Jurisprudence : Droit d'auteur
Tribunal de Grande Instance de Carpentras Jugement civile 16 novembre 2010
Sony Computer / Divineo et autres
condamnation - contournement - droit d'auteur - exequatur - mesures techniques de protection
FAITS ET PROCEDURE
Par acte du 9 février 2007, la société de droit américain Sony Computer Entertainment America Inc. a assigné :
– la société Divineo
– Monsieur Max L.
aux fins de déclarer exécutoire en France le jugement rendu le 20 octobre 2006 dans la cause opposant les parties par le Tribunal Fédéral de première instance pour le district du nord de la Californie et d’appliquer l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Elle expose être titulaire de droits d’auteur sur des jeux et divertissements informatiques tels que Playstation 1 et 2 : avoir mis en place une mesure technique de protection qui empêche l’utilisation de logiciels contrefaits sur ces consoles de jeux ; qu’elle a été confrontée à la vente en ligne par les filiales du Groupe Divineo de dispositifs permettant de contourner la technologie d’authentification : qu’un jugement du 20 octobre 2006 a condamné la société Divineo et Monsieur Max L. à payer 5 791 400 USD pour l’importation et les ventes illégales de 1020 dispositifs ainsi que pour la collaboration de ces derniers avec la société de droit canadien Divineo Inc. et son gérant, Frédéric L. ; le jugement a ordonné l’interdiction permanente par les deux défendeurs d’offrir à la vente, de vendre, fournir, distribuer, exporter, importer ou expédier aux USA, directement ou indirectement, tous les dispositifs qui contournent les mesures de sécurité technologiques ; que le jugement régulièrement signifié n’a pas été frappé d’appel.
Elle fait valoir que :
– le tribunal américain était bien compétent en raison du lieu de survenue du dommage
– l’acte introductif a été signifié par acte d’huissier
– il a été statué en application des règles de conflit compte tenu du lieu de survenance du dommage
– la règle de droit appliqué est la transposition de l’article 11 du traité de l’Ompi
– la France est signataire de ce traité.
En conséquence, le jugement est en parfaite compatibilité avec l’ordre public français et il n’y a aucune fraude à la loi au sens du D.I.P français.
Par acte du 15 octobre 2009, la demanderesse appelait dans la cause les organes de la procédure collective ouverte au profit de la société Divineo à savoir Maître Jean-François A. comme mandataire judiciaire et la société Saint Rapt-Bertholet comme administrateur judiciaire, après avoir déclaré au passif.
Par ordonnance du 14 décembre 2009, l’instance était jointe.
Par conclusions récapitulatives portant le n° 5, les défenderesses s’opposent, demandent de condamner Sony Amérique à payer à chacun des défendeurs une somme de 250 000 € par application des articles 1382 du code civil et 32-1 du Code de Procédure Civile ainsi que 200 000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Pour s’opposer ils invoquent l’irrégularité des significations et de la procédure suivie devant la juridiction américaine ; la nullité des actes délivrés à Divineo UK qui n’a pas d’existence légale, absence de signification de la décision du 11 septembre 2006 et signification tardive de la décision du 20 octobre 2006 les privant de la possibilité d’exercer les voies de recours, date de la signification leur laissant un délai trop court pour apprécier la nécessité de former un recours, défaut de traduction, privation du droit de représentation.
Ils invoquent ensuite le défaut de motivation du jugement américain qui ne permet pas de connaître les faits précis reprochés tant à la personne morale qu’à son gérant, personne physique ; le tribunal américain invoque par erreur que Divineo UK a importé en 2004, 1020 dispositifs ; que ces ventes sont antérieures à l’engagement pris en septembre 2004 et que seule Divineo Canada est intervenue dans la vente des HD Loaders litigieux après septembre 2004 ; que les chiffres retenus résultent d’une estimation de la moyenne des ventes.
