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Jurisprudence : Vie privée

jeudi 25 avril 2002
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Cour d’appel d’Orléans Chambre sociale 25 avril 2002

SOA / François C.

licenciement - vie privée

FAITS ET PROCEDURE

François C. a saisi le conseil de prud’hommes de Tours des demandes suivantes à l’encontre de la société SOA :

– salaire du 18 août au 3 septembre : 9622,95 F (1467,01 €)
– indemnité compensatrice de congés payés : 962,29 F (146,70 €)
– indemnité de préavis : 38491,82 F (5868,04 €)
– indemnité de congés payés sur préavis : 3849,18 F (586,80 €)
– indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse 200 000 F (30489,80 €)
– indemnité de licenciement 7,5 X 1/5 X 19245,91 28868,86 F (4401,03 €)
– article 700 du ncpc 10 000 F (1524,49 €)

Il sollicitait en outre la remise de documents sous astreinte.

Un jugement du 11 janvier 2001, à la lecture duquel il est renvoyé pour l’exposé des faits et moyens initiaux des parties, a fait droit aux demandes, réduisant les dommages-intérêts à 115 500 F soit 17607,86 € et l’indemnité pour frais irrépétibles à 3000 F soit 457,35 €.
Il a ordonné la remise d’un certificat de travail du 1er avril 1992 au 3 novembre 1999, d’un bulletin de salaire et d’une attestation Assedic rectifiée, sous astreinte de 100 F soit 15,24 € par jour et par document faute d’exécution 15 jours après la notification, dans la limite de 60 jours, et le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de 10000 F soit 1524,49 €.

Cette décision a été notifiée à la société le 22 janvier 2001. Elle a interjeté appel le 26 janvier 2001.
Elle demande que François C. soit débouté et condamné :

– à rembourser les sommes payées en applications de l’exécution provisoire ;

– à payer 1067,14 € en application de l’article 700 du ncpc.

Elle expose que François C., agent de maîtrise, chargé des activités de collecte d’huiles et de déchets industriels spéciaux, a été licencié pour faute grave le 2 septembre 1999.
Si elle reconnaît que les neufs points évoqués liminairement dans la lettre de licenciement ne constituent pas les motifs du licenciement, s’agissant d’une simple constatation de quelques manquements professionnels, elle estime que les propos tenus les 16 et 18 août 1999 étaient inadmissibles et engendraient une perte de confiance, révélant que François C. se désintéressait totalement de ses fonctions et était en totale opposition avec son supérieur, propos d’autant plus graves qu’il occupait un poste à responsabilités.

Elle ajoute que François C. n’hésitait pas à utiliser son ordinateur professionnel pour jouer au jeu « Grand Prix » et organiser ses vacances en Espagne, comme elle l’établit par un audit, qu’il utilisait son véhicule professionnel pour des trajets autres que celui domicile-travail, et qu’il était en retard dans son travail.
François C. demande la confirmation du jugement, l’indemnité pour frais irrépétibles devant être portée à 1524,49 €.

Il expose qu’il a contesté tous les griefs et que ce n’est pas lui qui a installé le jeu « Grand Prix » sur son ordinateur, car il ne maîtrisait pas assez l’informatique, remarquant d’ailleurs qu’il a été installé après son départ. Il ajoute que l’utilisation du logiciel « Autoroute Express » ne constitue pas une faute et que la perte de confiance ne constitue plus une cause de licenciement. Il observe que la procédure a été engagée avant que la société soit en possession du constat et de l’audit informatique, ajoutant qu’il a eu de sérieuses difficultés pour retrouver un emploi, ce qui met d’ailleurs à néant le grief sur la perte de confiance.

LA DISCUSSION

Attendu que le jugement a été notifié à la société le 22 janvier 2001 ; que son appel, interjeté le 26 janvier 2001, est recevable ;

Qu’engagé le 1er avril 1992 comme chauffeur prospecteur par Mme B., François C. est passé au service de la société Seni (ultérieurement reprise par la société SOA) le 1er mars 1998 ; qu’il est devenu chef de dépôt, qualification agent de maîtrise, étant chargé de la collecte des huiles et déchets industriels spéciaux ;

Qu’il a été licencié pour faute grave par lettre du 2 septembre 1999, dont le jugement, auquel il est référé sur ce point, a reproduit intégralement la motivation ;
Que la société reconnaît que le premier paragraphe et les neufs points évoqués dans celui-ci ne constituent pas le motif du licenciement, se bornant à rappeler les problèmes abordés lors de la réunion du 23 juillet 1999, afin que François C. apporte les corrections nécessaires à la rentrée de septembre 1999 ;

Que le deuxième paragraphe relate les propos qui auraient été tenus le 16 août 1999 à M. C., et répétés le 18 août 1999 au PDG, traduisant un manque total de loyauté ;
Qu’aucun élément de preuve n’est fourni sur ce point, alors que François C. conteste les avoir tenus ; que si le PDG, auteur et signataire de la lettre de licenciement, ne pouvait témoigner, M. C. aurait pu établir une attestation ;
Que la lettre de François C. du 19 octobre 1999 ne peut être considérée comme une reconnaissance de l’exactitude de ces faits, car s’il apporte des précisions sur certains griefs, au nombre desquels ne figurent pas les propos ci-dessus, c’est après avoir indiqué en préambule « qu’il proteste vivement contre « toutes » les fautes qui me sont reprochées », ce qui ne permet pas de retenir un aveu sur ce point ;

Qu’il lui est encore reproché une utilisation des moyens informatiques mis à sa disposition pour ses besoins personnels, François C. utilisant des jeux ;

Qu’il résulte de l’audit de son poste informatique, fait le 19 août 1999 par un cabinet spécialisé, que, sur le poste de travail, se trouve un boîtier contenant le logiciel de jeu « Grand Prix », celui-ci ayant été installé sur l’ordinateur ; que le consultant conclut que l’installation du jeu « Grand Prix » semble avoir été laborieuse puisque ce logiciel a été installé à plusieurs reprises sur le disque dur », ce qui met à néant l’argument de l’intimé, lequel n’établit pas la mauvaise foi alléguée de l’employeur, selon lequel il a été installé pour la première fois le jour de sa mise à pied ;

Que, malgré ses dénégations, ce ne peut être que lui qui l’a installé sur son ordinateur afin d’y jouer pendant ses heures de travail, M. L. attestant que ce jeu n’avait pas été acheté avec l’appareil, et qu’il ne l’a ni donné, ni installé ;

Que ce fait constitue à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Qu’il convient donc d’infirmer partiellement le jugement et de rejeter la demande de dommages-intérêts, le remboursement des indemnités de chômage était de ce fait privé de fondement ;

Qu’il n’est pas inéquitable que les parties supportent leurs frais irrépétibles en cause d’appel ;

Qu’enfin les dépens seront partagés par moitié ;

LA DECISION

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

. Déclare l’appel recevable,

. Confirme le jugement, sauf sur les points suivants,

. Rejette la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. Dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner le remboursement des allocations de chômage,

. Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles devant la cour,

. Partage les dépens de première instance et d’appel par moitié.

La cour : Me Alain Chollet (président), MM. Lebrun et Desous (conseiller)

Avocats : Me Louis Palheta, Selarl Bellanger – Baron

 
 

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