Jurisprudence : Base de données
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 4ème section Jugement du 26 janvier 2012
Pressimmo on Line / Solus Immo, Yakaz, Gloobot
annonce - base de données - contrefaçon - droit sui generis du producteur. - indexation - parasitisme - site internet
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS
La société Pressimmo on Line édite et exploite le site internet Seloger.com accessible par le nom de domaine www.seloger.com.
Le site Seloger.com reproduit, au jour le jour, des annonces immobilières fournies par ses agences clientes et partenaires. Près de 20 000 agences immobilières sont aujourd’hui clientes du site Seloger sur toute la France.
La société Pressimmo on Line a déposé la marque semi figurative Seloger.com (avec le logo historique de la marque) le 22 juin 2006 n°06 3 436 367 en classes 36, 37, 38, 39 et 42.
La société Pressimmo on Line explique avoir créé une base de données de l’ensemble des annonces immobilières de ses agences clientes mises en ligne avec les précisions nécessaires, à savoir toutes les caractéristiques du bien à vendre ou à louer, l’agence immobilière qui le commercialise, le prix de vente ou le loyer mensuel, la localisation.
La société Solus Immo était l’éditrice du site internet accessible par le nom de domaine www.comintoo.com. Elle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 mai 2010 désignant la Selafa MJA prise en la personne de maître Stéphane Martin es qualités de mandataire liquidateur.
La société Yakaz est l’éditrice du site internet accessible par le nom de domaine www.yakaz.com. Elle se définit comme étant un moteur de recherche de petites annonces mondial et généraliste : sa vocation est d’aider les utilisateurs à trouver sur le réseau internet les petites annonces qui les intéressent, dans quelque domaine que ce soit automobile, immobilier, emploi, services etc…
La société Gloobot exploitait le site internet Gloobot.com, proposant aux internautes des moteurs de recherches dans divers domaines, comme la vente et la location immobilière, le site internet était accessible par le nom de domaine www.gloobotimmo.com. Elle est aujourd’hui en liquidation amiable selon décision des actionnaires du 18 mai 2011.
Dans le courant de l’année 2007, la société Pressimmo on Line a considéré que les sociétés Solus Immo, Yakaz et Gloobot opéraient une captation de l’intégralité de sa base de données d’annonces immobilières pour créer trois sites permettant la diffusion des annonces immobilières de la base de données Seloger.com.
C’est dans ces conditions que la société Pressimmo on Line assignait devant le tribunal de commerce de Paris la société Solus Immo, la société Yakaz et la société Gloobot par actes du 18 mars 2008. Celui-ci se déclarait incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris par jugement du 4 juin 2009.
Par dernières conclusions notifiées le 21 octobre 2011, auxquelles le tribunal se réfère expressément par visa pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Pressimmo on Line a sollicité, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– l’interdiction aux sociétés Solus Immo, Gloobot et Yakaz de toute exploitation des éléments (annonces, photographies, logos, présentation…) du site accessible par le nom de domaine www.seloger.com,
– l’interdiction aux sociétés Solus Immo, Gloobot et Yakaz de capturer, piller, reproduire ou extraire tout ou partie de la base de donnée Seloger.com,
– l’interdiction aux sociétés Solus Immo, Gloobot et Yakaz d’extraire ou d’exploiter tout élément des bases de données Immostreet.com, Selogerneuf.com et Lacoteimmo.com,
le tout sous astreinte de 15 000 € par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,
– la condamnation des sociétés Gloobot et Yakaz à lui verser chacune la somme forfaitaire de 300 000 € à titre de dommages et intérêts,
– la publication d’extraits significatifs du jugement à intervenir (avec le nom et la dénomination des parties condamnées, avec les infractions et condamnations retenues à leur encontre) dans trois journaux et magazines et sur trois sites internet proposant des annonces immobilières au grand public ou aux professionnels, le tout dans une limite de 30 000 € hors taxe,
– la condamnation des sociétés Gloobot et Yakaz à lui verser chacune la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’inscription de la somme de 345 000 € (sauf mémoire) au passif de la société Solus Immo.
La société Pressimmo on Line a fondé ses demandes sur les articles L 342-1 et suivants, L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil.
