Jurisprudence : Logiciel
Cour d’appel de Grenoble, Chambre commerciale, arrêt du 4 juin 2015
CIMM Franchise / 3C Evolution et E-Développement Conseil
absence de cahier des charges - développement - dysfonctionnement - maîtrise d’œuvre - maîtrise d’ouvrage - obligation de résultat - responsabilité
Appel d’une décision (N° RG 2009J386)
rendue par le Tribunal de Commerce de Grenoble
en date du 01 avril 2011
suivant déclaration d’appel du 13 Avril 2011
DÉBATS
A l’audience publique du 07 Mai 2015
Monsieur Bernaud, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu
ce jour,
*****
La société CIMM Franchise, qui exploite un réseau de
120 agences immobilières franchisées, a souhaité faire évoluer
son logiciel de gestion des biens immobiliers.
Selon proposition commerciale acceptée du 23 février 2007 elle
a confié une mission d’audit à la société E-Développement
CONSEIL , qui aux termes d’un rapport déposé le 6 avril 2007 a
proposé trois scénarios possibles.
La société CIMM Franchise a opté pour la création d’un logiciel
spécifique, dont elle a confié le développement à la société 3C
Evolution.
La société E-Développement Conseil a été chargée du pilotage
du projet.
Les missions confiées à ces deux prestataires informatiques n’ont
pas été formalisées par des contrats écrits. De la même façon
aucun cahier des charges exprès n’a été rédigé, ni validé par les
parties.
Le développement du projet est notamment retracé dans les
comptes rendus de réunions établis à compter du mois de mai
2007.
Au cours de la première réunion qui s’est tenue le 25 mai 2007 il
a été notamment décidé de l’objectif, du contenu du projet et
d’un planning d’exécution fixant au mois de janvier 2008 la
livraison de la version commerciale du logiciel.
En juin 2008 le logiciel « CIMMLOG » développé par la société 3C
Evolution a été déployé auprès de 18 agences pour la
réalisation de tests.
Selon la société CIMM Franchise ces tests auraient révélé de
nombreux dysfonctionnements, qui auraient été confirmés par un
rapport d’audit du cabinet Ateliers JBConseil/ITG en date du
6 janvier 2009.
La société CIMM Franchise a finalement fait l’acquisition en
mars 2009 d’un logiciel standard.
Par acte d’huissier du 18 mai 2009 elle a fait assigner les sociétés
3C Evolution et E-Développement Conseil en résolution des
contrats conclus entre les parties aux torts des prestataires
informatiques, en remboursement des sommes versées
(42 362,08 € et 42 039,40 €) et en paiement de dommages et
intérêts (129 706 €).
Les sociétés défenderesses ont formé une demande
reconventionnelle en paiement de leurs factures impayées
(76 455,72 € pour la société 3C Evolution et 21 492,12 € pour
la société E-Développement Conseil).
Par jugement du 1er avril 2011 le tribunal de commerce de
Grenoble a prononcé la résiliation des contrats aux torts partagés
de toutes les parties et a débouté celles-ci de l’ensemble de leurs
demandes.
La SARL CIMM Franchise a relevé appel de cette décision selon
déclaration reçue le 13 avril 2011.
Par arrêt avant dire droit du 29 mars 2012 la présente cour a
ordonné une expertise confiée à M. Paul Vidonne avec mission :
• de déterminer les besoins de la société CIMM Franchise,
de donner son avis sur la nature et l’étendue des missions
confiées, de procéder à un essai de fonctionnement du
logiciel CIMMLOG en tentant dans la mesure du possible
de se replacer dans l’environnement de l’année 2008, de
donner son avis sur la qualité technique de la conception
et de la structure du logiciel,de rechercher l’existence de
dysfonctionnements et de se prononcer sur leur
gravité,de donner son avis sur la pertinence des
conclusions de l’audit réalisé par le cabinet JBConseil/ITG
,de se prononcer sur le caractère opérationnel ou non du
logiciel au moment de son déploiement dans 18 agences
du réseau CIMM Immobilier et de déterminer le cas
échéant la nature et la durée des travaux restant à
exécuter pour parvenir à une finalisation complète de
l’application.
L’expert désigné a rapidement fait connaître à la cour qu’il n’était
pas en mesure de mener à bien sa mission au plan technique à
défaut de disposer d’éléments suffisants pour déterminer les
besoins du client et l’étendue des missions confiées et en raison
de l’impossibilité de reconstituer l’environnement informatique
de l’époque, dont notamment les bases de données des sites
Internet de publication d’annonces immobilières, sauf pour un
coût prohibitif.
