Jurisprudence : Logiciel
Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre, jugement du 21 septembre 1983
Apple Corp. / Segimex
absence de loi - Confiscation des ordinateurs - droit d'auteur - originalité - protection
Segimex a importé et commercialisé en France sous la marque « Golem » des ordinateurs qu’elle affirme avoir achetés à Smerwick Ltd. de Taiwan.
Apple Computer Inc. soutient que les logiciels de base de ces ordinateurs sont les copies de ceux de ses propres ordinateurs « Apple II » et que, de surcroît, la publicité utilisée par la marque Golem contrefait celle des Apple.
Se fondant sur la loi du 11 mars 1957, qui, selon elle, protège les logiciels d’ordinateurs en tant qu’œuvres de l’esprit, elle a assigné Segimex les 15 et 16 juin 1983, pour l’audience du 29 juin.
LA POSITION DES PARTIES
• Apple
Elle demande :
– la confiscation des matériels contrefaits et des recettes perçues par la vente de tels matériels,
Arrêt d’une concurrence
– l’interdiction pour les défenderesses de continuer à importer, fabriquer ou vendre ces ordinateurs sous astreinte de 50 000 F par infraction, et celle d’imiter sa marque, sous astreinte de 10 000 F par infraction,
– une provision de 1 000 000 F,
– la nomination d’un expert pour évaluer son préjudice,
– la publication du jugement,
– 50 000 F au titre de l’article 700,
– l’exécution provisoire.
• Segimex
Par des conclusions du 29 juin 1983, Segimex s’est opposée à l’ensemble de ces demandes.
Mise en cause du constructeur chinois
Faisant état de l’appel en garantie à jour fixe qu’elle venait de formuler à l’encontre de Smerwick, elle a souhaité la jonction des deux procédures et donc le renvoi de l’instance principale.
Elle a développé un certain nombre de « demandes » qu’elle a actualisées dans des conclusions du 11 août 1983.
En effet, après les débats qui se sont déroulés le 29 juin, le tribunal a, par jugement du 6 juillet, ordonné une expertise, en renvoyant l’affaire au 25 août pour plaidoiries.
Dans ses écritures du 11 août, Segimex demande tout d’abord que l’affaire soit retenue à l’audience du 25.
Son argumentation s’articule de la manière suivante :
Mise en cause de la loi de 1957
– les logiciels de base des Apple II ne constituent pas des œuvres de l’esprit au sens de la loi du 11 mars 1952 et ne peuvent donc bénéficier de la protection de cette loi ; d’autre part, Apple Computer n’est pas fondée à invoquer la Convention de Genève, car celle-ci ne concerne pas les programmes d’ordinateur.
En tout état de cause :
Preuve de l’originalité ?
– les auteurs de ces logiciels, étant des personnes physiques identifiées, Apple Computer n’est pas recevable à agir faute de produire l’acte de cession des droits d’auteur ;
– les programmes dont Apple Computer demande la protection ne sont pas des œuvres originales, la société ITT ayant développé les mêmes en 1980 et l’expert ayant précisé que les logiciels « Golem » et « Apple » pouvaient être la copie d’un même logiciel antérieur ;
– Apple Computer ne fait pas la preuve de ses droits dans son pays d’origine ;
– Segimex a agi de bonne foi, en sa seule qualité de revendeur ;
– Apple Computer ne rapporte pas la preuve du préjudice énorme et manifestement disproportionné qu’elle invoque.
Reconventionnellement, Segimex demande des saisies opérées et l’annulation des mesures ordonnées en référé le 14 juin 1983.
Elle demande également acte de ce qu’elle se réserve de demander réparation du préjudice important qu’elle a subi du fait de la procédure engagée par Apple Computer.
• Apple
Droit américain
Apple Computer a répliqué par des conclusions additionnelles du 22 août 1983.
– Elle maintient que les programmes d’ordinateurs, fussent-ils incorporés à ceux-ci, ne peuvent être « brevetés » mais sont nécessairement protégés par la loi du 11 mars 1957 en tant qu’œuvres de l’esprit.
– En ce qui concerne ses droits, elle soutient que ceux-ci doivent s’apprécier par rapport à la loi en vigueur aux Etats-Unis. Or celle-ci disposerait que les droits d’auteur d’une œuvre créée par un employé ou un dirigeant social – ce qui est le cas en l’espèce – sont la propriété de la société qui les emploie.
– Cependant, et à toutes fins utiles, les « auteurs » de logiciels en cause ont cédé expressément leurs droits à Apple Computer. Cette cession est régulière, même si elle ne respecte pas, en la forme, toutes les prescriptions de l’article 31, alinéa 3, de la loi du 11 mars 1957, puisque ces mentions sont prévues dans le seul intérêt du cédant et non dans celui des tiers.
