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Jurisprudence : Marques

vendredi 08 janvier 2010
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert Le 14 décembre 2009

Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français-MACSF / M. Harrold L.

marques

Les parties

Le Requérant est la Mutuelle d’Assurances du Corps de Santé Français-MACSF, Puteaux, France, représenté par Inlex IP Expertise, France.

Le Défendeur est Monsieur Harrold L., Paris, France.

Nom de domaine et prestataire internet

Le litige concerne le nom de domaine « mascf.fr » enregistré le 20 novembre 2007.

Le prestataire internet est la société EuroDNS S.A.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 30 octobre 2009 par courrier électronique et le 10 novembre 2009 par courrier postal.

Le 2 novembre 2009, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 3 novembre 2009, l’Afnic a confirmé l’identité du titulaire du nom de domaine et qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’était pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 12 novembre 2009. Conformément à l’article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 2 décembre 2009. Le Défendeur n’a pas fait parvenir sa réponse. Le Centre a notifié le défaut du Défendeur le 3 décembre 2009.

Le 10 décembre 2009, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Le Requérant, la Mutuelle d’Assurances du Corps de Santé Français-MACSF, justifie des titres de propriété industrielle suivants:

– Marque française verbale et figurative MACSF n° N1383391 déposée le 8 décembre 1986 dans la classe 36 (assurances et services financiers) renouvelée en dernier lieu le 30 novembre 2001.

– Marque française verbale et figurative MACSF n° N1383392 déposée le 8 décembre 1986 dans la classe 36, renouvelée en dernier lieu le 10 août 2007.

– Marque française verbale et figurative MACSF n° 967870 déposée le 22 novembre 1988 dans la classe 36 renouvelée en dernier lieu le 3 octobre 2008.

– Marque française verbale MACSF n° 99 825388 déposée le 25 novembre 1999 dans la classe 36. Il n’est pas justifié d’un renouvellement avant le 24 novembre 2009.

– Marque française verbale et figurative MACSF n° 01 3099058 déposée le 7 mai 2001 dans les classes 36, 38 et 42.

– Marque communautaire verbale et figurative MACSF n° 002361657 déposée le 3 septembre 2001 dans les classes 36, 38 et 42 publiée le 24 novembre 2003.

Le Requérant justifie également d’un nom de domaine « macsf.fr » enregistré le 4 novembre 1999, ainsi que de l’incorporation du terme “macsf ” dans sa dénomination sociale.

Argumentation des parties

Requérant

Le Requérant rappelle qu’il détient des droits de propriété intellectuelle sur l’expression ou sigle “macsf” droits qui résultent notamment des marques visées ci-dessus.

La société MACSF créée en 1935 à l’initiative de médecins affiliés à la CSMF, avait à l’origine pour but de participer à la protection liée à l’usage de l’automobile et aux risques inhérents à la responsabilité médicale. Au fil des temps son activité s’est étendue à l’ensemble des assurances des biens et des responsabilités, puis aux assurances des personnes, et enfin aux besoins de financement privés ou professionnels des sociétaires.

Le Requérant expose ensuite que l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur porte atteinte aux droits des tiers ou aux règles de concurrence.

Selon le Requérant le nom de domaine litigieux est susceptible d’être confondu avec ses droits antérieurs. En effet ce nom de domaine litigieux imite quasiment à l’identique le sigle de la MACSF puisque le Défendeur s’est borné à intervertir les lettres “c” et “s”. Cet enregistrement résulte à l’évidence de la volonté du Défendeur de copier le sigle du Requérant et de provoquer la confusion pour les internautes, même s’ils sont attentifs.

Cette démarche a pour but, selon le Requérant, de profiter de la notoriété de la MACSF premier assureur des professionnels de la santé.

De plus, le Requérant expose que le Défendeur agit de manière déloyale en proposant sur son site des services d’assurance variés avec des liens sponsorisés actifs comprenant les mots “mutuelle”, “complémentaire santé” ou “assurance”. Ces liens renvoient sur des concurrents du Requérant. Des constats d’huissier en date des 19 décembre 2008 et 9 janvier 2009 attestent des faits précités.

Le Requérant verse au débat une lettre datée du 8 janvier 2008 (mais l’accusé réception du fax est du 9 janvier 2009) mettant en garde le Défendeur, lui intimant de cesser immédiatement d’utiliser le nom de domaine litigieux et de rétrocéder celui-ci à titre gratuit. Cette lettre et ce fax sont restés sans réponse.

Enfin le Requérant estime que l’enregistrement du nom de domaine litigieux fait par le Défendeur de manière anonyme ainsi qu’une certaine similitude dans le logo du site (couleurs rouge et bleu) sont aussi des faits révélateurs de mauvaise foi.

En conclusion, le Requérant demande que le nom de domaine « mascf.fr » soit supprimé.

Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

Discussion

L’Expert rappelle que, en application de l’article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L’Expert souligne que, en application de l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande “lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine

Le Requérant invoque à l’appui de ses droits cinq marques françaises et une marque communautaire qui ont toutes en commun l’élément verbal “macsf”. Ces marques sont toutes antérieures à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. A ces marques s’ajoute l’enregistrement par le Requérant du nom de domaine « macsf.fr » en novembre 1999 et l’usage du sigle “macsf” comme élément de sa raison sociale.

Le Défendeur a enregistré un nom de domaine qui est l’anagramme du sigle “macsf” en inversant seulement les lettres “c” et “s”.

Indépendamment de l’élément de mauvaise foi, il nous parait évident que les sigles “macsf” et “macsf” sont quasi identiques (en particulier visuellement) et peuvent prêter à confusion notamment pour un internaute. Nous considérons donc que le Requérant est parfaitement fondé à faire valoir des droits sur le nom de domaine litigieux.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

L’enregistrement du nom de domaine « mascf.fr » par le Défendeur ne peut raisonnablement pas relever du simple hasard. L’Expert, au regard des circonstances particulières du présent litige, a la conviction que le Défendeur a volontairement recherché la confusion en choisissant un sigle qui est l’anagramme de MACSF et qui est quasi identique au sigle utilisé par le Requérant.

La conviction de l’Expert est renforcée par l’utilisation du site « mascf.fr » qui est faite par le Défendeur, site qui contient des liens qui aiguillent l’internaute sur des produits ou services concurrents de ceux qui sont offerts par le Requérant. Cette pratique est contraire aux règles loyales de concurrence.

A titre complémentaire le fait que le Défendeur n’ait pas cru répondre à la lettre que lui a adressé le conseil du Requérant ainsi qu’à la notification de la demande dans la présente procédure administrative nous parait révélateur.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la radiation du nom de domaine « mascf.fr ».

Expert : Jean-Claude Combaldieu

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.