L’incompétence même indirecte de la juridiction américaine est soulevée : ils font valoir que la preuve n’est pas rapportée que des ventes ont eu lieu en Californie après septembre 2004, que la promesse de porte for concerne la matière contractuelle et ne s’applique pas à la matière délictuelle, que cet engagement a été obtenu dans des conditions frauduleuses, que l’engagement a mis fin à la procédure initiée par les sociétés du groupe Sony devant les juridictions françaises : que seul le juge français pouvait connaître de l’exécution du protocole.
Ils invoquent ensuite l’absence de conformité à l’ordre public international de fond : Monsieur L. n’a pas à répondre des agissements d’une société de forme inconnue, Divineo UK, les frais d’avocat aussi élevés ne pouvait être laissés à la seule appréciation par le juge du caractère raisonnable : le montant élevé des dommages et intérêts est fondé sur une estimation.
Ils invoquent ensuite l’exception tirée de l’article L 122-6-1 du Code Procédure Industrielle, la décompilation aux fins d’interopérabilité, le droit de faire une copie de sauvegarde, la protection du vendeur en ligne par le droit français et le droit communautaire.
En résumé, ils exposent qu’accorder l’exequatur revient à conférer à une décision qui ne dépend pas de l’ordre communautaire la possibilité d’une condamnation qui aurait été pour ainsi dire purement et simplement interdite sur le sol communautaire : que le choix du juge américain et du millenium copyright est un choix délibéré visant à frauder la protection accordée par le droit communautaire et le droit interne.
Ils invoquent ensuite la fraude : Monsieur L. a agi strictement dans le cadre du mandat social et n’exerce aucune activité à titre individuel ; seule la loi française a qualité à régir le mandat social confié par la société Divineo à son gérant : que ce droit, hors procédures collectives, n’autorise la condamnation du dirigeant qu’en cas d’acte détachable de sa fonction, d’acte fautif. Le protocole produit au juge américain est cité dans B 3 n’est pas conforme à l’engagement qui avait été soumis au cabinet de conseils en charge des intérêts de la société Divineo et que l’original n’a pas été produit malgré sommation de communiquer.
En réplique, la demanderesse dénommée à présent Sony Computer Entertainment América LLC maintient sa demande d’exequatur pour l’intégralité, à titre subsidiaire pour partie de la condamnation, demande de fixer la créance au passif de la société Divineo, s’oppose aux demandes reconventionnelles, réclame l’application des articles 699 et 700 du Code de Procédure Civile.
Elle expose que l’acte de signification du 10 août 2005 établi par l’huissier instrumentaire vise l’original de la plainte en dommages et intérêts et sa traduction en langue française : qu’un acte d’huissier fait foi jusqu’à inscription de faux Cass. Civ. 3 22 février 2006. Il ressort des pièces versées que Monsieur L. parle couramment anglais puisqu’il échangeait dans cette langue des messages avec Monsieur N. commerçant de Californie.
Les annexes traduites (pièce n° 21) contenaient l’argumentation développée par Sony.
Elle invoque le principe selon nul ne plaide par procureur dans la mesure où Divineo UK n’est pas appelée dans la cause et que cette société n’existe pas.
Elle invoque ensuite le fait qu’en connaissance de cause la société Divineo et Monsieur Max L. ont choisi de ne pas assurer leur défense et que, comme en droit de procédure français, lorsque le défendeur n’a pas constitué, il n’est pas informé des étapes de la procédure, clôture, plaidoirie, délibéré. L’ordonnance du 11 septembre 2006 a été signifiée avec sa traduction par acte du 10 novembre 2006. En sus ils ont été directement informés par le conseil de Sony par l’envoi des dernières conclusions le 8 septembre 2005. Monsieur L. en a accusé réception par email du 19 septembre 2005. Il a de même signé l’avis de réception le 10 novembre 2006 de l’envoi des décisions américaines fait par le Cabinet Kopacz.