Elle a conclu à la recevabilité de ses demandes et a fait valoir que :
– les sociétés Solus Immo, Gloobot et Yakaz avaient commis une extraction illicite à son préjudice,
– la société Solus Immo avait commis des actes de contrefaçon concernant la marque Seloger.com (n°06 3 436 367),
– la société Solus Immo par la copie servile s’était appropriée de manière illicite ses efforts financiers et humains,
– la société Solus Immo s’était inscrite illicitement dans son sillage et profitait de la notoriété du produit multimédia Seloger.com, sa propriété.
Elle a expliqué que la captation de sa base de données par les défendeurs s’opérait grâce à l’utilisation de “robots” informatiques appelés également “crawlers”, qui, via des connexions internet, visitaient les sites internet et récupéraient quotidiennement et inlassablement les informations qu’ils contenaient, ainsi que les mises à jour de ces informations.
Elle a indiqué que les sociétés Solus Immo, Yakaz et Gloobot avaient créé respectivement, les sites comintoo.com, Yakaz.fr et Gloobotimmo.com, le tout sans bourse déliée puisqu’elles n’avaient pas signé de contrat de licence avec elle pour l’utilisation de sa base de données.
Elle a relevé que la société Gloobot avaient continué ses activités au moins jusqu’au 26 février 2010 et que la société Yakaz, quant à elle, continuait d’exploiter le site Yakaz.fr présentant 4 000 000 d’annonces immobilières, dont les annonces de la base de données Seloger.com.
Elle a précisé qu’elle revêtait la qualité de “producteur d’une base de données” au sens de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle, ayant réalisé un investissement dédié aux “moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement” dans la base, ainsi qu’aux moyens nécessaires pour assurer “la fiabilité” de l’information.
Elle a soutenu que les extractions étaient substantielles, le robot captant l’intégralité de sa base de données, malgré son refus.
Elle a rappelé qu’elle avait demandé à l’Agence pour la protection des programmes d’effectuer des constats les 5 décembre 2007 et 29 juin 2009, ce qui établissait ainsi la persistance du comportement des sociétés Solus Immo, Yakaz et Gloobot. Elle a considéré que les sites litigieux n’avaient pas procédé à une indexation mais à une extraction s’attribuant la propriété des informations contenues sur les sites, pour ce qui concerne Yakaz et Gloobot.
Elle a soutenu que la société Solus Immo, pour vanter les mérites de son produit comintoo.com, utilisait sa marque à l’identique avec son logo historique Seloger.com sans son autorisation de la société Pressimmo on Line.
Elle a enfin invoqué la concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre des défenderesses.
Par dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2011, auxquelles le tribunal se réfère expressément par visa pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Yakaz a conclu à l’irrecevabilité des demandes formées par la société Pressimmo on Line pour défaut de qualité pour agir ou à défaut à leur rejet.
Reconventionnellement, elle a demandé :
– la condamnation de la société Pressimmo on Line à lui payer les sommes de :
* 20 000 € pour procédure abusive,
* 30 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamnation de la société Pressimmo on Line à publier le dispositif du jugement à intervenir dans les journaux Le Monde, Le Figaro et Le Parisien, et à publier le dispositif du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet accessible via le nom de domaine «www.seloger.com», ce aux frais de la société Pressimmo on Line, et pendant un délai d’un mois.
La société Yakaz a contesté être un service immobilier français concurrent de celui proposé par la demanderesse, et s’est défini au contraire comme un véritable outil de recherche ayant vocation à trouver puis indexer n’importe quelle annonce, dans le monde entier. Elle a ainsi souligné être un moteur de recherche.
Elle a soutenu que la société Pressimmo on Line ne justifiait pas de sa qualité de producteur de base de données autrement qu’en évoquant sommairement « de nombreux moyens financiers et humains pour la constitution et la mise à jour quotidienne de cette importante base de données ».
Elle a fait valoir que :
– elle ne procédait en aucun cas à une extraction de la base de données de la demanderesse,
– en tout état de cause, elle n’avait pas indexé des parties quantitativement ou qualitativement substantielles de celle-ci,
– elle n’exerçait pas davantage de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Pressimmo on Line.
