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Jurisprudence : Logiciel

jeudi 02 octobre 1997
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Tribunal administratif de Grenoble, 4ème chambre, jugement du 2 octobre 1997

S.A. Icor

amortissement - contrôle fiscal - crédit d'impôt recherche - dépense - droit d'usage - fiscalité - redressement

Vu, enregistrée au greffe du Tribunal le 7 mars 1994 sous le n° 94678, la requête présentée pour la société anonyme (S.A.) Icor, représentée par son président, M. Gérard A., et tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987 à 1989 sous des articles du rôle de la commune de Chambéry, mis en recouvrement le 31 mars 1992 ; la S.A. Icor soutient :
– en ce qui concerne la réintégration au résultat de l’amortissement pratiqué de 1987 à 1989 sur la valeur d’un droit d’usage de services et logiciels qui lui a été cédé, que cette valeur ne correspond pas à un droit d’exclusivité géographique, comme l’a soutenu le vérificateur, mais au droit d’utiliser une immobilisation dont la dépréciation est irréversible ;
– en ce qui concerne le bénéfice du crédit d’impôt-recherche, que les dépenses de recherche qu’elle a exposées pour la conception de logiciels y ouvrent droit ; qu’en effet, ces logiciels ont fait l’objet de prototypes et été entièrement conçus par elle ; qu’ils satisfont aux définitions du développement expérimental que donnent l’article 49 septies F de l’annexe III au code général des impôts et les instructions des 22 avril 1988 et 27 juin 1990 ; que le vérificateur a accepté l’un des projets, qui n’est guère différent de ceux qu’il a rejetés ; que la notification de redressements n’est pas suffisamment motivée ;

Vu la décision en date du 3 janvier 1994, notifiée le 7, par laquelle le directeur régional des impôts de Rhône-Alpes a statué sur la réclamation de la S.A. Icor ;

Vu, enregistré le 6 septembre 1995, le mémoire présenté au nom de l’État par l’auteur de la décision attaquée, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient :
– que la requête est partiellement irrecevable en vertu de l’article R. 197-3 du livre des procédures fiscales, certains des redressements contestés n’ayant pas donné lieu à mise en recouvrement d’impositions ;
– en ce qui concerne la réintégration de l’amortissement pratiqué, que, si le droit d’usage est immobilisable, la S.A. Icor a en réalité acquis des droits d’exclusivité géographique ; que le droit en cause a été cédé pour une durée illimitée ; que sa dépréciation irréversible n’apparaît pas établie ;
– en ce qui concerne le bénéfice du crédit d’impôt-recherche, que la notification de redressements est suffisamment motivée ; que les logiciels en cause ne sont pas substantiellement nouveaux, à la différence du projet retenu au titre du crédit d’impôt pour dépenses de recherche en 1989, et ainsi que les a qualifiés le rapport du ministère de la recherche ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 1995, présenté pour la S.A. Icor, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; la S.A. Icor soutient en outre :
– que la requête est intégralement recevable, tous les redressements contestés ayant donné lieu à imputation sur le résultat, et donc sur les déficits reportables ;
– en ce qui concerne la réintégration de l’amortissement pratiqué, que les deux contrats de cession de droit et de partenariat, ce dernier ayant une durée limitée à six ans, sont complémentaires ;
– en ce qui concerne le bénéfice du crédit d’impôt-recherche, que l’absence de traces écrites des recherches ne permet pas de conclure à leur inexistence ; que l’avis du ministère de la recherche n’est pas circonstancié et ne porte que sur 1987 ; que l’administration ne procède que par affirmations générales ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juin 1996, présenté au nom de l’État par l’auteur de la décision attaquée, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu’en ce qui concerne le bénéfice du crédit d’impôt-recherche, il appartient à la requérante, si elle le souhaite, de demander une expertise au Tribunal ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 août 1996, présenté pour la S.A. Icor, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes productions, par les mêmes moyens ; la S.A. Icor soutient en outre qu’en ce qui concerne 1989, le mode de calcul du crédit d’impôt pour dépenses de recherche, retenu par l’administration fiscale, est erroné ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 novembre 1996, présenté au nom de l’État par l’auteur de la décision attaquée, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes productions, par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu’en ce qui concerne le bénéfice du crédit d’impôt-recherche, c’est le mode de calcul adéquat qu’il a retenu ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 1996, présenté pour la S.A. Icor, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes productions, par les mêmes moyens ; la S.A. Icor soutient en outre, sur la recevabilité, que l’article L. 190 du livre des procédures fiscales permet de recourir contre la rectification, opérée par l’administration fiscale, de l’assiette de l’impôt sur les sociétés qu’elle devait au titre de 1988 ; subsidiairement, que sa critique de cette rectification devrait être considérée comme tendant à la réduction de l’impôt sur les sociétés dû au titre de 1989 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 février 1997, présenté au nom de l’État par l’auteur de la décision attaquée, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes productions, par les mêmes moyens ; il soutient en outre, sur la recevabilité, que l’article L. 190 du livre des procédures fiscales exige de contester des impositions ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 1997, présenté pour la S.A. Icor, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes productions, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les avis d’audience adressés régulièrement aux parties ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 25 septembre 1997 :