En accord avec les parties il a donc été mis fin à la mesure
d’instruction, ce qui a conduit l’expert à déposer son rapport en
l’état.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 17 février
2014 par la SARL CIMM Franchise qui demande à la cour, par
voie de réformation du jugement, de prononcer la résiliation des
contrats aux torts exclusifs des sociétés 3C Evolution et
E-Développement Conseil, de condamner la société 3C
Evolution à lui payer la somme de 42 362,08 € en
remboursement des acomptes versés avec intérêts au taux légal
à compter de l’assignation, de condamner la société
E-Développement Conseil à lui payer la somme de 42 039,40 €
en remboursement des acomptes versés avec intérêts au taux
légal à compter de l’assignation, de condamner solidairement les
sociétés intimées à lui payer la somme de 151 274,24 € à titre de
dommages et intérêts, outre indemnité de procédure de 10000 €,
et de débouter les sociétés 3C Evolution et E-Développement
CONSEIL de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles aux
motifs :
• qu’il est de principe que le vendeur d’un logiciel standard
ou spécifique, mais aussi le prestataire informatique
chargé du développement d’une application particulière,
sont tenus de garantir la conformité du produit aux
besoins exprimés par le client, même en l’absence de
cahier des charges,
• qu’il s’agit d’une obligation de résultat emportant
présomption de responsabilité,
• que la même obligation pèse sur le prestataire s’agissant
du respect des délais de livraison convenus,
• qu’en l’espèce seule une version test a pu être déployée
auprès de 18 agences avec six mois de retard, étant
observé qu’elle n’a pas accepté le report des délais qu’elle
a au contraire subi,
• que de graves dysfonctionnements, ainsi que l’absence de
nombreuses fonctionnalités, ont en outre rendu impossible
l’utilisation du logiciel,
• que notamment les passerelles vers les sites commerciaux,
qui constituaient une fonctionnalité de base, n’ont pas été
mises en place, ce qui entraînait une absence totale de
publicité sur Internet,
• que l’absence de cahier des charges est imputable aux
prestataires informatiques, qui dans le cadre de leur
obligation de conseil et de renseignements lui devaient
assistance, étant précisé que les comptes-rendus de
travail sont particulièrement précis et détaillés sur ses
besoins,
• que les graves manquements imputables à la société 3C
Evolution justifient la résolution du contrat aux torts
exclusifs de cette dernière et la restitution des sommes
versées,
• que la société E-Développement Conseil , qui avait reçu
une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de gestion
du projet de développement du nouveau logiciel, a
également gravement manqué à ses obligations en
sélectionnant un développeur ne possédant
manifestement pas les qualifications requises, en ne
rédigeant pas de cahier des charges, en ne formalisant pas
les documents contractuels avec les différents
intervenants et en se retirant prématurément dès
l’apparition des nombreux dysfonctionnements après les
tests,
• qu’elle a subi un préjudice financier caractérisé
notamment par le fait qu’elle a dû recourir aux services
d’un autre prestataire informatique pour assurer le
support de son ancien logiciel et qu’elle a dû mobiliser du
personnel supplémentaire,
• qu’il a été également gravement porté atteinte à son
image commerciale auprès des franchisés de son réseau,
• que s’il devait être jugé que les manquements invoqués
n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la
résolution des contrats, les inexécutions contractuelles
justifieraient néanmoins l’allocation de dommages et
intérêts sur le fondement de l’article 1147 du Code civil et
le rejet des demandes reconventionnelles en paiement du
solde des factures impayées sur le fondement de
l’exception d’inexécution.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 10 avril
2014 par la SAS 3C Evolution qui s’oppose à l’ensemble des
demandes formées par la société CIMM Franchise, qui par voie
d’appel incident sollicite la condamnation de cette dernière à lui
payer la somme de 76 455,72 €, outre intérêts et dommages et
intérêts pour résistance abusive (10000 €) et qui en tout état de
cause prétend obtenir une indemnité de procédure de 3000 € aux
motifs :
• que la preuve des dysfonctionnements allégués n’est
nullement rapportée alors que 90 écrans ont été validés
au cours de la réunion qui s’est tenue le 28 septembre
