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Jurisprudence : E-commerce

jeudi 02 septembre 2010
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Juridiction de proximité d’Epinal Jugement du 21 juin 2010

Mme L. / Sociétés T. et E.

e-commerce

FAITS ET PROCEDURE

La société T., société spécialisée dans la vente de forfait touristique sur internet, a vendu à Madame L. un séjour combiné île de la Réunion/île Maurice.

Ce séjour comprenait les vols aller et retour l’hébergement en chambre individuelle à l’hôtel Alamandra (classé 3 étoiles) à l’île de la Réunion et à l’hôtel Coin de Mire à l’île Maurice (classé 2 étoiles aux normes locales) outre la demi-pension les transferts et les excursions pour un montant total de 2559 €.

Ce voyage s’est déroulé du 15 au 29 juin 2008.

Par déclaration au greffe en date du 6 octobre 2008, Madame L. a fait attraire la société T. devant la juridiction de proximité de Mirecourt aux fins d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 600 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 17 mars 2009, la juridiction de proximité de Mirecourt s’est déclarée incompétente et a renvoyé le dossier devant le tribunal d’instance du Xème arrondissement de Paris.

Par déclaration du 14 avril 2009, Madame L. a formé un contredit à l’encontre de cette décision.

Par arrêt du 5 novembre 2009, la Cour d’appel de Nancy a infirmé le jugement du 17 mars 2009 et a renvoyé les parties devant la juridiction de proximité de Mirecourt.

Compte-tenu de la fermeture de cette juridiction, les parties ont été convoquées par lettre recommandée assortie d’un avis de réception devant la présente juridiction.

Par acte du 26 février 2010, la société T. a fait assigner en garantie la société E. devant la présente juridiction.

Les deux affaires ont été appelées à l’audience du 15 mars 2010. La présente juridiction a ordonné la jonction des deux instances et a renvoyé l’examen de l’affaire au 10 mai 2010 à la demande expresse des parties.

A cette audience, Madame L. précise solliciter 300 € de dommages et intérêts pour le déclassement de I’hôtel et 300 € pour l’excursion annulée outre 400 € au titre des frais de procédure.

Elle expose que l’hôtel Alamanda où elle a été hébergée à la Réunion était un hôtel deux étoiles alors qu’il apparaissait comme un hôtel trois étoiles sur le contrat. A ce titre, elle précise qu’elle n’a jamais eu connaissance de la brochure de la société E. puisqu’elle a réservé son voyage sur internet auprès de la société T.
Elle ajoute qu’on lui a également refusé une excursion faute de participant.

La société T., représentée par son conseil, conclut au rejet des prétentions de Madame L.

A titre subsidiaire, elle sollicite que la société E. soit condamnée à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
En tout état de cause, elle demande la condamnation de tout succombant à lui verser 600 € au titre de ses frais irrépétibles.

Elle fait valoir que la demanderesse ne justifie d’aucun préjudice du fait de la classification erronée de l’hôtel.
Elle ajoute que concernant l’excursion une prestation équivalente a été offerte à Madame L.

Subsidiairement, elle affirme que la société E. a commis une faute en classant les hôtels selon une évaluation propre et non selon les normes légales.
Elle considère que cette faute l’a induit en erreur et que par conséquent la société E. doit en assumer la responsabilité.

La société E. conclut au rejet des prétentions de la société T. et à la condamnation de tout succombant à lui payer 1500 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’elle ne saurait être tenue d’une erreur commise par la société T. dans l’élaboration de son document contractuel. Elle prétend, en outre, que Madame L. devait avoir connaissance du catalogue.
Elle soutient par ailleurs, que concernant l’excursion annulée, elle a proposé le remplacement de l‘excursion. Elle estime enfin que Madame L. a signé un bulletin d’intervention valant transaction et visant expressément l’article 2044 du Code civil.

L’affaire a été mise en délibéré au 21 juin 2010.

DISCUSSION

Sur les demandes de dommages et intérêts

Il résulte de l’article L 211-16 du Code du tourisme que “toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l’article L 211-1 est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales”.

Sur la classification de l’hôtel

En l’espèce, il apparaît sur le bulletin de réservation signé par Madame L. que son séjour de 5 nuits à la Réunion devait se dérouler à l’hôtel Alamanda classé 3 étoiles. A ce titre, il est indifférent que le catalogue de la société E. ne porte pas cette mention, celui-ci ne pouvant faire office d’engagement contractuel. En outre, il n’est absolument pas démontré que Madame L. en ait eu connaissance.

Or, il est constant entre les parties que cet hôtel était en réalité classé dans la catégorie des hôtels 2 étoiles.

Ce faisant, la société T. a manqué à son obligation de délivrer la prestation prévue au contrat et engage sa responsabilité à l’égard de sa cliente.

De ce fait, Madame L. a subi nécessairement un préjudice puisqu’elle attendait un niveau de confort et de prestation supérieur à celui qui lui a été réellement délivré.

En conséquence il convient de lui octroyer une somme correspondant à 10% du prix du voyage hors taxe soit 216,20 €.