– Ses logiciels sont originaux, car c’est elle qui a concédé à la société britannique « ITT Consumer Products », le 9 mai 1978, une licence de fabrication et de vente des ordinateurs Apple II. D’ailleurs, selon elle, Segimex a versé aux débats le manuel de l’ordinateur « ITT » où il est expressément précisé que cet ordinateur « dérive et est largement compatible avec l’ordinateur Apple II mis au point par Apple Computer Inc. d’Amérique ».
Compatible et licencié
– La Convention de Genève s’applique en ce qu’elle prévoit la réciprocité des protections accordées aux œuvres de l’esprit publiées aux Etats-Unis ou en France.
Estimant la résistance de Segimex abusive, Apple Computer lui demande à ce titre 10 000 F de dommages-intérêts supplémentaires.
Dans d’autres conclusions du même jour, Apple Computer II analyse les conclusions de l’expert et, les estimant pleinement en sa faveur, maintient l’ensemble de ses demandes.
Les auteurs cèdent leurs droits
Enfin, le 23 août, Stephen Wozniak, fondateur et salarié de Apple Computer, et John Arkley, salarié de cette société, interviennent volontairement en faveur de leur employeur, en qualité d’auteurs du programme « Autostart Rom ». Selon eux, en application de la loi américaine, ce programme a appartenu, automatiquement, dès l’origine, à la société qui les employait. Toutefois, et en tant que de besoin devant la juridiction française, ils ont cédé leurs droits par acte écrit des 4 et 16 mai 1983.
Le même jour, Kenneth Wigginton, auteur du programme « Apple Soft », est intervenu volontairement dans les mêmes conditions et aux mêmes fins.
• Data
Un importateur spécialisé
Data, dans des conclusions du 29 juin 1983, expose qu’elle a pour activité l’importation et la distribution de matériel micro et mini-informatique, et spécialement des « périphériques ». Dans le cadre de cette activité, elle aurait simplement mis en relation d’affaires un groupement de fabricants, Cabaret, qui n’est pas dans la cause, et Segimex. C’est dans ces conditions qu’elle aurait facilité les premiers contacts de la Segimex avec Cabaret en commandant à celle-ci, pour le compte de la première, vingt-cinq micro-ordinateurs et en ouvrant l’accréditif correspondant dont Segimex la crédita dans le même temps. Elle fait valoir qu’elle ne pouvait savoir si les ordinateurs importés étaient ou n’étaient pas des copies des ordinateurs Apple. Ses relations avec Segimex n’auraient pas connu d’autres développements.
Tout en concluant au débouté de la demanderesse, elle sollicite sa mise hors de cause.
DISCUSSION
■ Sur la recevabilité des interventions volontaires
Il résulte des dispositions de l’article 330, d’une part, que l’intervention est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie, d’autre part, qu’elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
En l’espèce, Stephen Wozniak, John Arkley et Kenneth Wittington interviennent à l’instance pour appuyer les prétentions de Apple Computer Inc. sans élever de prétentions à leur profit ; leur intervention est donc accessoire.
Ils prétendent être les auteurs des logiciels dont Apple Computer soutient qu’elle est propriétaire et dont cette société et eux-mêmes allèguent qu’ils ont été contrefaits.
A l’évidence, les intervenants ont un intérêt à voir triompher la demanderesse, dès lors que celle-ci invoque la protection de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique et que cette loi assure également la protection des auteurs.
Il s’ensuit que leur intervention est recevable.
Deux programmes identiques
L’expert, désigné par le tribunal le 6 juillet 1983, a conclu, dans son rapport du 26 juillet, que « les similitudes existant entre les logiciels de base des ordinateurs Golem et Apple sont très importantes : elles concernent 99.76 % des instructions. Les différences sont très mineures : elles concernent le mot visualisé à la mise sous tension (6 octets différents) et la procédure de gestion de l’écran (23 octets différents). Segimex ne conteste pas ces conclusions.
Cependant, avant de dénier aux logiciels de base des ordinateurs Apple tout caractère d’originalité, elle soutient que « Apple Computer Inc. » n’est pas fondée à se prévaloir de la protection de la loi du 11 mars 1957 qui ne s’appliquerait pas aux logiciels d’ordinateurs et encore moins aux logiciels de base ; à supposer cette loi applicable, la société demanderesse serait irrecevable à agir faute de faire la preuve de ses droits dans son pays d’origine, les Etats-Unis, et faute encore de produire un acte de cession des droits cédés par les auteurs qui soit conforme à la législation française.
