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Jurisprudence : Marques

jeudi 10 septembre 2009
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Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi Décision de l’expert Le 24 juillet 2009

Crédit Industriel et Commercial / Arsene M.

marques - nom de domaine

Les parties

Le Requérant est la société Crédit Industriel et Commercial, de Paris, France, représenté par le Cabinet Meyer & Partenaires, France.

Le Défendeur est Arsene M., de Strasbourg, France.

Nom de domaine et prestataire internet

Le litige concerne le nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » enregistré le 8 septembre 2008.

Le prestataire internet est la société 1 & 1 Internet AG.

Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 5 juin 2009 par courrier électronique et le 9 juin 2009 par courrier postal.

Le 5 juin 2009, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 5 juin 2009, l’Afnic a confirmé l’identité du titulaire du nom de domaine et qu’aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n’était pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 10 juin 2009. Conformément à l’article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 30 juin 2009. Le Défendeur n’a pas fait parvenir sa réponse. Le Centre a notifié le défaut du Défendeur le 1er juillet 2009.

Le 10 juillet 2009, le Centre nommait Marie-Emmanuelle Haas comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Les faits

Le Requérant s’est adressé au Centre afin d’obtenir la transmission du nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » à son profit.

Le Requérant revendique sur la dénomination une protection à titre de marque en France depuis plus de trente ans, soit notamment au titre des marques suivantes :

– Marque française nominale C.I.C. n° 1 358 524 du 10 juin 1986 qui constitue le renouvellement d’un dépôt effectué le 25 juin 1976, enregistré sous le n° 959 999 et qui a été renouvelée pour la dernière fois le 21 février 2006;

– Marque communautaire CIC n° 5891411 du 10 mai 2000.

Il soutient que la marque CIC fait l’objet d’une exploitation intensive et jouit en France d’une renommée incontestable.

Le Requérant revendique également la protection de la dénomination CIC à titre de nom commercial et de nom domaine et fait valoir l’usage de ces noms de domaine :

– « cic.fr » enregistré le 28 mai 1999, utilisé depuis 2000 pour donner accès au site portail du groupe CIC ;

– « cic.eu » enregistré le 6 mars 2006.

Le nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » a été enregistré le 8 septembre 2008 et n’est pas exploité.

Argumentation des parties

Requérant

(i) Signes en conflit et risque de confusion

Le nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » constitue l’imitation frauduleuse de la dénomination CIC appartenant au Crédit Industriel et Commercial.

Le fait d’adjoindre à la dénomination CIC les termes “Alsacemoselle” atteste de la connaissance par le Défendeur du Requérant et particulièrement du CIC Est, banque régionale du CIC, dédiée à l’Alsace Moselle, basée à Strasbourg.

Pour illustrer la renommée de cette marque sur internet, le Requérant fait état du résultat d’une recherche sur Google, à partir d’une requête sur la dénomination CIC sur le web mondial (non limitée aux pages francophones ou de sites exclusivement français). La réponse porte sur plus de 11 millions de résultats et les principaux résultats des deux premières pages font référence à l’offre de produits et de services bancaires et financiers du CIC.

Il ajoute que la notoriété et la réputation du CIC ont été notamment reconnues à plusieurs reprises par des experts désignés dans le cadre de procédures PARL et/ou UDRP. Ainsi, notamment :

– Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud, Litige Ompi No. DFR2004-0005 « cic-banque.fr » (transfert) : “Par ailleurs, eu égard à la notoriété dont bénéficie le requérant sur le territoire français, le défendeur ne pouvait sérieusement en ignorer l’existence” ;

– Crédit Industriel et Commercial S.A, Banque Federative du Credit Mutuel v. Headwaters MB, Litige Ompi No. D2008-1892 « ciccms.com » (transfert) : “Given the evidence of Complainant’s marks are well known, the Panel finds that it is likely that Respondent was aware of Complainant’s trademark rights when it registered the Disputed Domain Name”.

(ii) Enregistrement du nom de domaine

Le Défendeur ne pouvait raisonnablement ignorer le Crédit Industriel et Commercial (CIC) au moment où il a procédé à l’enregistrement du nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr », eu égard notamment à son pays et à sa ville de résidence, Strasbourg, où le CIC Est est établi.

