Jurisprudence : Marques
Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 29 janvier 2008
Société Carrefour / Olivier D.
marques - nom de domaine
Les parties
Le Requérant est la société Carrefour, Levallois Perret, France; représenté par J.-P. Karsenty & Associés, Paris, France.
Le Défendeur est Monsieur Olivier D., Pontault-Combault, France.
Nom de domaine et prestataire internet
Le litige concerne le nom de domaine « carrefour-voyage.fr », enregistré le 21 juin 2006.
Le prestataire internet auprès duquel le nom de domaine est enregistré est Amen (Agence des Médias Numériques).
Rappel de la procédure
Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 27 novembre 2007, par courrier électronique et le 29 novembre 2007, par courrier postal.
Le 28 novembre 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 3 décembre 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).
Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 11 décembre 2007. Le Défendeur a adressé sa réponse au Centre le 30 décembre 2007.
Le 15 janvier 2008, le Centre nommait Jérôme Huet comme Expert dans le présent litige.
L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.
Les faits
Le nom de domaine litigieux est « carrefour-voyage.fr », que revendique le Requérant, la société Carrefour.
Le Requérant a exposé qu’il avait découvert l’existence de l’enregistrement et de l’utilisation faite par Monsieur D. du nom de domaine « carrefour-voyage.com » qui, après avoir été mis en demeure de le lui transférer, a envoyé un message au Requérant où il affirmait avoir déposé également le nom de domaine « carrefour-voyage.fr ».
Il explique que Monsieur D. n’ayant pas accepté de transférer les noms de domaine litigieux, il a tout d’abord déposé une plainte devant l’Ompi afin de récupérer le nom de domaine « carrefour-voyage.com » et que, par décision (Carrefour c. Monsieur Olivier D., Litige Ompi No. D2007-0517), la Commission Administrative désigné par l’Ompi a fait droit à la demande du Requérant, estimant que Monsieur D. avait enregistré et utilisé le nom de domaine « carrefour-voyage.com » de mauvaise foi.
Compte tenu de cette décision – que Monsieur D. n’a pas contestée – le Requérant a adressé à celui-ci une nouvelle mise en demeure de transférer le nom de domaine « carrefour-voyage.fr » mais qu’elle est restée sans réponse.
Le Requérant a alors saisi le Président du Tribunal de grande instance de Nanterre d’une requête visant à ordonner à l’Afnic la communication des données relatives au titulaire du nom de domaine « carrefour-voyage.fr ». Le Président ayant fait droit à cette requête, l’Afnic a communiqué ces données.
Le courrier de l’Afnic indique que le titulaire du nom de domaine « carrefour-voyage.fr » est Monsieur Olivier D., Pontault-Combault (France).
Ce dernier est donc le Défendeur dans la présente procédure.
Argumentation des parties
Requérant
Le Requérant fait état du fort développement de l’activité du Groupe Carrefour en France depuis l’ouverture en 1960 du premier supermarché et à l’international – 12 547 magasins sous les enseignes du Groupe Carrefour dans le monde – et de ses importants investissements promotionnels et publicitaires dans la marque Carrefour, qui font que cette dernière bénéficie d’une grande notoriété.
Ainsi, le Requérant peut se présenter comme notoirement connu dans le monde entier en tant que “leader” de la grande distribution en Europe et numéro 2 dans le monde.
Le Requérant est titulaire de la marque Carrefour dans 74 pays et détient en outre plus d’une centaine de marques “carrefour” ou incluant cette dénomination à travers le monde. Parmi ces marques, figurent notamment les marques suivantes :
– Carrefour : marque enregistrée en France sous le n°1565338 dans les classes internationales de produits 1 à 34, et sous le n°1487274 dans les classes internationales de services 35 à 42,
– Carrefour : marque internationale enregistrée sous le n°R351147 dans les classes internationales de produits 1 à 34 et sous le n°R353849 dans les classes internationales de services 35 à 42,
– Vacances Carrefour : marque enregistrée en France sous le n°97674943 dans les classes internationales de produits et de services 36, 39, 41, et 42,
– Vacances Carrefour : marque internationale enregistrée sous le n°681666 dans les classes internationales de produits et de services 36, 39, 41, et 42.
Il ajoute que la marque Carrefour est enregistrée notamment pour divers services liés au voyage : “informations concernant les voyages ; agences de tourisme et de voyage, réservation de places ; réservation de chambres d’hôtel pour voyageurs, hôtellerie, restauration, transports de personnes ; émission de chèque de voyage”.