Sur la motivation du jugement, elle renvoie à la lecture de la décision américaine qui a procédé à l’analyse des pièces versées pour retenir que Monsieur Max L. et la société Divineo connaissaient Monsieur L. et Divineo Canada et ont travaillé de concert avec eux: que la société Divineo est propriétaire du domaine “divineo.com” et contrôlait le site et les adresses électroniques rattachées et a, de ce fait, été complice et responsable des agissements de Monsieur Max L. : c’est Monsieur L. qui a demandé à Monsieur N. de retourner à Divineo Canada des AD Loaders Compatibles avec les consoles japonaises mais non américaines (NTSC). En droit interne, la victime peut poursuivre cumulativement la responsabilité civile de la personne morale et celle de l’organe qui commet une faute engageant la responsabilité de la personne morale.
Le montant des dommages et intérêts n’est pas hors de proportion puisqu’il s’agit d’une multiplication du nombre de produits illicites par le dommage.
II n’y a pas de détournement de procédure ou fraude puisque la plainte initiale visait des individus qui revendaient aux USA des produits illicites et que c’est sur les dénonciations faites par les premiers que la plainte initiale a été modifiée et étendue aux présents défendeurs d’ailleurs l’examen des bilans de la société Divineo montre qu’elle a réalisé en 2006 91 % de son chiffre d’affaire à l’export.
Sony Amérique n’était pas partie aux décisions rendues par les juridictions françaises ni au protocole d’accord. Si le juge américain a fait état de ce protocole c’est pour considérer que l’activité illicite s’est poursuivie en toute connaissance de cause.
Il est inutile d’invoquer droit interne et droit communautaire dans la mesure où la jurisprudence en son état actuel arrêt Cornelissen du 20 février 2006 ne fait plus obligation au juge de vérifier que, à défaut de règle de conflit identique à ce qu’aurait été la règle de conflit française, le résultat du jugement à l’étranger dont l’exequatur sollicité, arrive à un résultat équivalent.
L’ordonnance de clôture est du 25 mai 2010.
DISCUSSION
Observations préliminaires
Les conclusions échangées et les pièces versées ont fait état de termes inconnus du lexique juridique, tels que Linker et HD Loader. Se déplaçant sur les forums d’internet, à propos de HD Loader (cf. W.gamers.fr), ce dispositif est présenté comme ayant des avantages pour une utilisation licite mais aussi comme moyen de piratage en se constituant des banques de jeux vidéo récupérés auprès de tiers dans la plus totale irrégularité : cela serait possible parce qu’une partie du code du HD Loader serait identique au logiciel propriétaire de Sony pour contrôler le DD sur FF.X1 par exemple.
A propos linker, la définition donnée est un programme qui a pour fonction d’éditer les liens dans un programme compilé.
Cette formulation abstraite cache le fait qu’il permet le piratage très facile de Nintendo DS par exemple, le site W.pagygeek.com/jeux/linker cite les boutiques étrangères qui commercialisent en France notamment les programmes : Divineo est mentionnée avec Game Yeecab et Chipspain. L’on apprend également que Divineo a été poursuivie avec Absolute Game, Assentek, FL Games, Hobby One devant le Tribunal Correctionnel de Paris pour contrefaçon et a été relaxée le 8 décembre 2009 mais le jugement n’est pas définitif, le Ministère Public et la partie-civile ayant fait appel. L’on y apprend également que Divineo a été condamnée par un tribunal de Hong Kong pour vente de produits contournant les mesures techniques de protection des produits Nintendo.
En résumé, ces programmes permettent des applications très légales, les home brew, mais aussi d’utiliser sur la DS des jeux pirates largement disponibles sur internet. Les forums montrent que c’est cette seconde application qui est recherchée par la majorité des internautes intervenants.
Les conditions de l’exequatur
L’article 509 du Code de Procédure civile édicte que les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la république de la manière et dans les cas prévus par la loi.
Il est acquis aux débats et vérifié qu’aucune convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière civile ou commerciale n’a été passée entre les USA et la France : sur les 110 accords bilatéraux, le dernier, en date du 13 janvier 2009, porte sur la double imposition au titre de l’IRPP et de l’ISF. Le droit français de l’exequatur doit être appliqué.