Elle a expliqué que la spécificité de son moteur de recherche était qu’il avait pour vocation de ne se concentrer que sur des requêtes concernant des petites annonces, quelqu’en soit en revanche la matière (immobilier, emploi, automobile, garde d’enfants…) et qu’à cette fin, elle avait entrepris de lourds développements visant à concentrer les facultés de recherche et de référencement de son outil sur le secteur unique et particulier des petites annonces.
Elle a aussi reproché à la société Pressimmo on Line d’avoir outrancièrement communiqué sur son action à son préjudice.
Par dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2011, auxquelles le tribunal se réfère expressément par visa pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Gloobot a conclu à l’irrecevabilité des demandes formées par la société Pressimmo on Line pour défaut de qualité pour agir ou à défaut à leur rejet.
Reconventionnellement, elle a demandé la condamnation de la société Pressimmo on Line à lui payer les sommes de :
– 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– 100 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la déclaration de cessation d’activité et de liquidation amiable que lui a imposé la procédure judiciaire médiatisée et non fondée intentée à son encontre,
– 8000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Gloobot a fondé sa défense sur les articles L 342-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 1382 et suivants du code civil, 32-1, 122 du code de procédure civile.
Elle a expliqué qu’elle indexait des liens vers des sites et non du contenu pour le diffuser, ce que la demanderesse autorisait à Google et Yahoo et qu’en tout état de cause elle pouvait dans le fichier Robot.txt empêcher toute indexation en le spécifiant.
Elle a souligné qu’elle avait procédé à la désindexation immédiate du site Seloger.com dès la réception de l’assignation, et que donc aucun préjudice ne pouvait être démontré par la société Pressimmo on Line justifiant les demandes de condamnations présentées.
Elle a contesté à la société Pressimmo on Line sa qualité de producteur de base de données, cette dernière n’ayant fourni aucun élément de preuve sur l’existence des moyens mis en œuvre pour démontrer sa qualité.
Elle a fait valoir que :
– le moteur de recherche développé par la société Gloobot n’était pas interdit ou exclu à la racine du site Seloger.com dans le fichier d’exclusion des robots nommé Robot.txt, et qu’elle n’avait donc pas porté atteinte aux droits de la société Pressimmo on Line,
– l’indexation du site Seloger.com dans le site Gloobot Immo.com offrait aux internautes un lien qui les dirigeait vers le site Seloger.com où ils pouvaient consulter l’annonce originelle,
– les moteurs de recherche généralistes tels que Google ou Yahoo effectuaient à l’identique la connexion de ses internautes vers le site Seloger.com,
– la demanderesse était dans l’incapacité de démontrer une quelconque appropriation de sa base de données par elle.
Elle a ainsi souligné qu’elle n’avait pas procédé à une extraction et à une réutilisation qualitativement ou quantitativement substantielle de ces informations puisqu’elle s’était limitée avec son moteur de recherche à orienter, connecter ou diriger l’internaute vers le site originel.
Elle a relevé que la demanderesse n’avait subi aucun préjudice.
La société Solus Immo a été placée en liquidation judiciaire, la Selafa MJA désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Solus Immo, ne s’est pas faite représenter dans le cadre de la présente instance ; le jugement sera donc réputé contradictoire.
DISCUSSION
Les demandes au titre de la contrefaçon de base de données
La société Pressimmo on Line reproche aux défenderesses d’avoir repris sans son autorisation sa base de donnée, constituée d’annonces immobilières, contenue dans le site www.seloger.com, mais la recevabilité des demandes de la société Pressimmo on Line est contestée par les défendeurs, au motif que celle-ci ne démontrerait pas sa qualité de producteur de base de données.
L‘article L341-1 du code de la propriété intellectuelle définit le producteur de base de données comme étant la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants ; ce même article précise que la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données doit attester d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel.
L’article L112-3 du même code explicite quant à lui la notion de base de donnée et indique qu’il s’agit d’un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.
L’ensemble des annonces immobilières constituant le contenu du site www.seloger.com doit être qualifié de base de donnée, chaque annonce ou chaque type d’annonce selon des critères relatifs au bien immobilier recherché comme sa localisation, sa surface, le nombre de pièces, son prix ou son loyer, pouvant être accessible individuellement.