■ Sur la protection accordée aux logiciels de base des ordinateurs Apple II
Aux termes de la loi du 2 janvier 1968, modifiée par la loi du 13 juillet 1978, les programmes d’ordinateurs ne sont pas brevetables en tant que tels.
La question se pose de savoir, d’une part, si ces programmes peuvent bénéficier de la protection accordée aux œuvres de l’esprit par la loi du 11 mars 1957, d’autre part, dans l’affirmative, si cette protection s’étend aux logiciels de base ou programmes d’exploitation, dans la mesure où la loi précitée du 2 janvier 1968 n’aurait pas entendu exclure ces logiciels de la législation relative aux brevets.
Les programmes sont des œuvres de l’esprit
Sur le premier point, tout d’abord, si les programmes d’ordinateur ne sont pas immédiatement perceptibles par les sens de tout un chacun comme le sont les œuvres littéraires ou plastiques, ils sont néanmoins accessibles et intelligibles grâce à leur transcription sur divers supports matériels, tels que les « listings », les écrans ou les enregistrements magnétiques ; si, à l’évidence, leur lecture n’est pas à la portée de tous et requiert une technicité certaine, cette seule particularité n’est pas de nature à les exclure de la catégorie des œuvres de l’esprit, pas plus que n’en sont exclues, par exemple, les compositions musicales qui sont, elles aussi, exprimées en un langage codé et complexe dont la compréhension immédiate suppose une éducation spécialisée ; d’ailleurs, les programmes d’ordinateur deviennent intelligibles par le truchement d’un instrument, l’ordinateur, qui en révèle les possibilités aux non-initiés, comme la voix ou tout instrument mécanique de musique révèle le contenu des partitions musicales.
Ensuite, l’apport personnel du créateur de programmes d’ordinateurs est déterminant dans le résultat obtenu, comme peut l’être celui du compositeur de musique ; à cet égard, M. Stoliaroff souligne, à propos de la présente espèce, que « l’expérience montre que des programmes ayant les mêmes fonctions et réalisés par des programmeurs différents présentent de nombreuses variations déjà lorsqu’ils sont simples, peu volumineux et écrits en langage évolué », alors qu’en l’espèce « les logiciels dont les listings sont fournis sont complexes, volumineux (environ 600 instructions) et écrits en langage assembleur », que ces similitudes ne s’expliquent pas davantage par le contexte technique (en l’espèce l’utilisation d’un micro-processeur 6502), qui, toujours selon l’expert, « laisse toute liberté aux concepteurs et aux réalisateurs de logiciels » ; dès lors, comme le note encore l’expert, que les similitudes relevées ne peuvent s’expliquer par « les normes et standards de programmation », l’évidence commande de retenir le caractère d’œuvre de l’esprit aux programmes d’ordinateur.
Protection du programme sans tenir compte du support
Sur le second point, la thèse selon laquelle les programmes d’exploitation constitueraient un maillon de la chaîne du matériel informatique et pourraient donc, à ce titre, être brevetables, ne saurait être retenue ; il convient d’abord de souligner que les observations qui précèdent s’appliquent aux logiciels de base.
Par ailleurs, s’il est vrai que la technologie conduit de plus en plus à intégrer les programmes d’exploitation aux mémoires, ceux-ci n’ont pas, de ce seul fait, changé de nature ; à considérer les circuits intégrés, on s’aperçoit que la manière dont ils sont fabriqués et leurs composants matériels sont effectivement des produits industriels, mais qu’en revanche leur « contenu », qui fait leur originalité les uns par rapport aux autres, n’est pas l’expression, dans une technologie avancée, de la création originale de l’auteur du programme.
En outre, le souci de protéger par le secret l’œuvre ainsi créée, qui peut être à l’origine de l’intégration du programme, ne fait pas obstacle à ce que celui-ci soit « retraçable » et à ce que les « sachants » puissent le faire apparaître sur les mêmes supports que les programmes produits, tels que des listings, des écrans, etc.
Ainsi, substantiellement, il n’y a pas de différence de nature entre les programmes produits et les programmes d’application.
Dès lors, la protection accordée aux premiers par la loi du 11 mars 1957 doit être reconnue aux seconds.
