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Jurisprudence : Logiciel

jeudi 20 novembre 1997
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Cour d’appel de Douai, 2ème Chambre, Arrêt du 20 novembre 1997

SARL Paul Lefebvre et Fils / SA S.

contrat informatique - non conformité - résolution

Le 10 novembre 1995, la SARL Paul Lefebvre et Fils a relevé appel du jugement rendu le 9 octobre 1995 par le tribunal de commerce de Lille qui l’a déclarée irrecevable en sa demande en résolution du contrat de vente d’un matériel informatique, et l’a condamnée à payer à la SA S. la somme de 3 000 F en vertu de l’article 700 du Ncpc.

Par conclusions déposées le 30 mai 1996, elle demande à la cour, réformant cette décision, de prononcer la résolution de la vente de ce matériel tel que décrit dans le procès-verbal de réception du 30 septembre 1991 et de condamner la SA S. au remboursement de la somme de 120 424,36 F augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation, au paiement de 80 000 F à titre de dommages et intérêts et de 10 000 F en application de l’article 700 du Ncpc. A titre subsidiaire, pour le cas où la cour s’estimerait insuffisamment informée, elle demande de nommer un expert avec pour mission de dire si l’ensemble informatique livré par la SA S. est conforme à l’usage auquel il était destiné et donner un avis sur le préjudice allégué par la demanderesse.

Elle fait valoir que les dysfonctionnements du système informatique par elle allégués ne peuvent relever de la garantie des vices cachés comme en a jugé le tribunal mais relèvent du non-respect de l’obligation de délivrance prévue à l’article 1603 du code civil qui ouvre droit au profit de l’acheteur à l’action en résolution de la vente qui se prescrit dans le délai de droit commun.

Qu’elle soutient que son action n’est pas introduite hors période de garantie contractuelle, celle-ci n’ayant pu s’appliquer qu’à compter d’une livraison conforme et complète ; qu’elle a émis la réserve sur le procès-verbal de réception.

Par conclusions déposées les 28 décembre 1995 et 20 mars 1997, la SA S. conclut à la confirmation du jugement déféré et à l’allocation à titre de dommages-intérêts de 20 000 F pour appel abusif et vexatoire et 7 000 F en vertu de l’article 700 du Ncpc.

Elle allègue que, eu égard aux livraisons intervenues, et à la nature des prétendus mauvais fonctionnements, les griefs allégués par la SARL Paul Lefebvre ne peuvent relever que de la garantie des vices cachés ; que, dès lors, cette société apparaît irrecevable en son action.

Que les demandes de la SARL Paul Lefebvre étant formées alors que les périodes de garantie contractuelle, tant en ce qui concerne le matériel que les progiciels, étaient expirées, ne sauraient prospérer.

Qu’en tout état de cause, elle a parfaitement rempli ses obligations contractuelles.

Sur ce :

Attendu que la SARL Paul Lefebvre a passé commande à la SA S. d’un matériel informatique et d’un logiciel qui devaient lui permettre d’assurer sa gestion commerciale et de tenir sa comptabilité, ceci pour un prix facturé de 126 309 F TTC et à partir d’un cahier des charges bien précis ;

Attendu que, de la lecture des pièces du dossier, il apparaît que c’est à tort que le tribunal de commerce a analysé la demande en annulation de ce contrat de vente formée par la SARL Paul Lefebvre comme une action fondée sur la garantie des vices cachés alors qu’en réalité cette société reproche à la SA S. un non-respect de son obligation contractuelle de vendeur de lui délivrer un matériel conforme aux stipulations contractuelles prévues dans un cahier des charges bien précis ;

Qu’ainsi, l’action n’est pas prescrite ;

Attendu que, sur le fond, il convient de constater que seul le matériel livré a été réceptionné suivant procès-verbal du 30 septembre 1991 avec les réserves suivantes : « Accepte le démarrage de la garantie quand les logiciels de gestion commerciale et planning tels que décrits dans le descriptif seront installés et utilisables sur l’installation » ;

Qu’ainsi, la garantie contractuelle sur les logiciels n’a jamais débuté faute de procès-verbal de réception à cet égard ;

Qu’en réalité, il apparaît que cette installation livrée n’a jamais fonctionné correctement au visa des fonctionnalités qui étaient initialement conventionnellement prévues et promises ;

Qu’ainsi, alors que le matériel avait été livré le 30 septembre 1991, la SA S. a été contrainte de changer le 23 avril 1992 le disque dur de l’unité centrale qui n’était pas adapté ;

Qu’ensuite, de nombreuses interventions ont été nécessaires pour installer le logiciel et apporter la correction à de multiples problèmes rencontrés dans la gestion commerciale ;

Que l’unité magasin n’a été installée que le 14 janvier 1993 ; que ce n’est que le 19 avril 1993 que la SA S. devait parvenir à régler un certain nombre de dysfonctionnements constatés (clients douteux, tarifs fiches, articles arrondis, création articles en facturation, ajout de certaines pages) ;

que, ne parvenant pas à utiliser correctement son matériel, la SA S. faisait intervenir la Fédération du Bâtiment qui adressait en vain à la SA S. une mise en demeure par lettre recommandée du 2 mars 1992 qui ne donnait aucune suite à ce courrier ;

que, le 25 juin 1993, cette société reconnaissait que restait encore à livrer le journal de caisse et à modifier la mise à jour des prix d’achats ;

que, le 11 juin 1993, la SARL Paul Lefebvre faisait dresser un constat d’huissier relatant les nombreuses manipulations défectueuses ;

que, du 2 décembre 1993 au 1er juillet 1994 (l’assignation devant le tribunal de commerce de Lille datant du 30 janvier 1995), cette société a adressé pas moins de 12 relances à la SA S. pour différentes défaillances du matériel ; qu’ainsi, il est démontré, par les pièces du dossier, que ce matériel informatique n’a en réalité jamais fonctionné conformément aux performances contractuellement convenues (obligeant en définitive la société appelante à acquérir un nouveau matériel) ; que la SA S. a donc failli à son obligation de délivrance conforme de ce matériel justifiant la résolution du contrat souscrit, la restitution par la SA S. de la somme versée de 120 424,36 F et par la SARL Paul Lefebvre du matériel vendu ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée par la Sarl Paul Lefebvre qui n’est pas justifiée, mais qu’il convient de lui allouer la somme de 8 000 F sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Ncpc.

La décision

La cour, statuant contradictoirement, en audience publique :

. infirme le jugement déféré ;

. prononce la résolution de la vente de l’ensemble informatique, tel que décrit dans le procès-verbal de réception du 30 septembre 1991 ;

. condamne la SA S. à rembourser à la SARL Paul Lefebvre la somme de 120 424,36 F avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1995 et à lui verser la somme de 8 000 F sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Ncpc ;

. dit que la SARL Paul Lefebvre devra restituer à la SA S. le matériel vendu ;

. condamne la SA S. aux dépens.

Le tribunal : Mme Gosselin (président), Mmes Chaillet et Laplane (conseillers).

Avocats : Mes Verdet et Lebon.

 
 

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