Le Requérant cite une décision antérieure dans laquelle le transfert du nom de domaine « cic-banque.fr » a été ordonné à son profit (Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud, Litige Ompi No. DFR2004-0005).

Le Requérant invoque la violation des dispositions de l’article 12 Paragraphe 3 de la Charte.

Le Requérant estime enfin que le Défendeur a enregistré le nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » dans le but exclusif de détourner le trafic des internautes qui pourraient légitimement penser accéder à un site dédié à la banque CIC Est, en charge de l’Alsace Moselle et que le fait d’accéder à une page inactive porte atteinte à son image.

(iii) Utilisation du nom de domaine

Sur l’utilisation de mauvaise foi, le Requérant précise que, si le nom de domaine n’est pas utilisé, selon une jurisprudence bien établie, cela caractérise une rétention qui est un élément constitutif de l’utilisation de mauvaise foi.

Il ajoute que le Défendeur, pouvait difficilement ignorer le Requérant, et ses droits sur la dénomination CIC, qu’il ne fait aucun usage de bonne foi du nom de domaine, qu’il n’a soumis aucune preuve attestant d’un usage légitime du nom de domaine et qu’il n’a pas répondu à la mise en demeure en date du 27 janvier 2009.

Cette situation, qualifiée d’utilisation frauduleuse, risque d’induire les internautes en erreur et d’entraîner une atteinte à l’image et à la réputation de la marque CIC et une déperdition de clientèle.

Comportement déloyal et fautif

En outre, le Requérant estime que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » caractérisent un comportement déloyal et fautif de la part du titulaire, contraire aux bonnes pratiques commerciales.

Demande de transfert et de publication

Le Requérant demande le transfert du nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » à son profit, ainsi que la publication des coordonnées du titulaire du nom de domaine dans la décision à intervenir.

Défendeur

Le Défendeur n’a fourni aucune réponse à la demande déposée à son encontre.

Discussion

L’Expert rappelle que, en application de l’article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d’une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L’Expert souligne que, en application de l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande “lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l’article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine

Les droits du Requérant sur la marque CIC, sur les noms de domaine « cic.fr » et « cic.eu » et sur le nom commercial CIC sont incontestablement établis.

L’adjonction des termes géographiques “alsacemoselle” qui sont le nom d’une région n’est pas de nature à éviter tout risque de confusion.

Le CIC est constitué de six banques régionales. Pour la région Est, il s’agit du CIC Est.

Le sigle CIC est séparé du nom de la région “Alsacemoselle” par un tiret.

Le choix de ces termes et la construction de cet ensemble visent à créer un lien entre le sigle CIC et cette région.

Le sigle CIC est reproduit à l’identique et l’adjonction au sigle CIC de termes désignant une origine géographique n’est pas de nature à écarter tout risque de confusion entre les signes en conflit.

Bien au contraire, cette association de termes fait référence au CIC et à la banque régionale dénommée CIC Est. Il en résulte que le nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » est susceptible d’être confondu avec le sigle CIC sur lequel le Requérant a des droits de propriété intellectuelle français et communautaire.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

Le titulaire mis en cause est domicilié à Strasbourg et ne pouvait manifestement pas ignorer les droits du Requérant sur son sigle et son organisation régionale.

Eu égard à la renommée du Requérant en France, c’est donc en parfaite connaissance de cause qu’il a choisi d’enregistrer le nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr ».

En l’absence de réponse à la demande, l’Expert ne peut pas prendre en compte un quelconque élément de nature à justifier d’un droit ou intérêt légitime du Défendeur sur le nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr », ou encore de sa bonne foi.

Le Règlement prévoit que “l’Expert fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers”.

L’Expert estime que l’enregistrement du nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr » a été effectué en violation des droits du Requérant.

L’absence d’utilisation du nom de domaine pour donner accès à un site, ou encore comme adresse électronique, caractérise sa rétention qui est également préjudiciable au Requérant.

L’enregistrement en violation des droits du Requérant et la rétention du nom de domaine caractérisent également un comportement déloyal contraire aux bonnes pratiques commerciales.

Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine « cic-alsacemoselle.fr ».

Expert : Marie-Emmanuelle Haas

 
 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.