Jurisprudence : Marques
Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert 8 juillet 2008
Brossette / Fabrice M.
marques - nom de domaine
Les parties
Le Requérant est Brossette, Lyon, France, représenté par Tmark Conseils, France.
Le Défendeur est Fabrice M., Lyon, France.
Nom de domaine et prestataire internet
Le litige concerne le nom de domaine « brosette.fr » enregistré le 30 novembre 2006.
Le prestataire internet est la société EuroDNS S.A.
Rappel de la procédure
Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 26 mai 2008, par courrier électronique et le 29 mai 2008, par courrier postal.
Le 27 mai 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.
Le 27 mai 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).
Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 30 mai 2008. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 19 juin 2008. Le défendeur n’ayant pas fait parvenir de réponse, le Centre lui a fait parvenir, le 20 juin 2008, une notification d’un défaut du défendeur.
Le 27 juin 2008, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.
Les faits
La société Brossette est une société par actions simplifiée, créée en 1981. Elle a comme activité la distribution aux professionnels de produits sanitaires, de matériels de chauffage et de plomberie.
Elle est, par ailleurs, titulaire du nom de domaine « brossette.fr » depuis le 14 mai 1997 et propriétaire de plusieurs marques françaises et communautaires qui incluent le terme ‘brossette’ :
– Brossette BTI : enregistrement français n° 92 401 641, déposée le 17 janvier 1992 et renouvelée depuis, en classes 6, 9, 11, 17 et 20 et désignant notamment “matériel pour installations d’électricité, des installations d’éclairage, de chauffage, de cuisson de ventilation, de réfrigération, de séchage, de distribution d’eau et des installations sanitaires”.
– Brossette TP : enregistrement communautaire n° 03 706 496, déposée le 3 mars 2004, en classes 6, 7, 17, 19, désignant notamment des “tuyaux métalliques, matériaux de construction métalliques, tuyaux rigides non métalliques”.
– B Brossette : enregistrement français n° 141 0 074, déposée le 22 mai 1987 et renouvelée depuis, en classes 6 et 11, désignant notamment les “installations sanitaires et de chauffage”.
Le Requérant a découvert que le Défendeur avait enregistré le nom de domaine litigieux « brosette.fr » et a donc décidé de saisir le Centre afin que soit ordonné le transfert à son profit de ce nom de domaine.
Argumentation des parties
Requérant
Le Requérant considère que le nom de domaine litigieux est quasiment identique à sa dénomination sociale Brossette, à son nom de domaine « brossette.fr » et à ses marques qui protègent le terme ‘Brossette’ puisqu’il n’existe qu’une seule lettre de différence entre les mots ‘Brossette’ et ‘Brosette’.
Le Requérant constate également que le nom de domaine litigieux dirige l’internaute vers un site internet actif qui affiche des liens commerciaux qui permettent d’accéder à des sites d’entreprises concurrentes. Il souligne donc que le Défendeur utilise le nom de domaine « brosette.fr » afin de détourner, à des fins lucratives, les internautes au préjudice de ses intérêts.
Enfin, le Requérant produit des décisions d’experts en application du Règlement qui ont impliqué le Défendeur dans des circonstances similaires à l’égard d’autres entreprises.
Défendeur
Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.
Discussion
L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, la transmission des noms de domaine à son profit.
L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement : “Il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.”
L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers”, au titre de la Charte, “une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne”.
En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux portait atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission du nom de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.
(i) Enregistrement du nom de domaine litigieux
Le Requérant justifie de ses droits de marque sur l’expression ‘brossette’ afin de désigner des produits sanitaires, de matériels de chauffage et de plomberie. Il prouve également avoir enregistré le nom de domaine « brossette.fr » et que le terme ‘brossette’ constitue sa dénomination sociale.
En choisissant d’enregistrer le nom de domaine « brosette.fr » pour désigner un site proposant des liens commerciaux vers des entreprises directement concurrentes de la société Brossette, le Défendeur a provoqué un risque de confusion avec le site internet du Requérant et a donc porté atteinte à ses droits.
En outre, il est possible de présumer qu’il a sciemment effectué cet enregistrement en violation des droits du Requérant puisque des experts ont déjà eu à connaître de litiges similaires qui impliquaient le Défendeur (Litige Ompi No. DFR2007-0043, SA Natixis Interepargne contre Fabrice M./Anonyme et Litige Ompi No. DFR2007-0023, Phythea contre Fabrice M.).
Enfin, il importe de constater que le Défendeur ne prouve pas qu’il a une raison légitime d’enregistrer le nom de domaine litigieux, ce qui serait par exemple le cas si son patronyme était ‘Brosette’ ou s’il exerçait une activité sous ce nom.
Il en résulte que l’enregistrement porte incontestablement atteinte aux droits du Requérant, ce qui méconnaît l’obligation qui incombait au Défendeur de ne pas enregistrer un nom de domaine en violation des droits de propriété intellectuelle des tiers.
(ii) Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers
Le Requérant prouve que le site désigné par le nom de domaine litigieux suscite volontairement une confusion chez les internautes qui peuvent aisément confondre le nom de domaine « brosette.fr » avec celui du Requérant « brossette.fr ».
De même, le Requérant indique que le site désigné par le nom de domaine litigieux propose aux internautes de cliquer sur des liens commerciaux dédiés à des activités identiques ou similaires aux siennes.
Il apparaît donc que le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux afin de détourner sciemment des internautes qui ont fait une erreur de frappe sur le clavier de leur ordinateur, ce qui est connu sous l’anglicisme de “typosquatting”. Et ce détournement est réalisé à des fins lucratives puisque le site du Défendeur offre des liens commerciaux qui lui assurent une rémunération à chaque fois qu’un internaute clique dessus.
L’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur viole donc les droits du Requérant sur ses marques, son nom de domaine, sa dénomination sociale et est manifestement contraire au comportement loyal en matière commerciale que chaque utilisateur de nom de domaine se doit de respecter.
Décision
Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « brosette.fr ».
Expert : Christophe Caron
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.