Le Requérant est, en outre, titulaire des marques française et internationale Vacances Carrefour qui évoquent les activités liées au voyage et qui sont déposées pour de nombreux services liés au voyage, parmi lesquels : “organisation de voyages, transports, accompagnement de voyageurs, transport aérien, transport aéronautique, agence de tourisme, locations d’automobiles, organisation de croisières, information en matière de transport, réservations d’hôtels, services hôteliers…”.
Et le Groupe Carrefour exerce une activité de services liée aux voyages sous l’enseigne et le nom commercial Carrefour Voyages/Voyages Carrefour, par l’intermédiaire de sa filiale Carrefour Vacances, immatriculée en 1990 et qui, à travers ses 94 agences de voyage, son service de ventes à distance, son service groupes et séminaires et son service voyages d’affaires, a réalisé en 2006 un volume d’affaires de 219.810.000 euros.
Le Requérant expose que cette activité est soutenue depuis plusieurs années par de forts investissements publicitaires, des catalogues de voyage, des annonces dans le catalogue “Carrefour” dont chaque numéro est distribué à des millions d’exemplaires, par de nombreuses promotions, ainsi que par une forte présence sur internet.
S’agissant de la présence sur internet, il précise que le groupe Carrefour est titulaire de plus de 260 noms de domaine incluant sa marque Carrefour, parmi lesquels de nombreux noms font référence à son activité liée aux voyages et sont, pour certains, très semblables ou quasiment identiques au nom de domaine concerné par le présent litige : ainsi « carrefour-voyages.fr », « carrefour-voyages.com », « carrefourvoyage.com », « carrefourvoyages.com », « carrefourvoyage.fr », « voyage-carrefour.fr », « voyagecarrefour.fr », « voyages-carrefour.fr », « voyages-carrefour.com », « voyagescarrefour.com », « carrefourvacances.fr », « carrefour-vacances.fr », « carrefourvacance.com », « carrefourvacances.com », « carrefour-vacance.com », « carrefour-vacances.com », « carrefourvacances.com », « vacancescarrefour.com », « vacances-carrefour.com », « vacancecarrefour.com », « vacance-carrefour.com », « vacances-carrefour.net », « vacancescarrefour.net », « vacancescarrefour.fr », « vacances-carrefour.fr », « vacancescarrefour.com », « vacancescarrefour.fr », « vacances-carrefour.fr », « carrefour-travel.com », « carrefourtravel.gr », « carrefour-viajes.com », « carrefour-viaggi.com », « carrefourvacances.be », « carrefourvakantie.be », « travelcarrefour.be ».
Il estime, en conséquence, que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers, et plus spécifiquement à ses droits, et demande que le nom de domaine « carrefour-voyage.fr » lui soit transmis.
Défendeur
Le Défendeur a adressé une réponse par courrier électronique le 30 décembre 2007 au Centre, qui en a accusé réception le 3 janvier 2008, avec copie au Requérant.
Dans cette lettre du 30 décembre 2007, le Défendeur a déclaré : “Ce domaine « carrefour-voyage.fr » que j’ai déposé était en parfaite adéquation avec le site et plus particulièrement le forum de discussion que j’avais mis en ligne, site ou les internautes partageait leurs expériences de leurs voyages.
En effet, j’avais cherché à l’époque un nom en rapport avec le site que j’avais développé en regardant dans le dictionnaire et avais trouvé les définitions du dictionnaire ‘carrefour’ : ”lieu ou se croisent plusieurs chemins”, et ‘voyage’ : “fait de se déplacer”, ”allée et venue d’un lieu à un autre”, définitions qui étaient en parfaite adéquation par rapport au thème de mon site et les avais donc ‘associés’ séparés d’un tiret (-) d’où le nom « carrefour-voyage.fr ».
Et il ajoute : “Je ne vois pas en quoi le fait d’associer deux mots du dictionnaire séparés d’un tiret gênerait et constituerait une atteinte aux droits des tiers. Si mon nom de domaine devait m’être retiré pour cause de ‘gêne’ sous prétexte qu’il porterait atteinte aux droit des tiers, alors un grand nombre de noms de domaines associant des mots du dictionnaire serait ‘gênant’ et jurisprudentiel.”
Dès lors, il s’oppose à la transmission du nom de domaine « carrefour-voyage.fr » à la société Carrefour.