Sur l’annulation de l’excursion

Il résulte de l’article R 211-11 du Code de tourisme dispose que lorsque après le départ de l’acheteur le vendeur se trouve dans l’impossibilité de fournir une part prépondérante des services prévus au contrat représentant un pourcentage non négligeable du prix honoré par l’acheteur, le vendeur doit immédiatement prendre les dispositions suivantes sans préjuger des recours en réparation pour dommages éventuellement subis.

Cet article qui met à la charge de l’agence de voyage des obligations particulières ne saurait en aucun cas exclure la responsabilité en cas de manquement aux dispositions de l’article L 211-16 précité.

Dès lors Madame L. est bien-fondé à invoquer le manquement de la société T. à propos de l’annulation de l’excursion au Piton de la Fournaise.

En outre, il apparaît que cette excursion était contractuellement prévue puisque mentionnée sur le bulletin de réservation et que son annulation pour cause de participation insuffisante n’est pas contestée.

Cet élément est attesté par le bulletin d’intervention signé entre le représentant de la société M. et Madame L. Ce document porte un engagement réciproque des parties concernant le remboursement de l’excursion en cause au visa notamment des dispositions du Code civil relatives aux transactions.

Toutefois s’agissant d’un accord passé entre le prestataire de services et le client, il n’est pas en principe pas opposable en l’espèce.

Néanmoins en application de l’article 2051 du Code civil, la renonciation à un droit dans une transaction peut être invoquée par un tiers à l’acte réalisé et peut donc être invoquée dans le cadre de la présente instance.

En conséquence, il faut constater que Madame L. a renoncé à obtenir une indemnisation supérieure au prix de l’excursion. Toutefois, cette transaction ne porte que sur le principe de l’indemnisation et non sur son montant puisque celui-ci n’est pas précisé dans le bulletin d’intervention.

Si Madame L. a donc renoncé à solliciter un montant supérieur au prix de l’excursion elle n’a pas renoncé dans l’acte du 20 juin 2008 à pouvoir engager une action pour obtenir cette somme puisque le montant de celle-ci ne fait pas partie des éléments de la transaction.

Au vu du document informatif remis à Madame L. par le prestataire de services à son arrivée l’excursion annulée coûtait 65 €.

Dès lors, la société T. sera condamnée à payer cette somme.

Sur l’appel en garantie

En application de l’article L 211-16 du Code du tourisme précité, les agences de voyages disposent d’un recours contre les tour-opérateurs.

Sur la classification de l’hôtel

En l’espèce, il résulte de l’article R211-6 du Code tourisme dans sa version en vigueur au moment de la signature du contrat litigieux que préalablement à la conclusion du contrat et sur la base d’un support écrit, le vendeur doit communiquer au consommateur les informations sur les prix, les dates et les autres éléments constitutifs des prestations fournies à l’occasion du voyage ou du séjour tels que le mode d’hébergement, sa situation, son niveau de confort et ses principales caractéristiques, son homologation et son classement touristique correspondant à la réglementation ou aux usages du pays d’accueil.
L’ancien article R211-8 du même Code imposait des mentions identiques parmi les clauses du contrat.

Toutefois, ces dispositions n’ont vocation à s’appliquer qu’entre professionnel et consommateur. Aucune obligation n’impose au tour-opérateur de renseigner l’agence de voyages distributrice. Pour satisfaire les exigences légales, il appartenait à celle-ci en tant que professionnelle de vérifier la régularité de son offre au regard des exigences légales et d’obtenir le cas échéant les informations manquantes.
En outre, le classement par “cocktails” ne pouvait pas l’induire en erreur en tant que professionnelle puisqu’elle produit elle-même la page de la brochure ou la nature de ce classement est expressément stipulée.

En conséquence, elle ne peut reprocher à la société E. son propre manque de diligence et sera déboutée de son appel en garantie sur ce point.

Sur l’annulation de l’excursion

Cette annulation étant de la responsabilité de la société E., la société T. est bien fondée à appeler en garantie cette société.

Néanmoins, la société E. justifie avoir remboursé la somme de 64 € à la société T. à ce titre ce que ne conteste pas sa co-contractante.

Par conséquent, l’appel en garantie sera limité à la différence entre cette somme et le montant des dommages et intérêts alloué à Madame L. ce titre soit un euro.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Aux termes de l’article 32-1 du Code de procédure civile, l’exercice d’une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

La société E. ne justifiant d’aucun préjudice à l’appui de sa demande en dommages et intérêts ne pourra qu’être déboutée de celle-ci.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile

La société T partie succombante principale devra supporter la charge des dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.

En outre, elle devra verser à Madame L. au titre des frais exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens une somme dont il est équitable de fixer le montant à 400 €. En revanche, la société E., succombant partiellement, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile à son profit.

DECISION

La juridiction de proximité, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort,
– Condamne la société T. payer à Madame L. la somme de 281,20 € à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– Condamne la société E. à garantir la société T. de cette condamnation dans la limite d’une somme de 1 euro ;
– Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
– Condamne la société T. à payer à Madame une somme de 400,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamne la société T. aux dépens.

Le tribunal : M. Thibaut Le Friant (juge de proximité)

 
 

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