2007, que la société CIMM Franchise a expressément
reconnu que le logiciel fonctionnait pleinement dans
18 agences (mail du 29 août 2008) et que les passerelles
vers les sites Internet, qui étaient une demande
complémentaire de la société CIMM Franchise, étaient en
cours de finalisation lorsque les relations contractuelles
ont été rompues ,
• que le rapport d’audit non contradictoire est dépourvu de
toute valeur probante, puisque le technicien s’est borné
à reprendre les éléments qui lui ont été communiqués par
la société CIMM Franchise,
• que les bugs dénoncés par les agences ne sont pas plus
probants alors qu’ils résultaient pour la plupart d’erreurs
de manipulation,
• que l’expert judiciaire désigné par la cour n’a pas été en
mesure de donner des éléments caractérisant une
quelconque défaillance de sa part,
• que le préjudice allégué n’est en toute hypothèse pas
justifié alors notamment qu’il n’est pas établi que des frais
de personnel spécifiques ont été exposés,
• qu’ayant rempli ses obligations contractuelles elle est
fondée à demander le paiement du solde de ses factures
s’élevant à la somme de 76 455,72 €.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 10 janvier
2012 par la SARL E-Développement Conseil qui s’oppose à
l’ensemble des demandes formées par la société CIMM
Franchise, qui par voie d’appel incident sollicite la
condamnation de cette dernière à lui payer la somme de
21492,12 €, outre intérêts à compter du 24/12/2008 et
dommages et intérêts pour résistance abusive (5000 €) et qui en
tout état de cause prétend obtenir une indemnité de procédure
de 3000 € aux motifs :
• qu’elle n’a pas été chargée d’une mission de gestion du
projet, mais d’une prestation en régie qui a pris fin au
cours du mois de juin 2008,
• que la preuve des manquements invoqués à son encontre
n’est pas rapportée alors que le rapport d’audit non
contradictoire du cabinet JBConseil/ITG ne prend pas en
compte de nombreux éléments(documents, méthodologie
etc..) et fait état de désordres superficiels et
insignifiants, que les écrans et les fonctionnalités du
logiciel ont été validés par la société CIMM Franchise,
que le planning d’exécution n’était pas contractuel et
correspondait à des hypothèses de travail émises au cours
des premières séances, que c’est sur son conseil que la
société CIMM Franchise a recruté un web- master dans
le but de reprendre en interne les missions qui lui avait
été initialement confiées et que les dysfonctionnements
allégués concernant le développement des passerelles
avec les logiciels tiers sont postérieurs à la fin de sa
mission,
• qu’elle n’a pas plus manqué à son obligation de conseil
alors qu’elle n’a pas elle-même préconisé l’option choisie
(développement d’un logiciel spécifique) qui a été
négociée directement entre les sociétés CIMM Franchise
et 3C Evolution, que la société CIMM Franchise a
choisi elle-même de confier le développement du projet
à la société 3C Evolution avec laquelle elle était
préalablement en relation pour le développement de son
site Internet,
• qu’elle ne peut être tenue pour responsable de la mise en
exploitation prématurée du logiciel qui n’était pas encore
finalisé,
• que sa facture du 2 juillet 2008, établie au titre de
prestations non contestées réalisées au cours du premier
semestre de l’année 2008, n’a pas été payée.
DISCUSSION
Faisant suite à sa proposition commerciale du 13 février 2007, la
société E-Développement Conseil a établi le 6 avril 2007 un
bilan du logiciel existant de gestion des biens immobiliers en
portefeuille, à l’issue duquel elle a proposé à la société CIMM
Franchise trois scénarios consistant d’une part en une
« évolution douce » du logiciel en place, d’autre part en une
redéfinition de l’architecture et de l’ergonomie du logiciel et de
troisième part en un changement pur et simple d’outil au moyen
de l’acquisition d’une licence.
La société CIMM Franchise a opté pour la création d’un logiciel
spécifique, dont le développement a été confié à la société 3C
Evolution .
Aux termes du compte rendu de la réunion de travail du 25 mai
2007 il a été indiqué que l’objectif était de réaliser une
réécriture complète du logiciel de gestion des biens immobiliers
destiné à remplacer pour l’ensemble du réseau le logiciel actuel
et que la refonte du site Internet « calitimmo » devait être
menée en parallèle.
Le planning d’exécution contenu dans ce document prévoyait la
livraison d’une version commerciale du logiciel en janvier 2008.