Discussion
Il revient à l’Expert de décider, conformément à l’article 20 (c) du Règlement, si “l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits de tiers telle que définie à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte” et, lorsque la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, si “le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de l’atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.
L’article 1 du Règlement définit l’ “atteinte aux droits de tiers” comme “une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal et matière commerciale et au droit au nom, au prénom ou au pseudonyme d’une personne”.
Il s’agit donc d’apprécier si, au vu des éléments du dossier, le Défendeur a effectué l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine « carrefour-voyage.fr » de manière à constituer une atteinte aux droits du Requérant et si ledit Requérant justifie de droits sur le nom de domaine permettant d’en décider la transmission à son profit.
Enregistrement du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers
S’agissant de l’enregistrement du nom de domaine « carrefour-voyage.fr », on pourrait être tenté de faire valoir, en faveur du Défendeur, que le terme “carrefour” fait partie du vocabulaire courant et, partant, présente une certaine banalité.
On pourrait déduire que le terme “carrefour” est librement utilisable par tout un chacun. Et, d’ailleurs, le Défendeur, en se référant aux définitions du dictionnaire, soutient ce point de vue.
En ce sens, on pourrait se référer à une décision rendue dans une affaire Studio Magazine SA contre Synthétiques SAS, Litige Ompi No. DFR2007-0003, où l’on voit déclaré, à propos du terme “studio” :
“L’Expert constate que le Requérant est titulaire de droits antérieurs opposables sur la dénomination “Studio Magazine”, à titre de marque semi-figurative et de dénomination sociale ainsi que d’un droit antérieur sur le nom de domaine « studiomag.com ».
“ L’Expert constate également que le magazine revendiqué ayant pour titre originel “Studio Magazine” est couramment dénommé “Studio”.
“ A cet égard, les magazines parus récemment ne comportent d’ailleurs plus que le nom “Studio”.
“ Pour autant, il ne saurait être contesté que le terme “Studio” est un terme générique pouvant servir à désigner tout à la fois, sans que cette énumération soit exhaustive, un studio d’enregistrement, un studio photo, une petite surface habitable.
“ Cette considération n’a nullement pour objet de contester le caractère distinctif des marques invoquées, et ce d’autant plus qu’il n’appartient pas à l’Expert de se livrer à une telle appréciation.
“ Toujours est-il que la protection conférée à des droits privatifs portant sur un terme générique ne peut avoir une portée absolue, sauf à priver tout concurrent de l’utilisation d’un terme appartenant au langage courant.
“ A cet égard, l’activité du Défendeur a trait à l’animation 3D et à la réalisation d’effets spéciaux, domaine d’activité où il est courant d’utiliser le terme “Studio” pour désigner, comme l’indique le Défendeur, à titre d’exemple, un studio d’animation.
“ Dès lors, il n’est pas déraisonnable de considérer que l’enregistrement du nom de domaine « studio.fr » le 20 mai 2000 ne l’a pas été par le Défendeur dans l’intention de nuire au Requérant et/ou de profiter indûment des investissements déjà engagés et développés par le Requérant sur ce terme, s’agissant de l’exploitation de la revue “Studio Magazine”.
“ Au contraire, tout laisse à penser que la motivation première du Défendeur a été de procéder à l’enregistrement d’un mot du langage courant, par ailleurs largement utilisé dans le cadre de son activité.”
Pourtant, en l’espèce, il en va différemment étant donné la notoriété de la marque Carrefour, l’activité exercée par le Groupe Carrefour, depuis plus d’une quinzaine d’années, dans le domaine des voyages et le fait que le nom de domaine litigieux « carrefour-voyage.fr » n’a été enregistré par le Défendeur qu’en 2006.
On peut relever, au demeurant, que le Défendeur aurait pu utiliser d’autres termes d’une égale banalité – mais quant à eux libres de droits – pour les accoler au terme “vacances” et, par là même, éviter d’utiliser celui de “carrefour” : ainsi, son choix aurait pu se porter sur les termes “rencontres”, “échanges”, “recherches”, “croisement”.
Mais surtout, l’Expert observe que le nom de domaine « carrefour-voyage.fr » inclut un terme, le mot “carrefour”, qui possède une grande notoriété, a été déposé de nombreuses fois comme marque ou dans une marque par le Requérant, et est utilisé par ce dernier dans de nombreux noms de domaine, si bien que l’exploitation de ce nom de domaine « carrefour-voyage.fr » par une autre personne que le Requérant ne peut que prêter à confusion avec les marques et les noms de domaine dont le Requérant est titulaire.