La jurisprudence a évolué. Sous l’empire de la jurisprudence Munzer Civ. 1ère 7 janvier 1964, cinq conditions étaient nécessaires :
– Compétence du tribunal étranger qui a rendu la décision régularité de la procédure suivie devant cette juridiction application de la loi compétente d’après les règles françaises de conflit.
– Conformité à l’ordre public international.
– Absence de toute fraude à la loi.
La jurisprudence récente Cass. Civ. 1ère 20 février 2007 affaire Cornelissen et société Aviance a ramené à trois le nombre de conditions :
– la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi
– la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure l’absence de fraude à la loi.
Cette dernière jurisprudence sera seule appliquée à la solution de l’affaire.
Le jugement du 20 octobre 2006 dont l’exequatur est demandée a été rendu par le Tribunal Fédéral de première instance sis à Oakland Californie aux U.S.A : il condamne solidairement Divineo UK, la société Divineo et Max L. à payer à titre de dommages et intérêts 5 791 400 dollars US outre intérêts légaux et l’ensemble des défendeurs à l’instance solidairement à payer les frais d’avocat pour 402 625,25 dollars et les frais de justice pour un montant de 5816,06 dollars US. Le jugement comporte par ailleurs des interdictions commerciales juridiquement limitées au ressort des USA.
Ce jugement fait suite et corps avec un précédemment jugement ou ordonnance du 11 septembre 2006 qui après rappel de la procédure suivie, exposé des prétentions et moyens des parties présentes ou représentées, analyse des éléments de preuve rapportés, fait droit à la requête de jugement en référé sur les demandes au titre de la Dmca contre Monsieur L., fait droit à la demande du jugement par défaut pour les demandes au titre de la Dmca contre les défenderesses défaillants Divineo, Divineo UK, Divineo Sarl et Monsieur L., écarte les autres demandes contre les défendeurs défaillants, liquide le préjudice, fixe les interdictions.
Reste en suspens les demandes formées contre Monsieur L. et Divineo Inc. fondées sur les droits d’auteur fédéraux, la Lanham Act et les lois de l’état de Californie ainsi que la question de dommages et intérêts supplémentaires pour ventes en gros. Il est disposé que si la demanderesse ne souhaite pas poursuivre ces demandes restantes, elle peut demander au tribunal de les écarter, auquel cas le greffier prononcera le jugement en faveur de la demanderesse sur ses demandes au titre de la Dmca contre tous les défendeurs. La demanderesse doit informer le tribunal de sa décision et en cas d’abandon des demandes restantes soumettre au tribunal dans les dix jours une demande pour les honoraires d’avocat et les frais. Manifestement c’est ce qui a été fait.
Le greffier a délivré le 1er décembre2006 certificat de non appel : le caractère définitif n’est pas contesté.
a) La compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi
L’article 11 du traité de l’Ompi, entré en vigueur le 10 mars 2002, traité auquel ont adhéré tant les USA que la France édicte “les parties contractantes doivent prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en œuvre pour les auteurs dans le cadre de l’exercice de leurs droits en vertu du présent traité ou de la convention de Berne et qui restreignent l’accomplissement à l’égard de leurs œuvres, d’actes qui ne sont pas autorisés par les auteurs concernés ou permis par la loi.”
L’adaptation de la norme internationale s’est faite aux USA en 1998 par le Digital Millenium Copyright Act (Dmca), en Europe en 2001 par la directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteurs et des droits des voisins dans la société de l’information et finalement en France en 2006 par la loi Dadvsi modifiée par les lois Hadopi 1 et 2 de juin et septembre 2009.
Le juge américain a appliqué les articles 1201 a et 1201 b de la Dmca.
