Jurisprudence : Marques
Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 5 mai 2008
Netlog NV / Jureko C. Maurice
marques
Les parties
Le Requérant est Netlog NV, Gand, Belgique, représenté par le cabinet Baker & McKenzie, Anvers, Belgique.
Le Défendeur est Jureko C. Maurice, Paris, France.
Nom de domaine et prestataire internet
Le litige concerne le nom de domaine « netlog.fr » enregistré le 6 novembre 2007.
Le prestataire Internet est la société Online SAS, Paris, France.
Rappel de la procédure
Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 12 mars 2008, par courrier électronique et le 14 mars 2008, par courrier postal.
Le 12 mars 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 12 mars 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).
Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 26 mars 2008. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 22 avril 2008.
Le 24 avril 2008, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement.
L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.
Les faits
La société de droit belge Netlog NV, auparavant dénommée Incrowd BVBA a pour objet la fourniture de services internet de réseau social qui permet aux internautes d’échanger entre eux. Le site du requérant, exploité sous le nom de domaine « netlog.com », connaît un grand succès dans le monde puisqu’il rassemble 30 millions d’internautes.
Le Requérant est titulaire de plusieurs marques et notamment d’une marque verbale française Netlog, déposée le 11 juillet 2007 et enregistrée sous le numéro D 07 – 3513001, ainsi que d’une marque figurative française Netlog, déposée le même jour et dont le numéro d’enregistrement est D 07 3513002. Ces marques désignent des produits et services dans les classes 35, 38, 41, 42 et 45.
Par ailleurs, le Requérant a acquis le nom de domaine « netlog.fr » afin d’exploiter un site internet à destination des internautes français. Lorsque ce nom de domaine a expiré le 5 novembre 2007, il a été, le jour suivant, enregistré par le Défendeur. Ce dernier a alors utilisé le nom de domaine litigieux pour désigner un site qui présentait des liens vers d’autres sites de réseau social, mais aussi vers des sites pour adulte à caractère pornographique. Ayant été averti par le Requérant, le Défendeur a alors déconnecté son site et n’a pas répondu à la lettre de mise en demeure envoyée par le Requérant.
C’est dans ces circonstances que le Requérant a décidé de saisir le Centre afin d’obtenir la transmission du nom de domaine « netlog.fr ».
Argumentation des parties
Requérant
Le Requérant considère que l’enregistrement du nom de domaine « netlog.fr » par le Défendeur porte atteinte à ses droits. Il atteste notamment être propriétaire de plusieurs marques françaises et du nom de domaine « netlog.com ». Le Requérant souligne également que le Défendeur a utilisé le nom de domaine « netlog.fr » pour désigner des produits ou services qu’il a mentionnés dans ses dépôts de marques. Il considère donc que l’enregistrement du nom de domaine « netlog.fr » a été réalisé de mauvaise foi par le Défendeur.
Le Requérant souligne que le nom de domaine litigieux a été utilisé par le Défendeur afin de détourner sciemment les internautes du site du Requérant vers d’autres sites concurrents, ce qui constitue un comportement déloyal. Il indique également que le site du Défendeur, lorsqu’il utilisait le nom de domaine litigieux, proposait des liens vers des sites à caractère pornographique, ce qui ne pouvait que porter atteinte à l’image de marque du Requérant. Le Requérant indique enfin que le Défendeur ne justifiait d’aucun droit ou intérêt légitime pour utiliser l’expression “netlog”. Il en déduit que l’utilisation du nom de domaine a été réalisée de mauvaise foi.
Défendeur
Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.
Discussion
L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, la transmission du nom de domaine à son profit.
L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement : “Il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.”
L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers”, au titre de la Charte, “une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne”.
En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux portait atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.
Enregistrement du nom de domaine litigieux
Le Requérant prouve être titulaire de marques françaises qui protègent l’expression “netlog” pour désigner divers produits et services dans le domaine des nouvelles technologies, et plus particulièrement des sites sociaux qui permettent aux internautes d’entrer en relation entre eux.
En enregistrant le nom de domaine « netlog.fr », identique à l’expression réservée en tant que marque par le Requérant, le Défendeur a incontestablement porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle de ce dernier.
Par ailleurs, en profitant d’une négligence manifeste du Requérant dans le renouvellement du nom de domaine et en procédant à l’enregistrement du nom de domaine litigieux le lendemain de son expiration, le Défendeur a procédé à un enregistrement en violation du comportement loyal qui s’impose à toute personne qui entend enregistrer un nom de domaine.
Enfin, il convient d’ajouter que le Défendeur ne justifie d’aucun droit ou intérêt légitime qui pourrait justifier l’enregistrement du nom de domaine litigieux « netlog.fr ».
L’enregistrement du nom de domaine litigieux porte donc atteinte aux droits du Requérant sur le signe “netlog” et constitue une violation des usages honnêtes en matière commerciale.
Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers
Le nom de domaine litigieux a été utilisé pour désigner un site qui présentait des liens commerciaux vers des sites internet de réseau social, ce qui constitue l’objet du célèbre site internet du Requérant. Il apparaît donc évident que l’utilisation du nom de domaine litigieux avait pour principal objet de détourner sciemment les internautes du site du Requérant afin d’assurer vraisemblablement une rémunération au Défendeur.
L’utilisation du nom de domaine litigieux permettait également aux internautes d’accéder à des sites à caractère pornographique, ce qui ne pouvait que ternir l’image de marque du Requérant qui n’a jamais associé le signe distinctif “netlog” à de tels produits et services.
L’utilisation du nom de domaine litigieux porte donc atteinte aux droits du Requérant sur le signe “netlog” et constitue une violation des usages honnêtes en matière commerciale.
Décision
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « netlog.fr ».
Expert : Christophe Caron
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.