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Jurisprudence : Marques

lundi 01 février 2010
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert Le 13 janvier 2010

NordNet / Alcom Solutions, M. Francisco G. D.

marques - nom de domaine

Les parties

Le Requérant est NordNet, France, représenté par le Cabinet Fidal, France.

Les Défendeurs sont Alcom Solutions, France et Monsieur Francisco G. D., France.

Nom de domaine et prestataire internet

Le litige concerne le nom de domaine « sudnet.fr » enregistré le 28 juin 2009.

Le prestataire internet est la société ELB Multimedia.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par NordNet auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 20 novembre 2009 par courrier électronique et le 26 novembre 2009 sur support papier.

Le 20 novembre 2009, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 23 novembre 2009, l’Afnic a confirmé qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante, et a levé l’anonymat du titulaire du nom de domaine. Le Requérant a déposé une demande amendée le 27 novembre 2009.

Le Centre a vérifié que la demande amendée répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée aux Défendeurs le 3 décembre 2009. Conformément à l’article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 23 décembre 2009. Les défendeurs n’ont pas fait parvenir leur réponse. Le Centre a notifié le défaut des défendeurs le 28 décembre 2009.

Le 6 janvier 2010, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Le Requérant est la société NordNet qui est spécialisée dans les télécommunications, et notamment la fourniture d’accès à internet. Il a conclu un contrat de partenariat avec la société Alcom solutions, nouvellement créée, qui intervient dans le même domaine d’activité.

Fin juin 2009, la société NordNet a découvert que la société Alcom solutions exploitait un site accessible à l’adresse “www.sudnet.fr”, nom de domaine enregistré par une personne physique, M. Francisco G. D., qui est le directeur général de cette dernière société.

Estimant que l’utilisation du nom de domaine « sudnet.fr » portait atteinte à ses droits de marque sur le terme “nordnet”, le Requérant a adressé plusieurs courriers à la société Alcom solutions pour lui demander de cesser toute utilisation du nom de domaine « sudnet.fr » et de lui transférer le nom de domaine litigieux. La société Alcom solutions a répondu en proposant la cession du nom de domaine pour un montant de 100 000 €.

Le Requérant a alors saisi le Centre afin d’obtenir le transfert à son profit du nom de domaine « sudnet.fr ».

Argumentation des parties

Requérant

Le Requérant considère qu’il a des droits de propriété intellectuelle sur le nom de domaine litigieux. Il dispose de plusieurs marques dénominatives et semi-figuratives qui protègent l’expression “nordnet” pour désigner notamment des services de télécommunications :

– Nordnet, marque française n° 95 594 760,

– Nordnet, marque française n° 02 3 202 288,

– Nordnet, marque française n° 05 3 342 374,

– Nordnet, marque verbale internationale n° 892 432.

Le Requérant est également titulaire de plusieurs noms de domaine qui comportent l’expression “nordnet”.

Le Requérant estime que le nom de domaine « sudnet.fr » viole son droit de marque sur l’expression “nordnet”. En effet, il considère que l’expression “sudnet” constitue une imitation illicite de l’expression “nordnet” du fait de l’existence de similitudes visuelles, phonétiques et intellectuelles manifestes entre les signes, ce qui ne peut qu’engendrer un risque de confusion pour l’internaute d’attention moyenne.

Le Requérant souligne enfin que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine « sudnet.fr » portent atteinte tant aux règles de concurrence qu’à l’exigence d’un comportement loyal dans la vie des affaires. En effet, la société Alcom solutions s’étant engagée, dans le contrat de partenariat, à ne pas faire un usage détourné des signes distinctifs de la société NordNet. Le Requérant considère que la société Alcom solutions a sciemment voulu créer un risque de confusion afin de tirer profit de l’image et de la notoriété de la société NordNet.

Pour ces différentes raisons, le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.

Défendeurs

Les Défendeurs n’ont pas adressé de réponse ni dans le délai imparti ni ultérieurement.

Discussion

L’Expert rappelle que, en application de l’article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L’Expert souligne que, en application de l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande “lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine

Le Requérant prouve être titulaire de marques qui protègent le terme “nordnet” afin de désigner notamment des services de télécommunications.

Il est évident que l’expression “nordnet” n’est pas identique au nom de domaine litigieux « sudnet.fr ».

En revanche, il importe de rechercher si le nom de domaine litigieux est susceptible d’être confondu avec l’expression “nordnet”.

Tout d’abord, il faut constater que les services visés par les marques du Requérant sont identiques à ceux qui sont proposés sur le site internet des Défendeurs, accessible par le nom de domaine litigieux « sudnet.fr ». Or, il est constant qu’une forte similarité entre les produits et services et, a fortiori, une identité entre ces derniers accentue le risque de confusion.

Ensuite, il convient de souligner que les expressions “nordnet” et “sudnet” comportent des similitudes visuelles et phonétiques du fait d’une construction identique et de la présence du mot “net” qui a un rôle dominant au sein des signes. Il existe également une similitude intellectuelle par contraste puisque le terme “nord” s’oppose au terme “sud” qui constituent, tous deux, des points cardinaux opposés, ce qui entraîne un effet miroir. Il en résulte que l’internaute d’attention moyenne peut être fondé à croire qu’il existe une affiliation entre ces signes qui évoquent tous deux la direction d’un point cardinal dans le domaine identique des télécommunications. Dès lors, la fonction essentielle de la marque, qui consiste à garantir l’identité d’origine des produits et des services, se trouve affectée si des internautes risquent de confondre le nom de domaine litigieux « sudnet.fr » avec les marques du Requérant qui protègent l’expression “nordnet” pour désigner des services de télécommunications, notamment en leur attribuant faussement une origine commune.

Il résulte de ce qui précède que le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément “nordnet”, objet de l’atteinte. Et l’atteinte est constituée parce que le nom de domaine « sudnet.fr » est susceptible d’être confondu avec le nom “nordnet” sur lequel est conféré un droit de marque au profit du Requérant.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

L’enregistrement du nom de domaine a été réalisé en violation des règles de concurrence et du comportement loyal en matière commerciale. En effet, le nom de domaine litigieux « sudnet.fr » a été enregistré sciemment par le directeur général de la société Alcom solutions trois semaines après avoir conclu un contrat de partenariat avec le Requérant. Aux termes de l’article 7 de ce contrat, la société Alcom solutions s’engageait à ne pas modifier ou dénaturer les signes distinctifs du Requérant.

L’utilisation du nom de domaine litigieux engendre un risque de confusion avec les marques du Requérant, ce qui constitue une violation de ses droits de propriété intellectuelle. En outre, cette utilisation du nom de domaine « sudnet.fr » par la société Alcom solutions, qui imite les signes distinctifs de son partenaire contractuel, vise à provoquer un risque de confusion en captant, sans bourse délier, la notoriété attachée à l’expression “nordnet” dans le but de bénéficier d’un détournement de clientèle. De surcroît, les Défendeurs n’ont pas hésité à proposer la cession du nom de domaine litigieux en retenant une évaluation de 100 000 € qui est manifestement fortement surévaluée par rapport à la valeur réelle de ce nom de domaine récemment enregistré.

Il importe également de préciser qu’il n’est pas fait état d’un droit des Défendeurs, ni même d’un intérêt légitime, qui pourrait justifier l’enregistrement et l’utilisation de ce nom de domaine.

Il résulte de ce qui précède que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux constituent une violation du comportement loyal en matière commercial, tout en portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle du Requérant.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « sudnet.fr ».

Expert : Christophe Caron

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.