De fait, le terme “carrefour” constitue un des éléments distinctifs principaux du nom de domaine « carrefour-voyage.com », l’extension “com” ne devant pas être prise en compte dans la comparaison ; il est même le terme descriptif le plus important si l’on considère que le mot “voyage”, dans le domaine des prestations de tourisme ou de transport de personnes, n’est pas à lui seul discriminant.
On doit relever, à cet égard, qu’il existe une tendance générale dans les décisions rendues en matière de nom de domaine dans le cadre de l’Ompi, sur le fondement des règles UDRP, à considérer que l’ajout d’un terme non distinctif à une marque afin de constituer un nom de domaine n’a pas pour effet de supprimer le risque de confusion résultant de la similarité entre la marque et le nom de domaine, la marque demeurant l’élément principal du nom de domaine (V. en ce sens la motivation de la décision rendue dans CCA Industries, Inc. v. Bobby R. Dailey, Litige Ompi No. D2000-0148, aff. Heineken, §6, 1°).
Au reste, la même solution se retrouve dans des litiges concernant des noms de domaine composés de la marque Carrefour du Requérant et de mots génériques, notamment le mot “voyage”, dont on a reconnu qu’ils prêtaient à confusion avec les marques du Requérant : ainsi pour les noms de domaine « carrefourgroup.com », « carrefour-group.com » et « newcarrefourgroup.com » (Carrefour S.A. v. Multigestiones PuertoNorte S.L., Litige Ompi No. D2000-0837), le nom de domaine « groupecarrefour.com » (Carrefour SA c. Eric L., Litige Ompi No. D2007-0067), le nom de domaine « voyage-carrefour.com » (Carrefour v. Field, Lake & Sky, Litige Ompi No. D2007-0563), et le nom de domaine « carrefour-voyage.com » (Carrefour c. Monsieur Olivier D., Litige Ompi No. D2007-0517).
Cette dernière décision, qui concerne le nom de domaine « carrefour-voyage.com » (Carrefour c. Monsieur Olivier D., Litige Ompi No. D2007-0517), est particulièrement pertinente puisque ce nom de domaine est identique au nom de domaine sur lequel porte le présent litige – la seule différence étant celle de l’extension, qui est sans valeur distinctive – et que le titulaire du nom de domaine était également le Défendeur dans cette espèce. Or, dans cette décision, la transmission du nom de domaine « carrefour-voyage.com » à la société Carrefour a été ordonnée.
Au soutien de cette solution, il a été relevé dans cette décision qu’“il n’a pas pu échapper au Défendeur que le Requérant était déjà titulaire de nombreux noms de domaine similaires à celui qu’il entendait déposer” et que d’une manière générale, et compte tenu de la notoriété de la marque Carrefour et de l’activité liée aux voyages du Requérant, “le Défendeur ne pouvait ignorer, lorsqu’il a enregistré le nom de domaine, qu’il violait les droits du Requérant”.
Telles sont les circonstances dans lesquelles, la société Carrefour a récemment récupéré le nom de domaine « carrefour-voyage.com », qui avait été enregistré par le Défendeur.
Il s’évince de ces observations, et de cette tendance jurisprudentielle, qu’on doit admettre le risque de confusion avec l’activité du Groupe Carrefour qu’engendrerait à l’évidence l’exploitation par le Défendeur du nom de domaine « carrefour-voyage.fr », les consommateurs étant amenés à croire, de façon erronée, que ce nom est lié au Requérant ou à une société de son groupe.
Utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers
S’agissant de l’utilisation du nom de domaine « carrefour-voyage.fr », le Requérant explique que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux afin de le céder, à titre onéreux, au Requérant ou à l’un de ses concurrents.
En ce sens, il fait valoir que, déjà, à la suite des mises en demeure qu’il avait adressées au Défendeur au sujet du nom de domaine « carrefour-voyage.com », le Défendeur avait proposé de vendre au Requérant le nom de domaine litigieux, et que ce nom de domaine avait été mis en vente à plusieurs reprises sur le site “www.sedo.fr” pendant de nombreux mois.
Le Requérant expose que, de la même manière, le nom de domaine « carrefour-voyage.fr » est proposé à la vente sur ce même site, où les internautes sont invités à faire une offre pour en faire l’acquisition.
