Jurisprudence : Responsabilité
Tribunal de Grande Instance de Nanterre Ordonnance de référé du 13 mars 2000
Amélie M. / Société Internic, Jacob N.
nom de domaine - responsabilité de l'unité d'enregistrement
Les Faits et prétentions
Vu l’assignation en date du 7 décembre 1999 par laquelle Amélie M., joueuse de tennis professionnelle de renommée internationale, sollicite, tant sur le fondement de l’article L 711-4 g du code de la propriété intellectuelle que sur la base d’un trouble parasitaire :
– qu’interdiction soit faite à Jacob N. d’utiliser le nom patronymique de M., sous quelque forme que ce soit ;
– la condamnation de Jacob N. et de la société de droit américain Internic, sous astreinte, à faire retirer du réseau internet, tant en France que dans le monde entier, les deux noms de domaine suivants :
– mauresmo.com
– ameliemauresmo.com
– la condamnation de chacun des défendeurs à lui payer 20 000 F au titre de l’article 700 du ncpc ;
aux motifs que :
– son nom patronymique est protégé par la loi ;
– Jacob N. y porte atteinte en se réservant auprès d’Internic les deux noms de domaines sus-mentionnés ;
– la société Internic participe à la violation de ses droits en sa qualité de diffuseur du contenu de ces sites auprès du public ;
Vu l’absence de comparution de Jacob N., domicilié en Israël, régulièrement touché par lettre, comme en atteste l’accusé réception versé aux débats ;
Vu l’absence de comparution de la société Internic, de droit américain, régulièrement touchée par lettre, comme en atteste l’accusé réception versé aux débats ;
La discussion
L’article L 711-4 g du code de la propriété intellectuelle porte interdiction d’adopter comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment au droit de la personnalité d’un tiers comme son nom patronymique ;
En visant ce texte pour fonder son action, Amélie M. assimile le nom de domaine à une marque ;
Or, une telle confusion doit être évitée, la marque ayant un statut juridique spécifique défini par la loi, alors que le nom de domaine ne fait l’objet d’aucune réglementation particulière et ne peut bénéficier d’une protection que selon les principes généraux du droit commun ;
Dès lors, l’action d’Amélie M., en ce qu’elle est basée sur l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle, inapplicable en l’espèce, est mal fondée ;
En revanche, selon le droit commun, le nom patronymique est un droit de la personnalité qui fait l’objet à ce titre d’une protection permettant à son titulaire de le défendre contre toute appropriation indue de la part d’un tiers lorsque celui-ci, par l’utilisation qu’il en fait, cherche à tirer profit de la confusion qu’il crée dans l’esprit du public ;
En l’espèce, Jacob N., en répertoriant les sites internet qu’il a créés sous des noms de domaine utilisant le nom patronymique de la demanderesse, s’approprie sans son consentement un attribut de sa personnalité dans des conditions de nature à semer la confusion dans l’esprit du public ;
En effet, en se connectant sur l’un de ces sites, tout internaute peut légitimement croire se trouver sur un site ouvert, ou au moins contrôlé par la championne, ce qui n’est pas le cas ;
Enfin, en enregistrant un nom sur lequel il n’a aucun droit auprès de l’Internic, Jacob N. met obstacle à l’utilisation par Amélie M. de son propre nom pour désigner un site destiné à assurer sa communication ;
Dans ces conditions, Jacob N. cause à la demanderesse un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1 du ncpc et il convient de faire droit à la demande à son encontre dans les termes retenus au dispositif, en précisant toutefois, qu’à la différence de ce que sollicite la demanderesse, internet étant de diffusion mondiale, il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre une mesure de retrait pour la France d’une part, pour le monde entier d’autre part ;
La situation est totalement différente à l’égard de l’Internic ;
En effet, celui-ci n’a pour objet que d’enregistrer les noms de domaine, sans aucun pouvoir d’appréciation de leur validité qui dépend de chaque législation nationale. Il demeure donc étranger aux agissements de Jacob N. auxquels il ne participe pas activement ;
Amélie M. ne rapporte pas la preuve que, comme elle le prétend, l’Internic aurait la « qualité de diffuseur de contenu » des sites enregistrés auprès de lui ;
Sa responsabilité ne peut donc être directement engagée dans le cadre du présent litige ;
Les conditions d’application de l’article au titre de l’article 700 du ncpc sont réunies au profit du demandeur à l’encontre de Jacob N. et à l’exception de l’Internic ;
La décision
. Faisons interdiction à Jacob N., sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée, d’utiliser le nom patronymique : Amélie M., sous quelque forme que ce soit ;
. Condamnons Jacob N., sous astreinte de 10 000 F par jour de retard passé un délai de 8 jours après la signification de la présente décision, à procéder auprès de l’Internic aux formalités d’annulation de l’enregistrement à son nom des noms de domaine :
– mauresmo.com
– ameliemauresmo.com
. Disons que l’Internic (Nsi) devra procéder à l’annulation de l’enregistrement de ces deux noms de domaine ;
. Condamnons Jacob N. à payer à Amélie M. la somme de 20 000 F au titre de l’article 700 du ncpc ;
. Le condamnons aux dépens.
Le tribunal : M. Raguin (vice président)
Avocats : Me Degoul
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