Jurisprudence : Jurisprudences
Conseil d’État, décision du 20 février 2018
Solidaires étudiant-e-s, et autres / l'Etat
demande de suspension du traitement - données personnelles - finalité - légalité du traitement - portail - rejet
Par une requête, enregistrée le 11 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Solidaires étudiant-e-s, syndicats de luttes (SESL) et l’Union nationale lycéenne – syndicale et démocratique (UNL-SD) demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l’exécution de la décision de la directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle constituée de la partie publique du site internet » parcoursup.fr « , ensemble la charte du 6 décembre 2017 pour une mise en oeuvre partagée des attendus des formations et les éléments de cadrage national des attendus pour les mentions de licence y associés ;
2°) de suspendre l’exécution de la décision non publiée par laquelle la directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle a instauré un portail destiné à recueillir les choix des candidats, afin de les sélectionner, sur la partie privée du site » parcoursup.fr » ;
3°) de suspendre l’exécution de l’arrêté du 19 janvier 2018 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation autorisant la mise en oeuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé » Parcoursup » ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros à verser à chacune des associations requérantes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
– elles ont intérêt à agir ;
– la condition d’urgence est remplie ;
– il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées dès lors qu’elles ont été prises en méconnaissance de l’article L. 612-3 du code de l’éducation et de l’article 6 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’éducation ;
– la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
– le code de justice administrative ;
1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : » Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; qu’en vertu de l’article L. 522-3 de ce code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée ;
2. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 612-3 du code de l’éducation, tout candidat, titulaire d’un baccalauréat ou équivalent » est libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix, sous réserve d’avoir, au préalable, sollicité une préinscription (…). Il doit pouvoir, s’il le désire, être inscrit en fonction des formations existantes lors de cette inscription dans un établissement ayant son siège dans le ressort de l’académie où il a obtenu le baccalauréat ou son équivalent ou dans l’académie où est située sa résidence. Lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, constatées par l’autorité administrative, les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier, selon la réglementation établie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci » ; que selon le troisième alinéa du même article » les dispositions relatives à la répartition entre les établissements et les formations excluent toute sélection « , sauf dans quelques cas qu’il énumère limitativement ;
3. Considérant que Solidaires étudiant-e-s, syndicats de luttes (SESL) et l’Union nationale lycéenne – syndicale et démocratique (UNL-SD) ont saisi le juge des référés du Conseil d’Etat d’une demande, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, tendant à la suspension de l’exécution, d’une part, de la décision de la directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle constituée de la partie publique du site internet » parcoursup.fr « , ensemble la charte du 6 décembre 2017 pour une mise en oeuvre partagée des attendus des formations et les éléments de cadrage national des attendus pour les mentions de licence y associés, d’autre part, de la décision non publiée par laquelle la directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle a instauré un portail destiné à recueillir les choix des candidats, afin de les sélectionner, sur la partie privée du site » parcoursup.fr » et, enfin, de l’arrêté du 19 janvier 2018 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation autorisant la mise en oeuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé » Parcoursup » ;
4. Considérant que pour soutenir qu’il y a urgence à suspendre les décisions litigieuses, les syndicats requérants font valoir que le dispositif » Parcoursup » instaure sans base légale une sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur ; que sa complexité, qui rend nécessaire le recours aux services de conseillers privés, risque d’imposer aux futurs étudiants d’exposer en pure perte des dépenses importantes ; qu’il occasionne la collecte de données dangereuses et, enfin, qu’en mettant les futurs étudiants devant le fait accompli, il porte atteinte à la raison d’être du syndicat Solidaires étudiant-e-s, syndicat de luttes (SESL) ;
5. Considérant toutefois qu’il ressort des termes mêmes de l’arrêté du 19 janvier 2018 que, d’une part, selon son article 1er, le traitement de données qu’il autorise a pour seule finalité le recueil des voeux des étudiants dans le cadre de la gestion de la procédure nationale de préinscription dans une formation du premier cycle de l’enseignement supérieur pour l’année universitaire 2018-2019 et que, d’autre part, selon son article 4, les informations et données à caractère personnel relatives aux étudiants ainsi que celles relatives à la traçabilité des accès ne seront conservées que jusqu’au 2 avril 2018 et seront supprimée après cette date à moins que leur utilisation dans le cadre de la procédure nationale de préinscription soit expressément autorisée par la réglementation en vigueur à cette date ; que, se conformant sur ces points aux exigences émises par la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans sa délibération n° 2018-011 du 18 janvier 2018, la ministre de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation a ainsi conféré à ce traitement un caractère temporaire et limité à la préinscription des futurs étudiants ;
6. Considérant que l’article L. 612-3 du code de l’éducation rappelé ci-dessus subordonne l’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur à la sollicitation d’une préinscription ; que la plateforme » Parcoursup » a été accessible aux futurs étudiants dès le 22 janvier, afin que ceux-ci procèdent à leur enregistrement et à la saisie de leurs voeux ; que la suspension de l’exécution de l’arrêté du 19 janvier 2018 et de l’accès au portail internet dénommé » Parcoursup » aurait pour effet d’interrompre cette procédure nationale de préinscription ce qui entraînerait de graves perturbations, tant pour les futurs étudiants que pour les autorités académiques et pourrait avoir pour effet, compte tenu du caractère extrêmement contraint du calendrier, de compromettre le bon déroulement du début de l’année universitaire 2018/2019 dans le premier cycle de l’enseignement supérieur ; que, par suite, il existe un intérêt public à ce que l’exécution des décisions litigieuses ne soit pas suspendue ;
7. Considérant que la suspension de l’exécution des décisions contestées porterait ainsi à l’intérêt général qui s’attache au bon déroulement de la procédure de préinscription une atteinte excédant les inconvénients qu’invoquent les syndicats requérants et dont, eu égard notamment au caractère limité du traitement autorisé par l’arrêté du 19 janvier 2018, la gravité n’est pas établie ; qu’il en résulte que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie ; que, par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité des décisions litigieuses, la présente requête doit être rejetée selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCISION
Article 1er : La requête de Solidaires étudiant-e-s, syndicats de luttes (SESL) et de l’Union nationale lycéenne – syndicale et démocratique (UNL-SD) est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Solidaires étudiant-e-s, syndicats de luttes (SESL) et à l’Union nationale lycéenne – syndicale et démocratique (UNL-SD).
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.