droits lui permettant de solliciter la transmission de ce nom de domaine.
Enregistrement du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers
a) Le nom de domaine enregistré par le Défendeur constitue une reproduction à l’identique des marques et noms de domaine du Requérant
L’Expert constate que le nom de domaine « vetheo.fr » détenu par le Défendeur et enregistré le 5 mars 2007 constitue la reproduction à l’identique d’au moins deux marques dont le Requérant justifie de l’enregistrement, à savoir la marque semi-figurative Vetheo déposée le 22 septembre 2003 sous le n°03 3 247 457 et la marque communautaire semi-figurative Vetheo déposée le 30 avril 2004 sous le n°003809795.
Comme jugé de manière constante par les experts, l’extension “.fr” inhérente au fonctionnement des noms de domaine, n’est pas de nature à faire disparaître cette identité entre la marque et le nom de domaine (décisions Sarl Abcyne contre Jeremie G., Litige Ompi n° DFR2007-0001, Compagnie Générale des Établissements Michelin – Michelin et Cie contre Eurostatic Ltd, Litige Ompi n° DFR2005-0013).
b) Le Défendeur ne justifie d’aucun droit sur le terme Vetheo l’autorisant à enregistrer et utiliser le nom de domaine litigieux
Le Défendeur n’a revendiqué aucun droit sur le nom de domaine litigieux qu’il a proposé de transférer au Requérant.
c) L’enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur porte atteinte aux droits de tiers
Au vu de l’ensemble des considérations présentées ci-avant, l’Expert considère que l’enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur porte atteinte aux droits de tiers, et en particulier aux droits de marque du Requérant sur le terme “vetheo”, en ce qu’il constitue une contrefaçon de ladite marque.
Les éléments de fait du présent dossier permettent également de douter de la volonté réelle et sérieuse du Défendeur d’enregistrer et d’utiliser de bonne foi le nom de domaine litigieux.
En effet, l’Expert rappelle qu’il appartenait au Défendeur, en application de l’article 12 de la Charte, de s’assurer que le terme qu’il souhaitait utiliser à titre de nom de domaine ne portait pas atteinte aux droits des tiers.
Droits du Requérant sur le nom de domaine litigieux
Le Requérant ayant justifié être titulaire des marques française et communautaire Vetheo, l’Expert considère que celui-ci est fondé à solliciter la transmission à son profit du nom de domaine litigieux.
Décision
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « vetheo.fr ».
Expert : Christiane Féral-Schuhl
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.