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Jurisprudence : Contenus illicites

vendredi 31 mai 2002
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Tribunal de Grande Instance de Nanterre, 1ère chambre, section B Jugement du 31 mai 2002

Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT / SA Renault

charte d'utilisation - contenus illicites - droit syndical - intranet - liberté d'expression

Faits et procédure

Procédant sur autorisation d’assigner à jour fixe donnée le 15/02/2002 pour audience du 05 avril suivant, la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT, désignée ci-après « la CGT », a fait citer la société Renault par acte du 19/02/2002 sur les chefs de demandes ci-après :

– constater la violation par la défenderesse des articles 1-2-5, 1-4-5-2 et 3-3-8 de l’accord du 23/06/2000 intitulé « sur la représentation du personnel et la concertation sociale »,

– ordonner à la défenderesse de mettre à sa disposition le site intranet dont bénéficient les autres organisations syndicales de l’entreprise depuis le 11/01/2002, sous astreinte définitive de 760 € par jour de retard après la notification du jugement à intervenir,

– constater qu’à raison du refus qui lui est actuellement opposé, la CGT est victime d’une discrimination syndicale,

– condamner, en conséquence, la défenderesse à lui payer 8000 € de dommages-intérêts,

– la condamner en outre à lui payer une somme de 2000 € au titre de l’article 700 du ncpc, comme à supporter les dépens du procès.

La société Renault a conclu, en réponse le 27/03/2002 pour solliciter le rejet de ces prétentions en soutenant que la demanderesse n’est pas fondée à vouloir bénéficier du droit d’accès à intranet sans accepter de respecter les obligations accessoires à l’exercice de ce droit édictées par les accords collectifs successifs relatifs à cet usage, et notamment la charte du 31/12/2000 portant précisément sur les conditions d’accès et d’utilisation de l’intranet Renault par les institutions représentatives du personnel.

La discussion

Attendu qu’il est donc constant qu’a été signé au sein de l’entreprise Renault le 23/06/2000 l’accord ci-dessus rappelé entre la société Renault et les organisations syndicales représentatives, soit la CFDT, la CFE-CGC, FO et la CFTC, à l’exclusion de la CGT ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que cet accord d’amélioration de l’exercice du droit syndical est à l’égard de tous les syndicats de valeur normative, et comme tel doit leur bénéficier, qu’ils en aient été ou non-signataires ;

Attendu que cet accord a notamment pour effet de permettre aux représentants syndicaux et élus du personnel d’accéder aux moyens modernes de communication grâce à la mise à leur disposition d’un site intranet aux divers niveaux de l’entreprise ; que de façon générale, il est convenu que ce site est destiné à la publication d’informations syndicales, que les salariés pourront s’informer du contenu de chacun des sites et que « le » site ne peut servir de support à des forums de discussion ni être utilisé pour délivrer des messages individualisés aux salariés sur leur poste de travail ; que ces dispositions figurent aux articles 1-2-5 pour les représentants centraux des syndicats, 1-4-5-2 pour les représentants des syndicats dans les établissements, et 3-3-8 pour les comités d’établissement relativement à la gestion de leurs activités sociales et culturelles ;

Attendu que le présent litige est relatif à l’accord postérieur du 21/12/2000, signé dans les mêmes conditions sous l’appellation « charte » avec l’objet sus-rappelé, dont le préambule explique expressément qu’il intervient dans le cadre de l’accord du 23/08/2000, avec le même objet de faciliter la communication par messagerie électronique entre les salariés et les organisations syndicales et comités d’établissement, en convenant des conditions de mise en place des sites intranet ;

Attendu qu’il apparaît à l’examen des arguments des parties que leur litige a pour mobile les dispositions du chapitre 3 de cette charte, dites « dispositions communes », et particulièrement l’article 17 traitant de « l’utilisation du réseau », destinée à mettre des informations à la disposition des salariés de l’entreprise conformément à la réglementation des panneaux d’affichage, en formalisant, en conséquences, diverses interdictions d’usage comme le téléchargement de vidéo et autres images animées ou bandes sons, l’interactivité, le streaming, la diffusion de tracts par messagerie, le spam, les forums et le « chat », les « applets » java, moteurs de recherche et « cookies » ; que le litige est né du fait de la disparition finale de la charte, qui stipule que l’adhésion d’un non-signataire, obligatoirement totale et sans réserve, est une condition nécessaire pour en avoir le bénéfice ; qu’en effet par lettre du 15/01/2001 répondant à la proposition de signer la charte, la CGT s’y est refusée pour, dit-elle, ne pas voir limiter ses diverses expressions (tracts, affichage, etc…) et n’accepter ni censure ni limitation à sa liberté d’expression ;

Attendu qu’il y a lieu alors pour le tribunal de constater que la CGT n’articule ici explicitement aucun grief d’illégalité d’une quelconque des dispositions de cette charte, qu’en tout état de cause elle n’en rapporte aucune preuve, n’invoquant aucun texte législatif ou réglementaire auquel il aurait été porté atteinte, et les dispositions ci-dessus apparaissant en tous points conformes à l’objet poursuivi, et seulement utiles à cet objet, aussi bien dans le cadre spécifique de la charte, qu’au regard de l’accord premier du 23/06/2000 qui est encore plus sûrement exempt de toute contestation ;

Attendu que pour autant il s’impose de juger également que la charte litigieuse n’est pas de nature différente de l’accord du 23/06/2000, puisque sa raison d’être est de permettre la mise en œuvre concrète et pratique de l’amélioration du droit syndical ainsi élaborée par les partenaires sociaux, de telle sorte qu’elle est tout autant de valeur normative ;

Attendu qu’en conséquence, d’une part, la CGT doit pouvoir en bénéficier indépendamment de son absence de signature, mais d’autre part, elle se doit comme les signataires de l’appliquer telle qu’elle est, jusque dans les contraintes convenues en contrepartie des droits reconnus dans le souci légitime de la préservation des intérêts de chacune des parties à l’accord, qu’il sera donc suffisamment disposé en ce sens, tout accord ultérieur similaire devant recevoir le même sort ;

Attendu que les circonstances du litige sont ainsi exclusives de tout préjudice pour la demanderesse, comme elles sont, en équité, exclusives d’une application des dispositions de l’article 700 du ncpc ; qu’elles imposent de faire masse des dépens pour les partager par moitié entre les parties ;

La décision

. Dit que le bénéfice de la charte du 21/12/2000 doit être reconnu à la CGT sans qu’elle en soit signataire ;

. Dit que pour autant l’application de la charte s’impose dans sa totalité à tout bénéficiaire ;

. Dit n’y avoir lieu de statuer plus avant et rejette toute demande plus ample ou contraire ;

. Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du ncpc ;

. Fait masse des dépens et dit qu’ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

Le tribunal : M. Garcin (vice président), Mmes Barberis et Lemarinier (premiers juges)

Avocats : Me Ochs, Me Tarasewicz

Notre présentation de la décision

 
 

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