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Jurisprudence : Contenus illicites

lundi 25 novembre 2002
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Tribunal de grande instance du Mans Jugement correctionnel 25 novembre 2002

Procureur de la république / Bruno R.

contenus illicites - correspondances privées - courrier électronique - liens internet

LA DISCUSSION

Attendu que Bruno R. a été cité par exploit de Me P., huissier de justice associé à Paris, en date du 2 avril 2002, pour comparaître à l’audience du 10 mai 2002 ; que la citation est régulière en la forme ;

Attendu que la présente affaire a été renvoyée successivement aux audiences du 4 octobre 2002 et 25 novembre 2002 ;

Attendu qu’à l’audience de ce jour, l’affaire a été évoquée ;

Attendu que Bruno R. est prévenu :

– d’avoir à Paris (75) et La Chapelle d’Aligne (72), les 5, 6, 11 avril 2001, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, transporté ou diffusé par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, susceptible d’être vu ou perçu par un mineur ;
faits prévus par l’article L 227-24 du code pénal et réprimés par les articles L 227-24, 227-29, 227-31 du code pénal.

Sur l’action publique :

Le 12 avril 2001, M. Edwin De B. se présentait à la brigade de gendarmerie de La Flèche pour signaler qu’il avait reçu sur sa messagerie informatique des messages email dont l’expéditeur avait pour adresse : brichard@LXIV.com . Il indiquait que le premier de ces messages avait été reçu le 5 avril 2001 et consistait en un dessin morbide dont il n’avait plus le souvenir et qu’il avait effacé. Le 6 avril, il précisait avoir reçu, à peu de temps d’intervalle, un second message du même internaute représentant un sexe d’homme avec un pansement puis trois minutes plus tard le même sexe sans pansement, mais avec une légère coupure. Enfin le 11 avril, M. De B. soutenait avoir reçu toujours du même expéditeur un dernier message portant l’adresse informatique d’un site www.roten.com lequel représentait des photographie à caractère morbide : un homme mort présentant une plaie au crâne, une autopsie d’un nourrisson ainsi qu’un fœtus découpé sur un plateau.
M. De B. soutenait avoir, dès la réception du premier message, demandé à son expéditeur de le « sortir de la liste faute de quoi, il préviendrait la gendarmerie », il avait par ailleurs qualifié ces photographies « d’horreurs », et d’images violentes, souhaitant surtout ne plus en être le destinataire.
L’auteur de ces différents messages était identifié comme étant Bruno R. qui reconnaissait que les photographies expédiées étaient « un peu spéciales », qu’il les faisait parvenir à certains de ses amis, mais qu’il ne pensait pas que M. De B. ait pu en être choqué. Il ajoutait qu’il avait bien reçu un appel lui demandant d’arrêter ces envois, mais qu’il n’avait jamais su qui le lui avait adressé et qu’il avait cru à une plaisanterie.
Les poursuites dont le prévenu fait l’objet visent la diffusion les 5, 6 et 11 avril 2001 par quelque moyen que ce soit d’un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter atteinte à la dignité humaine, susceptible d’être vu par un mineur.
S’agissant des faits relatifs au 5 avril, il y a lieu de relever que le tribunal ne saurait retenir l’existence d’une infraction, puisque M. De B. fait seulement mention de la réception d’un dessin « morbide » qu’il indique avoir effacé, de sorte que la nature violente, pornographique ou attentatoire à la dignité humaine ne peut en aucune manière être appréciée. Aussi il y a lieu d’entrer en voie de relaxe de ce chef.
S’agissant de faits relatifs au 6 avril, l’examen des photographies litigieuses, bien que d’un goût particulièrement douteux, ne permet toutefois pas de retenir à leur propos les qualificatifs de violent, pornographique ou attentatoire à la dignité humaine.
Par contre les images que M. De B. a pu découvrir sur le site internet www.roten.com à partir du lien transmis par le message électronique du 11 avril 2001 de Bruno R. répondent incontestablement aux définitions d’images violentes et attentatoires à la dignité humaine. En effet, ces photographies qui ont loin d’être « banales » ou « artistiques », présentent des corps humains et plus particulièrement des nourrissons dépecés, éventrés ou blessés avec une brutalité totalement gratuite et un sens de la provocation qui ne peuvent que heurter violemment toute sensibilité normalement constituée, tant elles sont dégradantes.
Pour sa défense le prévenu soutient que le délit qui lui est reproché ne saurait être constitué du fait que les images litigieuses ont été transmises par voie de correspondance électronique confidentielle adressée à un destinataire majeur et qu’elles ne pouvaient être vues par un mineur. En outre le prévenu excipe de sa totale bonne foi en arguant qu’en tout état de cause il y a eu une erreur sur le destinataire des dites images et que cette erreur est sans doute due à une « négligence possible du fournisseur d’accès internet ».
Toutefois, il convient de relever que Bruno R. a lui même reconnu avoir reçu un message lui demandant de cesser ses envois, qu’il n’a à l’évidence tenu aucun compte de cet avertissement pourtant très clair, ni cherché à s’assurer qu’il n’y avait pas d’erreur quant aux destinataires de ses courriers électroniques. Aussi il ne peut prétendre se retrancher derrière le respect du secret des correspondances alors que le destinataire des dites correspondances lui était inconnu. D’autre part, l’existence de l’élément intentionnel de l’infraction est bien constituée dès lors qu’il est établi que Bruno R. ne pouvait méconnaître le caractère violent des images du site www.roten.com, qu’il a en assuré la diffusion en envoyant un message permettant de faire le lien avec ledit site et qu’il ne s’est pas assuré de l’exactitude des coordonnées de ses destinataires, de sorte que son message était ainsi susceptible d’être lu par des mineurs.
En conséquence, il convient de déclarer le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés et d’entrer en voie de condamnation à son encontre en lui infligeant une amende, proportionnelle à ses facultés contributives de 3000 €.

LA DECISION

Statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, à l’égard de Bruno R. ;
. Relaxe Bruno R. des fins de la poursuite dont il fait l’objet du chef de diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité humaine, accessible à un mineur pour les faits commis les 5 et 6 avril 2001 ;
. Déclare Bruno R. coupable du délit de diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité humaine, accessible à un mineur pour les faits commis le 11 avril 2001 ;
. En répression le condamne à une amende de 3000 € ;
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 90 € dont est redevable le condamné.
Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du code de procédure pénale.

Le tribunal : M. La Vergne (président), Mmes Guenier-Lefevre et Tabur (juges assesseurs)

Avocat : Me Millet

Voir jugement cour d’appel

 
 

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