■ Sur les irrecevabilités
Dépôt des programmes aux Etats-Unis
Apple Computer Inc. justifie avoir effectué au bureau du copyright de la Bibliothèque du Congrès à Washington le dépôt des logiciels de base « Applesoft » et « Autostart Rom » avec lesquels les logiciels de base du « Golem » présentent les similitudes relevées ci-dessus ; il n’est pas contesté que la législations américaine accorde à l’entreprise dont un employé a créé une œuvre de l’esprit la qualité d’auteur de cette œuvre ; en l’espèce, les créateurs des logiciels en cause, de nationalité américaine, étaient les employés d’Apple Computer, société américaine ; ainsi, au regard de la loi américaine, qui, comme loi du contrat, régit les conditions d’acquisition de la qualité d’auteur. Apple Computer est fondée, en application de la Convention de Genève, à invoquer en France cette qualité qui est la sienne aux Etats-Unis. Au demeurant, les trois employés ont, « en tant que de besoin », comme ils le déclarent eux-mêmes, cédé leurs droits à Apple Computer.
La société demanderesse étant ainsi devenue cessionnaire des droits litigieux avant la clôture des débats, la fin de non-recevoir prétendue, tirée de son défaut de qualité pour agir, se trouve, en tout état de cause, couverte, en application de l’article 126 ; à cet égard, c’est en vain que Segimex fait valoir que les actes des cessions consenties par les créateurs des logiciels de base seraient nuls comme ne respectant pas toutes les prescriptions de l’article 31, alinéa 3, de la loi du 11 mars 1957 ; en effet, ces dispositions ont pour objet d’assurer la protection des seuls auteurs vis-à-vis des cessionnaires et ne sauraient être invoquées par des tiers ; en outre, les cédants sont, en l’espèce, intervenus volontairement pour soutenir la position du cessionnaire.
Il résulte de ce qui précède que Apple Computer Inc. est recevable à agir.
■ Sur le caractère d’originalité des logiciels « Apple-soft » et « Autostart Rom »
Segimex conteste le caractère d’originalité des logiciels de base « Apple-soft » et « Autostart Rom » au motif que ces logiciels sont également ceux de l’ordinateur ITT 2020, commercialisé dès 1980.
Mais Apple fait valoir à bon droit que cette circonstance, qu’elle ne conteste pas, laisse entiers ses droits d’auteur sur les logiciels, dès lors que :
– ses premiers dépôts à la Bibliothèque du Congrès de Washington sont antérieurs à 1980 ;
– il résulte d’une lettre du 9 mai 1978 envoyée à Apple par la société britannique ITT Computer Products que celle-ci se propose de fabriquer et de vendre sous licence les productions de Apple ;
– le manuel d’instructions de l’ordinateur ITT 2020 précise (page 1) que celui-ci « est dérivé de l’Apple II fabriqué par Apple Computer Inc. d’Amérique et largement compatible avec lui ».
Pas de dépôt des programmes par le constructeur chinois
Surabondamment, Segimex ne fait état d’aucun dépôt que Smerwick aurait effectué en vue de protéger les logiciels qu’elle fabrique et dont elle a confié la commercialisation à Segimex.
Apple est donc bien fondée à revendiquer le caractère original des logiciels de base « Apple Soft » et « Autostart Rom ».
Il est ainsi établi que les logiciels de base des ordinateurs « Golem » sont des copies des logiciels de base « Autostart Rom » et « Apple Soft » dont les droits d’auteurs, protégés par la loi du 11 mars 1957, sont détenus par Apple.
Il s’ensuit de cette société est fondée à demander la réparation du préjudice que lui a causé l’importation et la commercialisation en France des ordinateurs « Golem ».
Bonne foi d’un professionnel ?
C’est en vain, à cet égard, que Segimex réclame le bénéfice de la bonne foi qui, selon elle, est toujours reconnue à l’intermédiaire non fabricant ; en effet, son attention ne pouvait pas ne pas être appelée par les prix très bas pratiqués par Smerwick, même si, ou parce que, celle-ci a son siège à Taiwan ; la saisie-contrefaçon du 19 mai 1983 ayant fait apparaître avec beaucoup de netteté les similitudes entre les logiciels des « Golem » et de « Apple II », la bonne foi aurait dû la conduire à interrompre l’exposition et la vente des ordinateurs taxés de contrefaçon et à ne pas prévoir leur participation à l’exposition « Micro-Expo » du 14 juin 1983 ; tout en appelant la société Smerwick en garantie pour une audience ultérieure, elle a conduit la présente instance non en débitant de bonne foi qui aurait laissé la charge du fond du débat aux deux fabricants, mais en contestant et la qualité à agir de la demanderesse et ses prétentions ; enfin ce qui va être développé ci-après, à propos de l’imitation de la marque « Apple », est exclusif de toute bonne foi de sa part.