L’article 1201 (a) (23) dispose ce qui suit :
Aucune personne n’est en droit de fabriquer, d’importer, d’offrir au public, de fournir ou de toute autre manière de faire le trafic de toute technologie, produit, service, dispositif, composant ou partie de ceux-ci qui :
(A) est principalement conçu ou produit en vue de contourner une mesure technologique qui contrôle effectivement l’accès à une œuvre protégée sous ce titre ;
(B) n’a qu’un objet ou usage substantiel limité d’un point de vue commercial par rapport à celui de contourner une mesure technologique qui contrôle affectivement l’accès à une œuvre protégée sous ce titre ;
(C) est commercialisé par cette personne ou une autre personne agissant de concert avec cette personne, cette personne connaissant l’utilisation de contournement d’une mesure technologique qui contrôle effectivement l’accès à une œuvre protégée sous ce titre.
L’article 1201 (b) (1) interdit de même le trafic de dispositifs principalement conçus ou produits en vue contourner “la protection apportée par une mesure technologique qui protège effectivement le droit d’un propriétaire de droits d’auteurs sous ce titre dans une œuvre ou une partie de celle-ci”. Le fait de “contourner la protection apportée par une mesure technologique” est défini comme le fait “d’éviter de contourner, de retirer, de désactiver ou de diminuer de toute autre manière une mesure technologique”. Id. § 1201 (b) (2) (A). Une mesure technologique “protège effectivement le droit d’un propriétaire de droit d’auteur” si “dans le cours ordinaire de son exploitation” elle “empêche, restreint ou limite de tout autre manière l’exercice du droit d’un propriétaire de droits d’auteur sous ce titre.” Id. § 1201 (b) (2) (B).
Le problème de l’interopérabilité (ou reverse engineering) soulevé par les défendeurs est réglé de manière distincte par les législateurs des deux pays (cf. Isabelle W. Nanterre).
Les dispositions légales contre le contournement des mesures techniques pour la protection du droit d’auteur en France et aux USA). Le Dmca pose à l’article 1201 (f) une exception à la règle lorsqu’une personne qui a légalement obtenu le droit d’utiliser la copie d’un programme peut contourner une mesure de contrôle dans le seul et unique but d’identifier et analyser les éléments de programme qui sont nécessaires pour obtenir l’interopérabilité. L’appréciation de l’exception est laissée au juge.
En France, l’appréciation a été confiée à l’autorité de régulation des mesures techniques Armt, remplacée aujourd’hui par Hadopi. L’Amrt au cours de sa brève existence n’a été saisie d’aucune demande les défendeurs ne justifient pas avoir saisi Amrt ou Hadopi, seuls compétents à confier aux professionnels les renseignements confidentiels, les professionnels sont les éditeurs de logiciels, les fabricants de systèmes techniques et les exploitants de plates-formes de téléchargement mais non les consommateurs.
Pour les juges américains, il s’agit d’une exception qui ne permet pas à une société de créer ou mettre sur le marché des programmes qui permettent d’obtenir l’interopérabilité parce qu’en l’obtenant le moyen technique de protection est entièrement neutralisé (cf. Universal City Studios Inc.) Reimerdes et Corley. Pour que le juge américain se prononce sur l’exception, il eut fallut le saisir.
En droit interne, le délit de contrefaçon prévu à l’article L 335-3 CPI est constitué par le développement et la mise à disposition du public, sans l’autorisation du titulaire des droits d’auteur, d’un programme informatique désactivant ces systèmes de protection de son logiciel cf. Cour d’Appel de Paris 17 juin 2005 Gérard O.
C’est sur le terrain du quasi-délit que le juge américain a été saisi.
La demanderesse Sony Amérique commercialise certes des systèmes Playstation mais surtout est titulaire inscrite d‘au moins 130 programmes de jeu informatique protégés au titre du droit d’auteur, compatibles avec les systèmes Playstation. Le moyen technique de protection des droits est un processus d’authentification de l’original.
Elle reproche aux défendeurs de faire le trafic de dispositifs, y compris HD Loader et d’autres éléments qui permettent aux utilisateurs américains de contourner la technologie d’authentification. Participent à ce trafic, outre les intermédiaires français, défendeurs à la présente, les revendeurs américains Chan N., domicilié en Californie et Steven F., domicilié dans l’Ohio. Le lieu de commission de l’infraction est en Californie en ce qui concerne les ventes faites à Monsieur N. et les reventes par ce dernier.