Il est vrai que cette offre de vente du nom de domaine litigieux invite à considérer comme frauduleux le comportement du Défendeur dans l’utilisation du nom de domaine.
D’ailleurs, le Requérant souligne que plusieurs décisions ont considéré la mise en vente de noms de domaine sur le site “www.sedo.fr” comme caractérisant la mauvaise foi du Défendeur, car elle montre l’intention purement lucrative et spéculative de ce dernier, qui escompte d’une part vendre le nom de domaine pour un prix excédant le montant qu’il a déboursé, et qui perçoit d’autre part une rémunération à la suite des “clics” effectués sur les liens commerciaux de concurrents du Requérant par la clientèle internaute de ce dernier détournée et trompée par l’enregistrement abusif du nom de domaine (V. en ce sens les décisions Lyonnaise de Banque v. Richard J., Litige Ompi No. D2006-0142; Abertis Infraestructuras, S.A. v. Syed H. (PDAPB), Litige Ompi No. D2006-1007; DIPA contre Lantec Cortporation, Litige Ompi No. DFR2005-0010 ; Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud, Litige Ompi No. DFR2004-0005 ; Credit Industriel et Commercial S.A. v. Richard J., Litige Ompi No. D2005-0569 ; Amanresorts Limited and Amanresorts International Pte Ltd. v. Eric T., Litige Ompi No. D2006-1219).
Le Requérant ajoute que le Défendeur a sciemment tenté d’attirer les internautes sur le site “www.carrefour-voyage.fr” en créant une probabilité de confusion avec les marques du Requérant en ce qui concerne l’origine des services qui y sont proposés.
A une époque, en effet, la plupart des liens sur ce site faisaient référence à l’organisation de voyages et au caractère bon marché des prestations proposées, ce qui est une des caractéristiques des prestations du Requérant. Ainsi, pouvait-on relever sur le site “www.carrefour-voyage.fr” des liens comme “ Voyage Discount”, “ Voyages Promotions”, “Séjour Discount”, “Voyager moins cher”, “Voyage pas cher”.
On peut donc déduire de l’utilisation faite du nom de domaine par le Défendeur témoigne de la mauvaise foi de ce dernier et a été réalisée en violation des droits des tiers.
Droits du Requérant justifiant la transmission du nom de domaine
Ainsi que l’Expert l’a déjà relevé, le Requérant est titulaire de nombreux droits sur l’élément le plus distinctif du nom de domaine « carrefour-voyage.fr », le terme “carrefour”. Il est titulaire de la marque Carrefour dans de nombreux pays et détient de nombreuses marques incluant le terme “carrefour” à travers le monde.
De surcroît, comme il a été déjà souligné, le Requérant est titulaire de plusieurs centaines de noms de domaine incorporant sa marque Carrefour, parmi lesquels de nombreux noms de domaine font référence à son activité liée aux voyages et sont pour certains très semblables ou quasiment identiques au nom de domaine concerné par le présent litige : ainsi les noms de domaine « carrefour-voyages.fr », « carrefour-voyages.com », « carrefourvoyage.com », « carrefourvoyages.com », « carrefour-voyage.com », « carrefourvoyage.fr », « voyage-carrefour.fr », « voyagecarrefour.fr », « voyages-carrefour.fr », « voyages-carrefour.com », « voyagescarrefour.com », « carrefourvacances.fr », « carrefour-vacances.fr », « carrefourvacance.com », « carrefourvacances.com », « carrefour-vacance.com », « carrefour-vacances.com », « carrefourvacances.com », « vacancescarrefour.com », « vacances-carrefour.com », « vacancecarrefour.com », « vacance-carrefour.com », « vacances-carrefour.net », « vacancescarrefour.net », « vacancescarrefour.fr », « vacances-carrefour.fr », « vacancescarrefour.com », « vacancescarrefour.fr », « vacances-carrefour.fr », « carrefour-travel.com », « carrefourtravel.gr », « carrefour-viajes.com », « carrefour-viaggi.com », « carrefourvacances.be », « carrefourvakantie.be », « travelcarrefour.be ».
Dans ces conditions, les droits du Requérant à obtenir le transfert à son profit du nom de domaine « carrefour-voyage.fr » sont amplement établis.
Décision
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « carrefour-voyage.fr ».
Expert : Jérôme Huet
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.