Un document de travail établi le 10 juillet 2007 par la société
E-Développement Conseil a notamment défini les objectifs, le
périmètre fonctionnel du logiciel , les fonctionnalités attendues
et le planning d’exécution.
Aux termes de cette étude, que la société E-Développement
CONSEIL qualifie elle-même de « document de travail évolutif
qui se situe à mi-chemin entre une expression du besoin et un
cahier des charges », il est indiqué que le produit sera déployé
dans l’ensemble du réseau dans le courant du mois de décembre
2007 et que la version commerciale pourra être diffusée après
quelques mois d’utilisation.
Le 1er octobre 2007 la société 3C Evolution a transmis à la
société CIMM Franchise une proposition financière de
développement listant les fonctionnalités incluses dans le
nouveau logiciel et prévoyant un déploiement complet au
31 mars 2008.
Les comptes rendus de Réunions de travail, qui ont été rédigés
entre le 25 mai 2007 et le 11 juillet 2008, établissent que le
développement du logiciel s’est poursuivi pendant toute cette
période et qu’à cette dernière date, loin d’être finalisé, le
produit nécessitait encore de nombreux aménagements s’agissant
notamment des fonctions « pige , agenda, messagerie, saisie des
biens, rapprochement, communication et publicité et sorties ».
Le logiciel a finalement été déployé auprès de 18 agences pour
la réalisation de tests dans le courant du mois de juin 2008.
Il résulte des courriels adressés par une dizaine d’agences pilotes
au cours des mois d’août, septembre, novembre et décembre
2008 que des dysfonctionnements importants compromettaient
la bonne utilisation du logiciel s’agissant notamment des
passerelles Internet et de la géolocalisation des biens qui ne
fonctionnaient pas, ainsi que de l’impression des fiches et de
l’enregistrement des données,qui comportaient de nombreuses
erreurs.
À cet effet la cour observe qu’il est soutenu à tort que les
passerelles vers les sites commerciaux Internet auraient fait
l’objet d’une commande supplémentaire en fin de développement
du produit, alors qu’il est démontré au contraire, sans discussion
possible, que cette fonctionnalité était prévue dès l’origine.
C’est ainsi que :
– le bilan d’audit du logiciel existant établi le 6 avril 2007 par la
société E-Développement Conseil révèle que les agences du
réseau attendaient une « intégration automatique des piges »
dans le cadre de la fonction de gestion des prospects, ce qui
démontre que cette fonctionnalité existait déjà, même si elle
méritait d’être développée et améliorée,
– l’annexe 1 de ce bilan, qui dresse à titre de comparaison un
état des fonctionnalités du logiciel « pericles » présent sur le
marché, fait apparaître très clairement que cet outil offrait un
intégration des piges et une multi diffusion dans près d’une
vingtaine de portails et sites Internet, ce qui confirme que cette
fonction était pleinement inscrite dans le périmètre fonctionnel
général du produit souhaité par le client,
– le courriel que la société 3C Evolution a adressé le 10 mai
2007 à la société CIMM Franchise , comportant le chiffrage du
coût de l’opération de « re- développement », mentionne
expressément que la prestation offerte comprend la « gestion de
la pige » et la « publication vers les médias »,
– surtout, le document de travail établi le 10 juillet 2007 par la
société E-Développement Conseil , constituant selon celle-ci
une ébauche de cahier des charges, prévoit au titre des
fonctionnalités attendues « l’intégration des annonces dans
divers portails Internet( se loger. Com, 123 Immo ou explorimmo
par exemple) et l’interconnexion avec des systèmes d’information
externes sans nécessité d’une « ressaisie d’informations »,
– les comptes rendus de travail des 11 juillet 2007, 25 juillet 2007
et 21 septembre 2007 attestent enfin sans aucune ambiguïté que
dès cette époque la société 3C Evolution a travaillé sur la
gestion de la prospection via des prestataires Internet et que
l’accent a été mis sur les transferts externes vers les portails
commerciaux en ligne.
Les nombreux dysfonctionnements, bugs et absence de
fonctionnalités, dont les agences se sont plaintes après le
déploiement effectué en juin 2008 et qui ont donné lieu à
plusieurs lettre de protestation motivées de la part de la société
CIMM Franchise , ont été mis en évidence par la société RBS à
l’occasion d’un test réalisé le 6 novembre 2008 à la demande du
donneur d’ordre.