Il est constant que la notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données, doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base.
La notion d’investissement lié à la vérification du contenu de base de données doit quant à elle être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci.
La qualité de producteur de base de données, d’annonces immobilières par exemple, s’apprécie au cas par cas, au regard de l’ensemble des éléments produits par celui qui invoque cette qualité.
En l’espèce, la société Pressimmo on Line doit donc établir la nature substantielle de ses investissements financier, matériel ou humain pour tenir et mettre à jour les annonces immobilières des agences immobilières clientes.
La société Pressimmo on Line produit dans le cadre de la présente instance
– l’organigramme du groupe seloger.com,
– la liste de ses commerciaux,
– le bilan 2010 de la société.
D’abord, la liste des employés avec leurs fonctions ne peut éclairer le tribunal sur la tâche effective de chacun, les termes définissant les postes étant très larges et vagues.
Ensuite, la liste des commerciaux ne peut être probante en quoi que ce soit, ceux-ci ayant pour objectif de démarcher de nouvelles agences immobilières et non pas le recueil concret des annonces des agences clientes.
De même, les bilans comptables n’apportent aucun élément précis sur la matérialité des apports de ses employés à la réception des annonces par les agences immobilières.
Ainsi, au regard de ces seuls éléments donnés à son appréciation, le tribunal n’est pas en mesure de déterminer comment les annonces parviennent à la société Pressimmo on Line, si ses employés les retravaillent ou dans quelle mesure les annonces sont remises à jour.
Les pièces produites ne peuvent à elles seules suffire à démontrer les investissements quotidiens de la société Pressimmo on Line pour constituer les annonces alors qu’il apparaît que celles-ci proviennent des agences immobilières clientes, tout comme les photographies qui y sont jointes.
Il n’est pas plus établi que la demanderesse effectue des contrôles de fiabilité sur les annonces reçues par les agences immobilières clientes.
Egalement, il n’est pas démontré que la société Pressimmo on Line est à l’origine de l’actualisation de l’annonce et sa mise à jour auprès de l’agence.
Enfin, la seule centralisation par la société Pressimmo on Line des annonces immobilières des agences clientes ne caractérise pas des actes de constitution, de vérification ou de présentation du contenu de la base de données et encore moins un investissement financier, matériel ou humain substantiel.
Dès lors, l’apport de la société Pressimmo on Line sur les annonces collectées, qui doit être substantiel pour caractériser sa qualité de producteur de base de donnée, ne ressort pas des débats.
En conséquence, la société Pressimmo on Line ne peut pas être qualifiée de producteur de base de données et est donc irrecevable à agir en contrefaçon de base de données.
Les demandes au titre de la concurrence déloyale
La société Pressimmo on Line forme une demande subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire en reprochant aux défenderesses de reprendre le contenu et les photographies de ses annonces sur leur site.
Il convient d’abord de déterminer la nature des services proposés par les défenderesses.
Les différents procès-verbaux de constats produits par les parties dans le cadre de la présente instance démontrent que :
– sur le site www.comintoo.com, avec comme précision « moteur de l’immobilier », en tapant des critères de recherches, il apparaît des annonces reprenant la description du bien, sa surface, le nombre de pièces et son prix ainsi que des photographies, ces annonces pouvant provenir du site www.seloger.com ; il est par ailleurs précisé la mention « accéder à l’annonce complète sur www.seloger.com »,
– sur le site www.gloobot.com qui précise recenser « en France 4 043 035 offres immobilières indexées », en tapant des critères de recherches, la page de résultat comprend une carte pour situer la localisation demandée, avec en dessous des annonces reprenant la description du bien, sa surface, le nombre de pièces et son prix ainsi que des photographies, ces annonces pouvant provenir du site www.seloger.com ; il est par ailleurs précisé la date d’indexation sur le site d’origine « Seloger » par exemple,
– sur le site www.yakaz.com qui précise recenser « 1 925 255 petites annonces de moins de 7 jours » en tapant des critères de recherches, les annonces correspondantes apparaissent avec la reprise de la description du bien immobilier, ainsi qu’une photographie, ces annonces pouvant provenir du site www.seloger.com ; il est par ailleurs précisé la date d’indexation sur le site d’origine « seloger » par exemple.