M. BERTHET-FOUQUÉ, conseiller, en son rapport ;
M. WEGNER, commissaire du gouvernement, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré :

Sur la recevabilité :

Considérant, d’une part, qu’il résulte de la combinaison des articles L. 190 et L. 199 du livre des procédures fiscales que des redressements ayant pour seul effet de diminuer le déficit déclaré au titre d’un exercice ne peuvent être contestés qu’à l’occasion d’une demande relative à l’impôt établi au titre de l’année sur laquelle le déficit déclaré a été reporté ; que, si les déficits déclarés par la S.A. Icor au titre des exercices 1988 et 1989 ont été réduits, sa demande n’est pas dirigée contre les compléments d’impôt sur les sociétés qui en seraient résultés pour les années suivantes ; que, dès lors, ses conclusions relatives aux redressements ayant diminué le déficit de ces deux exercices, au titre desquels elle n’a pas été assujettie à l’impôt sur les sociétés, sont irrecevables ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction que le bénéfice du crédit d’impôt pour dépenses de recherche n’a pas été remis en cause pour l’exercice 1989 ; que, dès lors, la S.A. Icor n’est pas recevable à le demander devant le Tribunal, et le moyen relatif au mode de calcul de ce crédit d’impôt doit, par suite, être écarté comme inopérant ;

Sur la réintégration au résultat de l’amortissement pratiqué sur la valeur d’un droit d’usage de services et logiciels cédé à la S.A. Icor :

Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant […] les amortissements réellement effectués par l’entreprise […] » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la S.A. Icor a conclu le 8 janvier 1986, d’une part, avec MM. V. et R. la cession du droit d’usage de services et des logiciels correspondants, inventés par ces deux personnes physiques, et, d’autre part, avec la société Videotex Services France un partenariat permettant notamment à la requérante d’user de la marque France Videotex ; que la S.A. Icor a inscrit la somme de 500 000 F, qu’elle a payée au titre du premier contrat, en amortissement sur une durée de six ans à raison de 83 333 F par an ; que l’administration fiscale a réintégré cette somme au résultat imposable de la S.A. Icor ;

Considérant que, si le contrat en cause comporte notamment une clause d’exclusivité pour une zone géographique déterminée, le prix de 500 000 F rémunère la cession du droit d’usage susmentionné, et non pas seulement l’exclusivité géographique ; qu’aucun élément du dossier ne permet de déterminer la part du prix global qui correspondrait, le cas échéant, à l’obtention de cette exclusivité ;