Selon ce professionnel il est manifeste que la validation des
données saisies par l’utilisateur est absente, ce qui ne permet pas
à l’application de garantir l’intégrité des données existantes,
tandis qu’au vu de la structure même de l’application il semble
difficile d’améliorer la fiabilité de l’outil.
Le rapport d’audit beaucoup plus complet rédigé le 6 janvier
2009 par le cabinet de consultant indépendant JB Conseil/ITG,
bien que n’indiquant pas avec une clarté suffisante la nature et
le coût des remèdes proposés, est venu confirmé le test et le
bien-fondé des plaintes émanant des agences utilisatrices en
concluant notamment à :
– l’absence de définition stable du périmètre fonctionnel et
technique du projet,
– la mauvaise intégration du logiciel dans l’environnement
Internet et dans l’environnement informatique de la société CIMM
Franchise ,
– la détermination insuffisante de l’architecture du système,
l’impossibilité de déployer en l’état le produit dans les
140 agences.
Bien que non contradictoire, ce rapport d’audit, qui a toutefois
été réalisé avec son accord dans les locaux de la société 3C
Evolution, confirme que le développement du logiciel n’a pas
pu être réalisé dans les délais convenus et que sur deux aspects
essentiels tenant à la fiabilité de l’enregistrement des données
et aux passerelles directes vers les portails commerciaux le
produit n’était toujours pas opérationnel à la fin de l’année 2008.
La preuve est dès lors suffisamment rapportée d’un manquement
patent de la société 3C Evolution à son obligation de résultat
de délivrer dans les délais convenus une solution informatique
répondant aux besoins de son client.
Il résulte en effet des comptes-rendus de réunions de travail,
ainsi que des multiples doléances exprimées par les agences
pilotes, qui ont été corroborées par les deux rapports d’audit,
que de nombreux mois après la date de livraison stipulée (mars
2008) le logiciel « CIMMLOG » présentait de graves défaillances
interdisant tout déploiement dans l’ensemble du réseau, étant
observé que la société 3C Evolution n’apporte aucun élément
de preuve à l’appui de son affirmation, selon laquelle les
désordres constatés auraient pour origine des erreurs de
manipulation et un défaut de formation du personnel, dont il
doit au contraire être observé qu’il utilisait habituellement un
logiciel de même nature offrant des fonctionnalités analogues.
Touchant à la fonction essentielle de communication directe
avec les sites Internet commerciaux et portant atteinte à la
fiabilité et à la sécurisation des données saisies, les insuffisances
du logiciel, qui n’ont pas pu être corrigées malgré un
dépassement important des délais prévus, caractérisent un
manquement grave du développeur à ses obligations en ce
qu’elles privaient notamment les agences d’un support majeur de
diffusion des annonces immobilières.
Cette incapacité de la société 3C Evolution à mener à bien le
projet dans des délais compatibles avec les contraintes
d’exploitation de la société CIMM Franchise justifie que soit
prononcée la résolution du contrat de développement du logiciel
aux torts exclusifs du prestataire.
La société 3C Evolution sera par conséquent déboutée de sa
demande en paiement du solde de ses factures et, par voie de
réformation du jugement, condamnée à rembourser les acomptes
versés (42 362,08 euros), qui ont été acquittés en pure perte
puisque après l’abandon pur et simple de la solution informatique
« CIMMLOG » la société CIMM Franchise a dû faire l’acquisition
d’un logiciel standard présent sur le marché.
La société E-Développement Conseil a pour sa part gravement
manqué à son obligation de conseil en ne procédant pas à un
appel d’offres avant de sélectionner le développeur, dont elle n’a
pas vérifié qu’il disposait de l’expérience et des compétences
requises dans le domaine spécifique des logiciels de gestion de
biens immobiliers.
À cet effet il sera observé que le fait que la société 3C
Evolution ait préalablement réalisé avec succès le nouveau site
Web de la société CIMM Franchise ne garantissait nullement que
ce prestataire disposait d’une qualification suffisante pour
procéder à la réécriture complète d’un logiciel de gestion
complexe, ainsi qu’à la mise en place d’un intranet.
La société E-Développement Conseil a manqué par ailleurs à
son obligation d’assistance en ne formalisant pas en amont un
cahier des charges précis exprimant l’ensemble des besoins du
client, avec pour conséquence un dépassement très important du
délai de livraison dès lors que les besoins ont dû être définis
progressivement au fur et à mesure de l’avancement des travaux.