Une grande partie de l’annonce apparaît donc sur la page de résultat, mais si l‘internaute est intéressé par une annonce, il doit cliquer sur celle-ci pour être dirigé sur le site dont elle est issue, afin de connaître les coordonnées du vendeur ou de l’agence immobilière, qui elles ne sont pas reprises dans les résultats que proposent les défenderesses.
Ainsi, l’information essentielle de l’annonce, à savoir les coordonnées du vendeur ou de son mandataire, n’est pas communiquée par l’affichage proposée par chacun des sites litigieux ; en effet, seules les informations, permettant à l’internaute de savoir s’il est intéressé ou non, sont reprises.
Par ailleurs, il n’est pas discuté que les sites litigieux référencent automatiquement les annonces qu’elles trouvent dans les différents sites au moyen d’un robot explorateur dont il est démontré que l’éditeur de ces sites visités peuvent poser des règles spécifiques d’indexation voir même interdire l’indexation de certaines informations avec les fichiers d’exclusion “robot.txt”.
Les différents sites www.comintoo.com, www.gloobot.com et www.yakaz.com sont donc des moteurs de recherche, selon les domaines visés, les petites annonces en tout genre ou les annonces immobilières : ils proposent à l’internaute un affichage avec plusieurs réponses au regard des critères formulés dans la demande de celui-ci, qui, s’il est intéressé par l’annonce, doit cliquer sur le lien pour accéder au site, dont est extrait le texte affiché.
Dès lors, les sites www.comintoo.com, www.gloobot.com et www.yakaz.com ne sont donc pas des sites concurrents de www.seloger.com.
Le tribunal examinera donc les demandes exclusivement sous l’angle du parasitisme.
Le parasitisme est caractérisé dès lors qu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
En l’espèce, il a déjà été souligné ci-dessus que les coordonnées de l’agence ne sont pas communiquées et que pour les connaître il faut consulter le site www.seloger.com, si l’annonce a été collectée dans une des agences clientes.
En effet, l’activité de moteur de recherche, qui est une activité licite au demeurant, consiste à aiguiller l’internaute vers des sites qui pourraient contenir les informations recherchées, par des liens hypertextes.
Dans le cadre de petites annonces, dont il convient de rappeler que le principe est la concision dans sa présentation et le caractère extrêmement limité du contenu, le moteur de recherche, pour répondre à la demande de l’internaute qui recherche un bien immobilier, de fait, reprend nécessairement une quantité importante du texte de la petite annonce, afin de la présenter à l’internaute pour que celui-ci soit informé d’une partie du contenu.
Une autre présentation serait difficile à concevoir au regard de l’objectif du service offert par les moteurs de recherche, qui par cette approche, ne font que répondre à la fonctionnalité nécessaire de l’outil spécifique proposé : l’information essentielle n’étant pas communiquée, il y a lieu de considérer que l’affichage de la page de résultat n’excède pas la simple prestation technique adaptée à une recherche d’annonces immobilières.
Cette activité consiste dès lors en une indexation des contenus et non pas en une extraction.
En outre, les internautes sont dirigés vers le site www.seloger.com, pour pouvoir contacter l’agence en charge de la vente ou de la location : ce sont ces coordonnées qui constituent la valeur économique du service que propose la société Pressimmo on Line aux agences immobilières clientes.
Les défenderesses ne captent pas cette information cruciale et l’internaute se dirige forcément vers le site www.seloger.com.
Dès lors, la reproduction des autres informations inhérentes à l’affichage d’un moteur de recherche ne présente pas de caractère fautif ; ainsi, aucune faute ne peut être reprochées aux défenderesses et la société Pressimmo on Line n’a subi aucun préjudice, les défendeurs ne réalisant aucune captation de clientèle mais au contraire orientant les internautes vers le site Seloger.com.
En conséquence, il y a lieu de débouter la société Pressimmo on Line de ses demandes au titre de la concurrence parasitaire.