Considérant que le résultat d’études ou de recherches ou la maîtrise d’un procédé technique, acquis par l’entreprise en vue d’être utilisé pour les besoins de son exploitation durant plusieurs exercices, peut faire l’objet d’un amortissement s’il est normalement prévisible qu’il cessera nécessairement d’être utilisable à une date déterminée ; que tel est le cas des services et logiciels dont le droit d’usage a été cédé à la S.A. Icor ; que la circonstance que le second contrat prévoie la maintenance de ces logiciels ne saurait avoir pour effet ni d’empêcher totalement la dépréciation irréversible, par l’effet du temps, du droit d’en user, ni de faire obstacle à l’amortissement d’une somme ne rémunérant pas cette prestation de maintenance ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que l’administration fiscale a réintégré cette somme au résultat imposable de la S.A. Icor, lequel doit, dès lors, être diminué de 83 333 F au titre de l’exercice 1987 ;

Sur le crédit d’impôt pour dépenses de recherche :

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. » ;

Considérant que la S.A. Icor soutient que la notification de redressements n’est pas suffisamment motivée, parce qu’elle ne précise pas pourquoi les travaux en cause n’ont pas été considérés comme de la recherche et du développement ; mais qu’il résulte de l’examen de cette notification du 20 décembre 1990 qu’elle comporte sur le sujet des précisions suffisantes pour éclairer la S.A. Icor sur la nature et les motifs du redressement envisagé, et lui permettre d’en discuter normalement le bien-fondé ; que, par suite, le moyen relatif à la motivation de la notification de redressements manque en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

S’agissant de l’application du texte fiscal :

Considérant qu’aux termes du premier alinéa du I. de l’article 244 quater B du code général des impôts, dans sa version applicable à l’espèce : « Les entreprises industrielles et commerciales imposées d’après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 25 % de l’excédent des dépenses de recherche exposées au cours d’une année par rapport aux dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation, exposées au cours de l’année précédente. » ; et qu’aux termes de l’article 49 septies F de l’annexe III au même code : « Pour l’application des dispositions de l’article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : […] c) Les activités ayant le caractère d’opérations de développement expérimental effectuées […] en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d’une simple utilisation des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la S.A. Icor, à qui il incombe d’apporter la preuve qu’elle satisfait aux conditions d’obtention du crédit d’impôt qu’elle sollicite, n’a pas été en mesure de produire de document retraçant les modalités de conception des logiciels en cause : que ceux-ci présentent des éléments communs avec des produits analogues, existant sous d’autres formes à l’époque de cette conception ; que la requérante n’établit pas, dans ces conditions, leur caractère de nouveauté ;

Considérant que la S.A. Icor ne peut, dès lors, prétendre au bénéfice des dispositions susmentionnées du texte fiscal ;

S’agissant de l’application de la doctrine administrative :

Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. » ;

Considérant, d’une part, que la S.A. Icor se prévaut de l’instruction du 22 avril 1988, qui précise la notion d’opérations de développement expérimental, énoncée à l’article 49 septies F précité de l’annexe III au code général des impôts, en y incluant notamment l’adaptation de technologies existantes mais auxquelles l’entreprise n’avait pas accès ; mais que la S.A. Icor n’établit pas que ses travaux entrent dans le cadre ainsi défini ;

Considérant, d’autre part, que la S.A. Icor se prévaut de l’instruction du 27 juin 1990, qui est postérieure aux années en litige et n’est donc pas invocable ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la S.A. Icor n’est pas fondée à demander la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge à raison de la remise en cause du crédit d’impôt pour dépenses de recherche ;

DECISION

ARTICLE 1 : La base de l’impôt sur les sociétés assignée à la S.A. Icor au titre de l’année 1987 est réduite de 83 333 F.

ARTICLE 2 : La S.A. Icor est déchargée des cotisations en droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d’imposition définie à l’article premier ci-dessus.

ARTICLE 3 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée est rejeté.

ARTICLE 4 : Le présent jugement sera notifié :
– à la S.A. Icor
– et au directeur régional des impôts de Rhône-Alpes
conformément aux dispositions du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Le Tribunal : M. Bernault (président), MM. Pfauwadel et Berthet-Fouqué, (conseillers), M. Wegner (commissaire du gouvernement), Mlle Batonnat (greffier)

 
 

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