■ Sur l’imitation de la marque « Apple »
Sur l’imitation de cette marque, déposée à l’Institut National de la Propriété Industrielle le 6 mai 1981 sous le numéro 596 164, tant la forme de la marque « Golem » – qui rappelle la « pomme » (« Apple ») utilisée par Apple – que la séquence des couleurs qui la décorent (celles de l’arc en ciel, placées en faisceaux parallèles) – également très semblable à la décoration de la « pomme » Apple – font invinciblement penser au consommateur d’attention moyenne que la marque « Golem » est une imitation, à peine aménagée, de la marque déposée par Apple Computer et dont celle-ci est fondée à demander réparation.
Il n’est cependant pas établi que Data ait participé à cette imitation de marque.
■ Sur la réparation du préjudice
La nomination d’un expert qui aurait pour mission de fixer le préjudice d’Apple ne paraît pas nécessaire, sinon pour déterminer le montant des profits réalisés à ce jour par les défenderesses grâce à l’importation et à la vente des ordinateurs « Golem ».
En effet, ce préjudice sera suffisamment réparé par les mesures d’interdiction, de confiscation et de publication prévues au dispositif du présent jugement, ainsi que par l’attribution de la somme de 10 000 F au titre de dommages-intérêts, de celle de 5 000 F au titre de l’article 700.
Partage des responsabilités
■ Sur la mise hors de cause de Data
Data se dit elle-même spécialisée dans l’importation de matériel micro et mini-informatique ; cette circonstance la mettait en mesure et aurait dû la conduire à vérifier avec soin le produit qu’elle importait, alors surtout qu’il était offert à un prix très bas, même si, ou parce que, il provenait de Taiwan.
Il convient en conséquence de dire qu’elle sera tenue du dixième des condamnations pécuniaires prononcées au profit de la demanderesse, la charge des conséquences des confiscations restant à la seule Segimex.
■ Sur la demande reconventionnelle de Segimex
La demande reconventionnelle de Segimex, qui succombe, ne peut être accueillie.
■ Sur l’exécution provisoire
Celle-ci paraît nécessaire sous les réserves et dans les conditions prévues au dispositif.
DECISION
Les logiciels de base ou programmes d’exploitation des ordinateurs « Apple II » bénéficient de la protection accordée aux œuvres de l’esprit par la loi du 11 mars 1957.
Les programmes d’exploitation des ordinateurs « Golem » sont la contrefaçon des programmes d’exploitation des ordinateurs Apple II.
Data, en important, et la société Segimex en important, en offrant à la vente et en vendant les ordinateurs Golem ont commis une faute dont elles doivent réparation à Apple Computer Inc.
Segimex a imité frauduleusement la marque « Apple » déposée à l’INPI le 6 mai 1981 et ses différents signes distinctifs.
Il est fait dépense aux sociétés Segimex et C. Data de continuer à importer, offrir à la vente ou vendre les micro-ordinateurs « Golem » auxquels sont incorporés les logiciels contrefaits, et ce sous astreinte de 20 000 F par infraction.
Il est fait défense à Segimex de continuer à imiter frauduleusement la marque « Apple II », et ce sous astreinte de 5 000 F par infraction.
Est ordonnée, sous contrôle d’huissier, au profit de la demanderesse, la confiscation de tous les matériels contrefaisants se trouvant dans les locaux de Segimex et C. Data, ainsi que celle des profits que ces sociétés ont réalisés du fait de l’importation et de la vente des ordinateurs Golem. Jacques Guillon, expert, est désigné aux fins de dresser l’état des recettes réalisées, en dégageant les profits effectifs.
Le montant de la consignation qu’Apple Computer devra verser au greffe du tribunal à titre de provision des frais d’expertise est fixé à 6 000 F.
Sont condamnées, in solidum, Segimex et C. Data à payer à Apple Computer Inc. la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F au titre de l’article 700.
Elles sont condamnées aux dépens.
Dans ses rapports avec Data, Segimex sera tenue des neuf dixièmes des condamnations pécuniaires, le dernier dixième restant à la charge de Data, ainsi que de la totalité de la charge des confiscations.
La publication aux frais des défendeurs est ordonnée, dans les journaux « Le Monde », « Le Figaro » et dans la revue « Micro-Ordinateurs », d’un extrait du jugement.
L’exécution provisoire est ordonnée en ce qui concerne les défenses d’importer, d’offrir à la vente et de vendre les ordinateurs « Golem » ainsi que la défense de continuer à imiter frauduleusement la marque Apple.
La Cour : M. Raynaud (président), Mme Culie et Mlle Briottet (juges).
Avocats : Mes Baudel, Ayache, Boissel et Bonnet.
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