Le lieu de commission du quasi-délit rattache le litige au juge saisi.
Sur la conformité à l’ordre public international de forme
La contrariété à l‘ordre public international de procédure d’une décision étrangère ne peut être admise que s’il est démontré que les intérêts d’une partie ont été objectivement compromis par la violation des principes fondamentaux de la procédure, Cass. Civ. 1ère 19 septembre 2007.
Les défendeurs invoquent la condamnation solidaire d’une société qui n’existe pas Divineo UK et d’une erreur d’identification : nul ne plaide par procureur en ce qui concerne Divineo UK qui au vu des pièces versées à des apparences de simple domiciliation bancaire : tenant l’extrait kbis, la raison sociale est bien Divineo et non Supreme Factory qui n’est que l’enseigne. Il n’y a pas eu erreur d’identification.
La plainte initiale remonte au 4 octobre 2004 : elle visait trois acheteurs californiens et Divineo Inc. Elle a été modifiée le 3 juin 2005 en ce que la demande a été étendue à Monsieur L. gérant de Divineo Inc. et aux défendeurs défaillants.
Par acte du 10 août 2005, Maître Bourdenet, huissier, signifiait à Monsieur Max L. pris personnellement et es qualités de gérant des deux sociétés, une citation à comparaître dans une affaire civile devant le Tribunal Fédéral de l’instance : l’acte mentionne bien original de la citation avec sa traduction et l’original du 1er amendement avec sa traduction. Concernant les modalités de remise de l’acte, il est mentionné que la personne rencontrée au domicile du défendeur et siège social de la société de droit français ne pouvait pas prendre copie de l’acte, qu’en conséquence l’acte a été remis en mairie et avis de passage laissé au domicile du signifié.
Concernant l’existence et la traduction de la “complaint” force est de constater qu’il n’a pas été déposé plainte contre l’huissier instrumentaire : que les énonciations de l’acte font foi jusqu’à inscription de faux.
La privation du droit d’être représenté devant le juge américain n’existe que dans l’imaginaire des défendeurs : la présence d’une personne à domicile au moment du passage de l’huissier et l’avis de passage mis dans la boîte à lettre les informant du dépôt de l’acte en mairie démontrent que la non-représentation est le résultat d’un choix et non d’une privation.
Ce sera ce comportement qui poussera la demanderesse à demander le 5 mai 2006 l’application de la procédure de “default” alors que la demande initiale avait été formée devant un tribunal avec jury. Ils ne peuvent se plaindre de ne pas avoir été informés du déroulement de la procédure, s’en étant eux même écartés.
Le jugement du 20 octobre 2006 et sa traduction, le jugement ou ordonnance du 11 septembre 2006 et sa traduction, la lettre de notification par avocat et sa traduction seront signifiés par Maître Hiely par actes remis à l’étude en ce qui concerne Monsieur L. et la société Divineo et par procès-verbal de l’article 659 du Code de Procédure Civile à l’égard de Divineo UK.
Le cabinet Law Offices Kopacz a adressé le 9 novembre 2006 un courriel tant à la société Divineo qu’à Monsieur L. indiquant en caractères gras la brièveté du délai d’appel expirant le 19 novembre 2006.
Ce même cabinet a transmis le 9 novembre 2006 par lettre recommandée et avis de réception les mêmes documents avec leur traduction : Monsieur Max L. en a accusé réception le 10 novembre 2006. A nouveau, le non appel est le résultat d’un choix des défendeurs et non celui d’une privation : il ne fait aucunement état de difficultés procédurales qui l’auraient empêché de relever appel dans le temps qui lui restait.
A la demande des sociétés Sony de droit Japonais, de droit anglais et de droit français la société Divineo parmi d’autres avait été assignée en référé par acte du 28 juillet 2004 aux fins de constater que la commercialisation du logiciel de piratage HD Loader constitue un trouble illicite aux fins d’ordonner la cessation de la diffusion du matériel de piratage sous astreinte, commettre un huissier aux fins de vérifier sur les sites incriminés la bonne exécution de l’interdiction.