Les demandes au titre de la contrefaçon de marque
La société Pressimmo on Line est titulaire de la marque française semi-figurative n°063 436 367 seloger.com déposée le 22 juin 2006 en classe 36, 37, 38, 39 et 42 et visant notamment “la constitution, la création (conception) et l’exploitation “d’une base de données nationale comportant des annonces immobilières concernant des appartements, pavillons, villas … ou ensembles immobiliers mises en vente ou en location”, …“il est prévu également” communication et transmission de messages, d’informations et de données en ligne ou en temps différé, à partir de système de traitement de données, de réseaux informatiques, y compris le réseau mondial de télécommunication dit « internet” et le réseau mondial dit “web” ; transmission d’informations par réseau de télécommunication, y compris le réseau mondial dit “internet”.
Or, il apparaît que sur une brochure publicitaire de la société Solus Immo, la marque de la société Pressimmo on Line était reproduite à l’identique, et ce sans son autorisation pour désigner un service identique.
Ces faits sont constitutifs d’actes de contrefaçon de marque au sens de l’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle, engageant ainsi la responsabilité de la société Solus Immo.
La société Pressimmo on Line, qui ne précise pas la durée de cette utilisation par la société Solus Immo, a subi un préjudice qu’il y a lieu de fixer à la somme de 10 000 €.
Il y a donc lieu de fixer à la somme de 10 000 € la créance de la société Pressimmo on Line au passif de la société Solus Immo.
Les demandes reconventionnelles de la société Gloobot
– sur la procédure abusive
L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
La société Gloobot sera déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société Pressimmo on Line, qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits et d’établir l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.
– sur les fautes de la société Pressimmo on Line
La société Gloobot ne démontre aucun lien de causalité entre l’introduction par la société Pressimmo on Line de la présente action et la décision des actionnaires du 18 mai 2011 de cesser les activités et de procéder à sa liquidation amiable.
En effet, les rapports des comptes 2009 et 2010 de la société Gloobot (pièces 7 et 8) ne comprennent que des chiffres et ne les explicitent aucunement.
De même, le procès-verbal authentique de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société du 18 mai 2011 (pièce 9) ne détaille pas pourquoi la décision de liquidation amiable est prise.
Le tribunal ne dispose ainsi d’aucun élément sérieux permettant de considérer que la liquidation amiable est la conséquence directe de l’assignation délivrée par la société Pressimmo on Line à son encontre.
Il y a donc lieu de débouter la société Gloobot de sa demande de ce chef.
La demande de la société Yakaz au titre de la procédure abusive
Pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés ci-dessus, il y a lieu de débouter la société Yakaz de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de publication judiciaire.
Les autres demandes
Compte tenu de la nature de la décision, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
Il y a lieu de condamner la société Pressimmo on Line aux entiers dépens de la procédure.
Il y a lieu de condamner la société Pressimmo on Line à verser à la société Gloobot la somme de 8000 € et à la société Yakaz la somme de 30 000 € au titre des frais irrépétibles.
DECISION
Le tribunal par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition,
. Dit que la société Pressimmo on Line ne peut pas être qualifiée de producteur de base de données,
. Déclare donc la société Pressimmo on Line irrecevable à agir en contrefaçon de base de données,
. Déboute la société Pressimmo on Line de ses demandes au titre de la concurrence parasitaire,
. Dit que la société Solus Immo a commis des actes de contrefaçon de la marque française semi-figurative n°06 3 436 367 seloger.com déposée le 22 juin 2006, en la reproduisant sur son site www.comintoo.com sans l’autorisation de la société Pressimmo on Line,
. Fixe à la somme de 10 000 € la créance de la société Pressimmo on Line au passif de la société Solus Immo,
. Déboute la société Gloobot de ses demandes reconventionnelles contre la société Pressimmo on Line,
. Déboute la société Yakaz de ses demandes reconventionnelles contre la société Pressimmo on Line,
. Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
. Condamne la société Pressimmo on Line aux entiers dépens de la procédure,
. Condamne la société Pressimmo on Line à verser à la société Gloobot la somme de 8000 € et à la société Yakaz la somme de 30 000 € au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal : Mme Marie-Claude Hervé (vice présidente), Mme Laure Comte et M. Rémy Moncorge (juges)
Avocats : Me Erik Billard Sarrat, Me Alexandre Limbour, Me Benjamin Peyrelevade
Notre présentation de la décision
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.