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Jurisprudence : Marques

mardi 03 février 2009
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 31 décembre 2008

Excelsior Pulications / Vladimir S.

marques

Les parties

Le Requérant est Excelsior Publications, Issy-les-Moulineaux, France, représenté par le Cabinet Nixon Peabody LLP, Paris, France.

Le Défendeur est Vladimir S., Digoin, France.

Nom de domaine et prestataire internet

Le litige concerne le nom de domaine « scienceetviejunior.fr » enregistré le 22 septembre 2008.

Le prestataire internet est la société Key-Systems GmbH.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 12 novembre 2008, par courrier électronique et le 19 novembre 2008, par courrier postal.

Le 20 novembre 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 20 novembre 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, ainsi qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 21 novembre 2008. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 11 décembre 2008. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 12 décembre 2008.

Le 17 décembre 2008, le Centre nommait Alexandre Nappey comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Le Requérant, la société française Excelsior Publications, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre, exerce des activités d’édition de journaux et magazines, parmi lesquels depuis 1989, un magazine d’actualité scientifique destiné à la jeunesse sous le titre Science et Vie Junior.

Le Requérant a été informé de l’existence du nom de domaine litigieux « scienceetviejunior.fr », enregistré le 22 septembre 2008. Le nom de domaine donne accès à un site à caractère pornographique.

Une lettre de mise en demeure a été envoyée le 22 octobre 2008 au titulaire du nom de domaine. Dans une réponse adressée par courrier électronique le 2 novembre 2008, le Défendeur s’est employé à réfuter l’ensemble des allégations du Requérant et a refusé de lui restituer le nom de domaine et à suspendre son exploitation. Il a toutefois proposé de le céder à titre onéreux.

C’est dans ces circonstances que le Centre a été saisi du présent litige.

Argumentation des parties

Requérant

Le Requérant estime que le nom de domaine litigieux constitue la reproduction servile de la marque Science et Vie Junior. Le Requérant est également titulaire de plusieurs noms de domaine, dont le nom de domaine « science-et-vie-junior.fr », qu’il exploite de longue date pour éditer un magazine destiné à la jeunesse.

En raison de cet usage ancien, de l’importance de son exploitation et de l’ampleur de l’effort publi-promotionnel consenti pour sa communication, le Requérant soutient que la marque Science et Vie Junior jouit d’une notoriété incontestable en France.

Le Requérant estime que le Défendeur entend profiter de la notoriété de la marque Science et Vie Junior pour détourner la clientèle jeune du Requérant vers un site à caractère pornographique, ce qui conduit à diluer et avilir l’image et la réputation de la marque.

L’exploitation du nom de domaine constituerait par ailleurs une atteinte aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale.

Le Requérant sollicite le transfert du nom de domaine « scienceetviejunior.fr » à son profit.

Défendeur

Le Défendeur n’a présenté aucune observation en réponse aux allégations du Requérant.

Discussion

L’Expert rappelle que, en application de l’article 1 du Règlement, “une atteinte aux droits des tiers est constituée en particulier, lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi.”

En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L’Expert souligne que, en application de l’article 20(c) du Règlement, il “fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine

Le Requérant justifie être titulaire d’une trentaine de marques en France et au plan international sur la dénomination Science et Vie Junior, parmi lesquelles :

– la marque française Science et Vie Junior n° 1499688 du 24 novembre 1988, régulièrement renouvelée depuis ;

– la marque française Science et Vie Junior n° 97667474 du 7 mars 1997, régulièrement renouvelée depuis ;

– la marque internationale Science et Vie Junior n° 678502 du 14 août 1997, régulièrement renouvelée depuis.

Il invoque également des droits sur le nom de domaine « science-et-vie-junior.fr » enregistré et exploité depuis le 31 janvier 2002.

L’expert estime que le Requérant bénéficie de droits de propriété intellectuelle en France sur la dénomination Science et Vie Junior.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

L’expert considère que l’enregistrement, comme l’utilisation du nom de domaine « scienceetviejunior.fr » sont effectués en violation des droits du Requérant.

Il n’est pas contestable que le nom de domaine litigieux est identique aux marques sur lesquelles le Requérant bénéficie de droits exclusifs.

Au vu des documents produits par le Requérant au soutien de son argumentation, il apparaît que la dénomination Science et Vie Junior bénéficie en France d’une certaine renommée.

Le Défendeur pouvait difficilement ignorer l’existence de la marque du Requérant, lorsqu’il a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

De surcroît, en mettant en place une redirection à partir de ce nom de domaine vers un site à caractère pornographique, alors même qu’il est susceptible d’être consulté par des enfants et des adolescents, le Défendeur cherche à détourner la clientèle du Requérant dans des conditions de nature à nuire gravement à son image de marque et à sa réputation.

En agissant ainsi, le Défendeur a porté gravement atteinte aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « scienceetviejunior.fr ».

Expert : Alexandre Nappey

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.