La société Sony de droit américain n’est pas au nombre des demandeurs et la seule demande de condamnation porte sur les dépens est l’article 700 du Code de Procédure Civile, à l’exclusion de toute provision sur réparation du dommage subi.
Les défendeurs dont la société Divineo, ont demandé au juge des référés de leur donner acte qu’à réception de la lettre de mise en demeure ils ont immédiatement retiré de leur site internet toutes références au logiciel HD Loader et qu’ils s’engagent irrévocablement à ne pas commercialiser de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, le logiciel HD Loader, et dans la même condition à ne pas faire aucune référence à ce logiciel.
Par ordonnance du 5 août 2004, après avoir donné acte des engagements, il a été constaté qu’il n’y avait plus lieu à référé.
Dans cette ordonnance la société Divineo n’était ni comparante ni représentée : l’engagement de la société transmis par lettre au Tribunal de Commerce de Paris est repris au dispositif et ne correspond en rien à l’attestation établie par le Cabinet Fidal le 30 juillet 2004 contenant une condition suspensive de désistement pur et simple et engagement de ne pas intenter d’autres poursuites. Il n’y a dans les dossiers ni désistement ni transaction. En tout état, la société Sony de droit américain n’était pas partie à l’instance qui n’était pas une instance au fond et les engagements souscrits ne valent que pour l’avenir.
La prétention d’un forum shopping n’est étayée par aucune pièce encore faudrait-il démontrer qu’il y a atteinte à l’ordre public international de procédure.
Les prétendues violations de l’ordre public international de procédure ne sont pas fondées ces moyens sont rejetés.
Sur la conformité à l’ordre public international de fond
Le premier grief invoqué est que la décision ne comporte pas une motivation suffisante : la motivation de la décision est incontestable il suffit de s’y reporter : le caractère suffisant relève d’une appréciation subjective qui trouve sa limite dans la non comparution de celui qui l’invoque. Ainsi que le relève le juge américain, les défendeurs défaillants n’ont jamais fourni de documents dans cette affaire : le juge a analysé les preuves fournies par la demanderesse mais aussi par Divineo Canada : il ressort de l’état des ventes établi par cette dernière que le trafic de dispositifs de contournement a duré du 4ème trimestre 2003 jusqu’au 2ème trimestre 2005, c’est à dire au delà de l’engagement souscrit par Monsieur L. Il y a lieu de relever que Monsieur L. responsable de Divineo Canada a eu connaissance de l’existence de cet engagement sans en connaître le contenu mais a reçu l’assurance de Monsieur L. que le Canada et le marché américain n’étaient pas concernés par cet accord.
Sur la responsabilité, le juge américain souligne que la société Divineo est propriétaire du domaine Divineo.com et en tire la conséquence qu’elle ne peut rien ignorer du trafic. Le juge distribue les responsabilités : Divineo Canada est un vendeur au détail alors que le commerce en gros revient à la société Divineo.
Sur la responsabilité personnelle du gérant, le mandat social confié au gérant doit être exercé dans le respect des normes nationales et internationales. La participation effective et les qualités du gérant à un trafic est détachable du mandat.
Sur les dommages et intérêts punitifs
La norme internationale (article 11 précité) renvoie à des “sanctions juridiques efficaces”. C’est justement ce qui distingue notre droit de celui en vigueur dans les pays de droit anglo-américain : cf. Pascal K. Quelques réflexions sur les dommages et intérêts punitifs en matière de contrefaçon. Selon l’auteur ce système apparaît comme un moyen efficace de mettre fin au phénomène croissant des contrefaçons lucratives, auquel le droit positif français n’apporte pas de réponses satisfaisantes. En droit du copyright, la loi fédérale ne prévoit pas de treble domage (triple dommage) mais permet à la victime de demander des “statutory domages” qui peuvent être augmenté en cas de faute intentionnelle.
