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Jurisprudence : Droit d'auteur

vendredi 24 janvier 2014
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Conseil d’État 10ème sous-section Décision du 26 décembre 2014

French Data Network / Conseil d'Etat

annulation - décret - fichier - Hadopi - oeuvre de l'esprit - p2p - telechargement - traitement automatisé de données à caractère personnel

PROCÉDURE

Vu le pourvoi, enregistré le 10 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour l’association French Data Network ; l’association French Data Network demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2011-264 du 11 mars 2011 modifiant le décret n° 2010-236 du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel autorisé par l’article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle dénommé “ Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur internet “ ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment son article L. 36-5 ;

Vu la loi n° 2009-1311 du 28 octobre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

DISCUSSION

1. Considérant que l’association French Data Network demande au Conseil d’Etat l’annulation du décret du 11 mars 2011 modifiant et complétant certaines dispositions du décret du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé “ Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur internet “ dont la création est autorisée par l’article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’article 5 de la loi du 28 octobre 2009 ;

Sur l’exception tirée de l’illégalité du décret du 5 mars 2010

2. Considérant que l’association French Data Network soutient que le décret du 11 mars 2011 est illégal par voie de conséquence de l’annulation du décret du 5 mars 2010 à l’encontre duquel elle a introduit un recours fondé sur le moyen tiré du défaut de consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ; que ce recours ayant été rejeté par une décision n° 339279 du 19 octobre 2011 du Conseil d’Etat, le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le défaut de consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

3. Considérant qu’eu égard à son objet relatif à un traitement de données à caractère personnel, le décret attaqué ne concerne pas les communications électroniques au sens des dispositions de l’article L. 36-5 au code des postes et des télécommunications électroniques ; que ses dispositions pouvaient, en conséquence, être adoptées sans avis préalable de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;

Sur la légalité de l’article 2 du décret au regard de l’étendue de l’habilitation législative

4. Considérant que l’association requérante soutient que le pouvoir réglementaire ne pouvait sans excéder l’habilitation qu’il tenait du législateur pour autoriser la création du traitement automatisé, étendre celui-ci notamment aux mesures prévues par les articles R. 331-35 à R. 331-46 du code de la propriété intellectuelle ;

5. Considérant que l’article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle a autorisé la création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel portant sur les personnes et mesures régissant la protection des droits sur internet ; que, contrairement à ce que soutient l’association requérante, les dispositions de l’article L. 331-29 ne sauraient être interprétées comme limitant l’habilitation qu’elles consentent à la mise en œuvre des seules missions définies par les dispositions législatives de l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle ;

Sur la légalité de l’article 3 du décret relatif à l’effacement des données

6. Considérant que l’article 3 du décret attaqué, modifiant l’article 3 du décret du 5 mars 2010, dispose que les données à caractère personnel et informations enregistrées dans le traitement sont effacées un an après la date de la transmission de la délibération constatant l’infraction au procureur de la République si celui-ci n’a pas fait connaître les suites données à la procédure, mais dès que le procureur de la République fait connaître à la commission que la juridiction n’a pas prononcé de peine à l’issue d’une procédure ; que, par elle même, la conservation de ces données, visant à rendre possible l’atteinte des objectifs visés par la loi, et pour une durée limitée, ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence ; que s’il résulte de ces dispositions que la durée de conservation des données peut atteindre un an dans le cadre défini par les dispositions du 4° de l’article 3 du décret du 5 mars 2010 tel que modifié par l’article 3 du décret attaqué, cette différence n’a pas pour effet de rendre impossible les poursuites tant que la prescription, de trois années révolues en matière de délit en vertu de l’article 8 du code de procédure pénale, et d’une année révolue pour les contraventions en application de l’article 9 du même code, n’est pas éteinte ; que cette différence n’a aucune incidence sur la culpabilité éventuelle des personnes concernées ; qu’elle n’emporte aucune automaticité entre la durée de conservation des données et le prononcé, le cas échéant, d’une sanction pénale par l’autorité judiciaire ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de la présomption d’innocence garanti par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne peut qu’être écarté ;

Sur la légalité de l’article 4 du décret et la transmission d’une information aux organismes de défense professionnelle et aux sociétés de perception et de répartition des droits

7. Considérant que le III de l’article 4 du décret du 5 mars 2010 créé par le décret attaqué prévoit que les organismes de défense professionnelle et les sociétés de perception et de répartition des droits sont destinataires d’une information relative à la saisine du procureur de la République ; que la transmission de ces informations a été expressément autorisée par l’article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les auteurs du décret ont excédé la compétence qu’ils tenaient de la loi ne peut qu’être écarté ;

Sur la légalité de l’article 5 du décret modifiant l’annexe du décret du 5 mars 2010

8. Considérant que la circonstance que le décret autorise à collecter les informations relatives aux sanctions dont se rendent passibles les fournisseurs d’accès à internet est prévue par la loi est sans incidence sur les règles régissant les peines auxquelles s’exposent les utilisateurs méconnaissant les droits visés ; que, contrairement à ce que soutient l’association requérante, la collecte de ces informations n’a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet d’établir l’existence d’une infraction à laquelle les abonnés à un service de communication en ligne sont susceptibles de s’exposer ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’article 5 du décret ferait porter sur les abonnés les conséquences des comportements de leur fournisseurs d’accès à un service de communication en ligne et instituerait de façon illégale une responsabilité du fait d’autrui ne peut qu’être écarté ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’association French Data Network n’est pas fondée à demander l’annulation du décret attaqué ;

DÉCISION

Article 1er : La requête de l’association French Data Network est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association French Data Network, au Premier ministre et à la ministre de la culture et de la communication.

Le conseil : M. Thierry Carriol (rapporteur), Mme Delphine Hedary (rapporteur public)

 
 

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