Sa mission de pilote du projet lui faisait enfin obligation
d’accompagner le maître d’ouvrage et le développeur jusqu’à la
fourniture d’une solution opérationnelle, ce qu’elle n’a pas fait,
puisqu’elle s’est retirée prématurément au moment des tests en
agence sans pouvoir justifier au plan contractuel que le mois de
juin 2008 constituait le terme de son intervention.
Il résulte au contraire de sa proposition de convention cadre du
27 mai 2005 qu’elle devait assurer « un accompagnement
opérationnel »,ce qui implique nécessairement que sa mission
couvrait toute la période de développement jusqu’à la mise en
exploitation effective après tests et corrections.
Ces manquements graves, qui ont directement contribué à
l’échec du projet, justifient également que soit prononcée à ses
torts exclusifs la résolution de la convention la liant à la société
CIMM Franchise.
Elle sera par conséquent de la même façon déboutée de sa
demande en paiement du solde de ses factures (21 492,12 euros)
et condamnée à la restitution des sommes déjà versées en pure
perte (42 039,40 euros).
C’est en revanche à tort que la société CIMM Franchise sollicite
le paiement de dommages et intérêts supplémentaires, à défaut
de preuve rapportée d’un préjudice financier et d’image.
Elle ne démontre pas en effet qu’elle aurait fait l’économie de
frais d’hébergement et de maintenance internet à compter du
mois de juin 2008 si la solution « CIMMLOG » avait été
opérationnelle dès cette époque.
Elle n’établit pas par ailleurs que des dépenses supplémentaires
de personnel ont été engagées, puisqu’il était prévu depuis
l’origine (compte rendu de réunion du 25 mai 2007) que plusieurs
de ses salariés et de ses agences faisaient partie de « l’équipe
projet » et que la société E-Développement Conseil lui avait
recommandé d’embaucher un responsable informatique pour lui
succéder, étant observé que rien ne permet d’affirmer que
l’achat et la mise en place d’un logiciel standard n’aurait pas eu
le même coût salarial.
Elle ne justifie pas enfin d’un préjudice indemnisable au titre de
l’atteinte prétendue à son image auprès des agences franchisées,
alors que seules les agences pilotes, qui ne lui ont à aucun
moment retiré leur confiance, ont subi les désagréments de
l’échec du projet « CIMMLOG ».
Enfin, ayant choisi de faire procéder à un audit amiable non
contradictoire à une époque où une expertise judiciaire aurait pu
utilement être mise en place, elle conservera la charge de
l’étude réalisée par le cabinet Ateliers JBConseil/ITG.
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code
de procédure civile au profit de l’appelante.
Succombant au principal les sociétés intimées seront déboutées
de leur demande en dommages-intérêts pour résistance abusive.
DECISION
LA COUR
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les
parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au
deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et
après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Prononce la résolution des conventions de développement et de
pilotage du projet « CIMMLOG » aux torts exclusifs des sociétés
3C Evolution et E-Développement Conseil,
Condamne la SAS 3C Evolution à payer à la SARL CIMM
Franchise la somme de 42 362,08 euros en remboursement des
acomptes versés avec intérêts au taux légal à compter de
l’assignation introductive d’instance,
Condamne la SARL E-Développement Conseil à payer à la SARL
CIMM Franchise la somme de 42 039,40 euros en remboursement
des acomptes versés avec intérêts au taux légal à compter de
l’assignation introductive d’instance,
Déboute les sociétés 3C Evolution et E-Développement
CONSEIL de leurs demandes reconventionnelles en paiement du
solde de leurs factures d’honoraires,
Déboute la SARL CIMM Franchise de sa demande en paiement de
la somme de 151 274,24 € à titre de dommages-intérêts,
Condamne in solidum les sociétés 3C Evolution et
E-Développement Conseil à payer à la SARL CIMM Franchise
une indemnité de 3000 € au titre de l’article 700 du code de
procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à dommages intérêts pour résistance abusive,
Condamne in solidum les sociétés 3C Evolution et
E-Développement Conseil aux entiers dépens de première
instance et d’appel.
La Cour : Mme Dominique Rolin (président de chambre), M. Jean-Louis Bernaud, Mme Fabienne Pages (conseillers), Mme Magalie Cosnard (greffier)
Avocats : Me Louvier, SCP Calas Jean et Charles, SELARL Dauphin & Mihajlovic, Me Quenard, Me Ramillon, Me Hassan Kais
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.