En l’espèce, la Dmca prévoit pour chaque infraction constatée un minimum de 200 USD et un maximum de 2500 USD : l’augmentation a été demandée et obtenue. De la sorte, l’indemnisation mise à charge des défendeurs est la multiplication de la pénalité minimale par le nombre d’infractions antérieures à l’engagement 11 032 et de la pénalité augmentée à 800 USD pour les infractions postérieures à l’engagement c’est à dire 5975 le tribunal observe que le total mathématique aurait du être de 4 780 000 + 2 206 400 = 6 986 400 USD alors que la condamnation n’a été prononcée que pour 5 791 400 USD.
Enfin, il n’est pas démontré en quoi le montant de l’indemnisation des frais d’avocat serait contraire à l’ordre public international.
Sur la demande de fixation de créance
La déclaration de créance a été effectuée : cela est justifié et acquis aux débats.
Le jugement d’ouverture de la sauvegarde relate l’existence d’une condamnation à plus de 40 millions d’€ par une juridiction de Hong Kong mais est muet sur la condamnation américaine.
La demande de fixation doit être rejetée parce qu’elle implique que le juge français connaisse du fond du litige, ce dont il n’a pas compétence en matière d’exequatur.
Notre droit des procédures collectives, l‘ordre public, permet de régler la difficulté : il suffit d’ordonner la transcription du montant des condamnations sur l’état des créances lorsque les conditions seront réunies.
Il y a lieu de rappeler que les condamnations prononcées ne sont pas productives d’intérêts.
Dans la mesure où les défendeurs succombant dans l’intégralité de leurs prétentions, les demandes reconventionnelles formées seront écartées.
La partie qui succombe supporte les dépens.
Il est équitable de faire application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit de Sony Computer Entertainment America LLC.
DECISION
Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition,
Vu le jugement du 20 octobre 2006 rendu par le Tribunal Fédéral de première instance d’Oakland en Californie aux USA,
Vu le jugement du 24-07-2009 du Tribunal de Commerce d’Avignon ayant ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la société Divineo,
Vu l’article 509 du Code de Procédure Civile,
. Dit le jugement du 20 octobre 2006 du Tribunal D’Oakland pleinement exécutoire en France à l’encontre de M. Max L. en ce qu’il l’a condamné solidairement à payer à Sony Computer Entertainment America LLC la contre valeur en € des sommes de 5 791 400 USD, 402 625,25 USD et 5816,06 USD, au cours du taux de change en vigueur le jour du présent jugement ;
. Dit que les conditions de fond sont réunies à l’égard de la société Divineo pour lui conférer force exécutoire en France, sous réserve du respect des dispositions du droit des procédures collectives ;
. Rejette, en conséquence, la demande actuelle de fixation de créance au passif de la société Divineo, faisant application des dispositions d’ordre public du droit interne des procédures collectives ;
. Dit que M. le Greffier du Tribunal de Commerce d’Avignon, à la requête de Sony Computer Entertainment America LLC et sur justification du caractère définitif de la présente décision, portera sur l’état des créances chirographaires les sommes suivantes, 5 791 400 USD, 402 625,25 USD et 5816,06 USD, converties en € au cours du taux de change en vigueur le jour du présent jugement ;
. Déboute M Max L. et la société Divineo de leurs demandes reconventionnelles ;
. Condamne in solidum la société Divineo et Monsieur Max L. à payer à Sony Computer Entertainment America LLC la somme de 1500 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile;
. Condamne in solidum la société Divineo et Monsieur Max L. aux entiers dépens, avec faculté pour Maître Bonhommo de recouvrer directement par application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Le tribunal : M. Patrice Lebrun (président), MM. Daniel Fallot et Olivier Lefrancq (assesseurs)
Avocats : Me Yves Bonhommo, Me William James Kopacz, Me Salina Zouarat, Me Eric De Moustier
Notre présentation de la décision
En complément
Maître Eric De Moustier est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Maître Salina Zouarat est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Maître William James Kopacz est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante :
En complément
Maître Yves Bonhommo est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Daniel Fallot est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Olivier Lefrancq est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Patrice Lebrun est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.