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Jurisprudence : Marques

jeudi 02 avril 2009
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert Le 18 mars 2009

Le Républicain Lorrain SAS / Daniel F.

marques - nom de domaine

Les parties

Le Requérant est Le Républicain Lorrain SAS de Woippy, France, représenté par le cabinet Meyer & Partenaires, France.

Le Défendeur est Daniel F. de Strasbourg, France.

Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine « republicainlorrain.fr » enregistré le 5 février 2008.

Le prestataire Internet est la société Ediciel.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 29 janvier 2009, par courrier électronique et le 3 février 2009, par courrier postal.

Le 30 janvier 2009, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 30 janvier 2009, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, ainsi qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’est pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 11 février 2009. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 3 mars 2009. Le Défendeur n’a pas fait parvenir de réponse. Le Centre a donc transmis au Défendeur une Notification d’un défaut du défendeur le 4 mars 2009.

Le 10 mars 2009, le Centre nommait Christian Le Stanc comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Le Requérant est la société Le Républicain Lorrain SAS, dont le siège social est à Woippy, France. Il édite un quotidien régional connu, diffusé à 150 000 exemplaires en Lorraine et dans l’est de la France : le Républicain Lorrain, fondé en 1919. Depuis 1997, il dispose d’un portail internet sous le nom « republicain-lorrain.fr » qui permet notamment d’avoir accès au journal le Républicain Lorrain sous format PDF.

Le Requérant est titulaire de droits de marque. Marque semi-figurative Anim’2000 Le Républicain Lorrain France Journal, déposée le 13 avril 2000 pour des produits ou services de la classe 41 (003022586) ; marque nominale Le Républicain Lorrain, déposée le 27 avril 2005 pour des produits ou services des classes 9, 16, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 42, désignant notamment des journaux, et des activités en matière de télécommunications.

Le Requérant dispose de la dénomination sociale “Le Républicain Lorrain” en raison d’une immatriculation au Registre des sociétés de Metz de 1979.

Le Requérant a enregistré diverses déclinaisons des termes “Republicain Lorrain” à titre de noms de domaines en “.fr”, “.com”, “.net”, etc. entre 1996 et 2007, donnant accès depuis les années 2000 au portail internet du Républicain Lorrain.

Les termes “Le Républicain Lorrain” constituent le titre du quotidien Le Républicain Lorrain et bénéficient de la protection de l’article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Le Défendeur a enregistré le 5 février 2008 via le bureau d’enregistrement Ediciel, auprès de l’Afnic, le nom de domaine « republicainlorrain.fr », sur la qualification d’une marque communautaire 3340767 du 11 octobre 2003, protégeant, sans grand rapport avec le présent débat, le signe nominal “seX”.

Le nom de domaine « republicainlorrain.fr », sur une requête Google du 28 janvier 2009, renvoie aux activités du Requérant et sur requête spécifique désignait une page de “parking” gérée par un courtier Sedo.

Le Requérant demande le transfert à son profit du nom « republicainlorrain.fr »

Argumentation des parties

Requérant

Le Requérant motive sa demande en alléguant que le nom de domaine litigieux porte atteinte à ses droits antérieurs de marque ; que le signe “republicainlorrain” en constitue l’imitation et qu’un risque de confusion s’en évince, peu important l’omission de l’article “le”, l’absence d’espace entre les mots “republicain” et lorrain” et le domaine de premier niveau national “. fr”.

Il ajoute que le nom de domaine litigieux porte atteinte à sa dénomination sociale “Le Républicain Lorrain” ainsi qu’aux divers noms de domaine antérieurs dont il dispose, dont le portail « republicain-lorrain.fr ».

Il soutient encore que le nom litigieux porte atteinte par imitation aux droits d’auteur qu’il détient sur le titre du journal “Le Républicain Lorrain”.

Par ailleurs, il estime que l’enregistrement du nom de domaine « republicainlorrain.fr » constitue un manquement aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale en ce que le Défendeur, disposant d’un bureau à Strasbourg, ne pouvait légitimement ignorer au moment de l’enregistrement l’existence du Requérant et du portail « republicain-lorrain.fr ». Le Requérant, dans ce contexte, fait état de diverses décisions déjà rendues, ayant impliqué le Défendeur et ayant ordonné le transfert de noms indûment enregistrés par ce dernier (ABC Games International SA contre Daniel F., Litige Ompi No. DFR2007-0041 et Société Alsacienne de Publications contre Daniel F., Litige Ompi No. DFR2008-0007, celle-ci à propos du nom « alsapresse.fr »).

Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

Discussion

Il revient à l’expert de décider conformément à l’article 20(c) du Règlement qui prévoit : “Il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits de tiers telle que définie à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de l’atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.

L’article 1 du Règlement contient la définition suivante: “Atteinte aux droits de tiers, au titre de la Charte : une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et /ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et au droit au nom, au prénom ou au pseudonyme d’une personne”.

Il s’agit donc de vérifier et de décider si, au vu des éléments du dossier, le Défendeur a effectué l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine « republicainlorrain.fr » de manière à constituer une atteinte aux droits du Requérant et si ledit Requérant justifie des droits sur le nom objet de l’atteinte.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine

Antérieurement à l’enregistrement du nom de domaine « republicainlorrain.fr », le Requérant établit, au vu des pièces versées au débat, qu’il disposait, notamment, du droit sur la marque précitée Le Républicain Lorrain. Il établit, pareillement, disposer des droits sur sa dénomination sociale “Le Républicain Lorrain” depuis 1979. Il justifie d’être titulaire de divers noms de domaines antérieurs, par exemple : « republicain-lorrain.fr » donnant accès au portail où il promeut et prolonge ses activités d’organe de presse. Il n’est guère contestable, également, que le Requérant puisse se prévaloir sur le titre du journal – œuvre collective – “Le Républicain Lorrain” de droits en application de l’article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle français.

Le Requérant a donc des droits sur la séquence comportant les mots “républicain” et “lorrain”. Le Défendeur, défaillant, n’établit rien pour sa part.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

L’enregistrement par le Défendeur du nom de domaine litigieux a été effectué, aux yeux de l’Expert, en violation des droits des tiers et des règles de la concurrence.

Le Requérant a démontré qu’il était titulaire de marques incluant les termes “le républicain lorrain”. Ces signes ont en France une certaine notoriété et peuvent être protégés au-delà du principe de spécialité, par application de l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle. Le Requérant a également établi que sur ces mêmes termes, il possédait des droits dérivant de sa dénomination sociale antérieure, de ses noms de domaines actifs et du titre du quotidien qu’il exploite.

Le Défendeur a enregistré un nom de domaine reprenant de manière quasi identique les signes, propriété du Requérant, sur lesquels ce dernier dispose de droits de propriété intellectuelle et il en résulte un risque de confusion pour l’internaute d’attention moyenne.

Conformément à l’article 12 de la Charte, il appartenait en outre au Défendeur, avant l’enregistrement du nom litigieux, de s’assurer qu’il ne portait pas atteinte à des droits de tiers. Eu égard notamment au fait que le Défendeur, bien qu’apparemment établi en Allemagne, a pris des bureaux en France, à Strasbourg et s’était déjà intéressé aux quotidiens régionaux de l’est de la France (le journal l’Alsace, Société Alsacienne de Publications contre Daniel F., supra), l’Expert a la conviction, corroborée par l’absence de réponse du Défendeur à la Demande, que ledit Défendeur a volontairement ignoré la prudence minimale qui s’impose à toute personne souhaitant enregistrer un nom de domaine sans porter atteinte à des droits de tiers et que l’enregistrement en cause porte précisément atteinte aux droits du Requérant (ABC Games International SA contre Daniel F., supra). En toutes hypothèses, pareil comportement de “typosquatting” du Défendeur enregistrant « republicainlorrain.fr », en l’état des noms de domaines antérieurs du Requérant (spécialement « republicain-lorrain.fr ») donnant accès au portail connu du journal Le Républicain Lorrain, que le Défendeur ne pouvait ignorer, ne paraît pas à l’Expert un comportement loyal en matière commerciale.

Surabondamment, le fait que le Défendeur ait déjà fait l’objet de procédures attestant qu’il se livrait à une activité spéculative sur des noms qu’il avait indûment enregistrés et le fait, lui aussi établi, que le nom litigieux « republicainlorrain.fr » conduisait à un site parking permettant au Défendeur de se procurer potentiellement des revenus injustifiés, conduisent l’Expert à décider que l’utilisation du nom litigieux, comme son enregistrement, portent également atteinte aux droits de propriété intellectuelle du Requérant et aux règles de comportement loyal en matière commerciale.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « republicainlorrain.fr ».

Expert : Christian Le Stanc

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.