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Jurisprudence : Logiciel

mercredi 07 mai 1997
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Tribunal de commerce de Nanterre, 9ème chambre, jugement du 7 mai 1997

Cedip / Additional Euro Technologies et Ainf Zia

droit d'auteur - protection - reproduction - saisie-contrefaçon

LES FAITS

Cedip a pour objet de valoriser les travaux de recherche de M. X., son fondateur, dans le domaine de la thermographie infrarouge.
Additional Euro Technologies (ci-après « Additional ») a pour président M. Y., spécialiste en thermographie.Cedip a développé, en collaboration avec l’Onera (Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales) un produit dénommé « PTR » (Photo Thermal Radiometry) composé d’un ensemble de cartes électroniques et d’un logiciel de traitement destiné à compléter les caméras infrarouges du commerce. En 1990, Additional a proposé à Cedip de commercialiser le produit PTR et, par lettre du 9 février 1990, Cedip a donné son accord à Additional pour que cette dernière distribue sans exclusivité son produit PTR.
Additional indique qu’ayant recherché un partenaire « développeur », elle a retenu Cedip parce que cette société était licenciée de l’Onera sur un produit dit « Rtis », ayant pris ensuite le nom de PTR.
Le contrat a été appliqué de 1990 à 1994. En décembre 1994, Additional a refusé de payer deux factures de Cedip d’un montant global de 280 370,40 F.
A la suite d’une action en référé, une ordonnance rendue le 13 avril 1995 par le tribunal de céans condamnait Additional à payer à Cedip la somme provisionnelle de 154 000 F TTC contre remise par Cedip de la caméra thermovision 850 et désignait M. Augendre en qualité d’expert, avec notamment pour mission de fournir tous éléments de nature à déterminer et évaluer la contribution éventuelle de chaque partie au développement entre autres du produit PTR. Dans son rapport du 30 janvier 1996, M. Augendre indique que le produit PTR est d’origine Cedip et conclut que les factures de Cedip d’un montant total de 280 370,40 F TTC doivent être réglées par Additional. Une deuxième action en référé ayant été engagée par Cedip contre Additional en vue d’obtenir à titre de provision le paiement de la somme totale de deux factures litigieuses de 280 370,40 F TTC en deniers ou quittance, le tribunal de céans, par ordonnance du 29 avril 1996, condamnera Additional à payer à Cedip le solde de sa dette.
Selon Cedip, l’examen de l’une des pièces communiquées par Additional en vue du référé du 13 avril 1995 (la pièce n° 1 qui est un bon de livraison en date du 17 mars 1995 d’Additional à l’association Ainf) retient son attention. En effet, le poste 2 de ce bon de livraison, intitulé « Addelia », vise un logiciel et sa notice d’utilisation alors que, selon Cedip, Additional ne conçoit pas de logiciels. La copie d’écran que Cedip se procurera auprès d’Ainf permettra à Cedip, selon ses dires, de constater que cette copie reproduit exactement le défaut qui existait sur la version de son logiciel PTR Win ayant fait l’objet d’un dépôt à l’Agence pour la protection des programmes (APP). Au vu d’un article paru dans la revue « Science et Avenir » et des photos d’écran qui l’accompagnaient sur le laboratoire de thermobiologie médicale de la faculté de médecine de Strasbourg, M. X. pensait reconnaître celles de son logiciel PTR. Deux requêtes à fin de saisie-contrefaçon étaient alors présentées par Cedip au président du tribunal de grande instance de Nanterre et au président du tribunal de grande instance de Lille en date des 26 et 27 septembre 1995. Les ordonnances autorisant Cedip à faire procéder à ces saisies-contrefaçons étaient rendues respectivement aux mêmes dates. Les saisies étaient exécutées le 9 octobre 1995 tant au siège de l’Ainf à Seclin (dans le Nord) que dans les locaux d’Additional au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine).
Les demandes en rétractation, introduites par Additional devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre et devant le président du tribunal de grande instance de Lille les 18 octobre et 2 novembre 1995, ont été respectivement rejetées par ordonnances des 13 novembre 1995 et 23 avril 1996.

LA PROCEDURE

C’est dans ces circonstances que Cedip donne assignation à Additional et à Ainf par actes d’huissier en date du 23 octobre 1995 et demande au tribunal de :
. condamner Additional à lui payer la somme de 850 000 F à titre de dommages-intérêts, en raison des contrefaçons pratiquées sur le PTR Win,
. condamner Additional à lui payer la somme de 750 000 F à titre de dommages-intérêts en raison des contrefaçons pratiquées sur le PTR Dos,
. condamner Additional à lui payer la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts pour préjudice commercial et d’image,
. condamner Additional à lui payer les intérêts légaux sur ces sommes à compter du prononcé du jugement à intervenir,
. condamner, en outre, Additional à lui payer la somme de 20 000 F sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux dépens qui comprendront les frais des deux saisies du 9 octobre 1995.
Par des conclusions déposées à l’audience du 8 décembre 1995, Ainf demande au tribunal de :
. faire droit à l’exception d’incompétence qu’elle soulève,
. dire et juger que le tribunal de commerce de Nanterre est incompétent,
. dire et juger que le tribunal compétent est le tribunal de grande instance de Lille,
. prononcer en tout état de cause sa mise hors de cause pure et simple contre laquelle aucun fait de contrefaçon n’est argué,
. condamner la demanderesse aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 F par application de l’article 700.
Par des conclusions déposées à l’audience du 27 mars 1996, Additional demande au tribunal de :
– A titre principal, in limine litis, dire et juger nulles les saisies-contrefaçons effectuées le 9 octobre 1995 auprès d’elle, d’une part, et d’Ainf, d’autre part,
. dire et juger nuls les procès-verbaux de saisies-contrefaçons du 9 octobre 1995,
. ordonner la mainlevée des saisies-contrefaçons du 9 octobre 1995 ;
. en conséquence, constater que la demanderesse n’apporte pas la moindre preuve de la prétendue contrefaçon alléguée du logiciel dit « PTR Win »,
. dire et juger nulle l’assignation du 23 octobre 1995, notamment en application de l’article 576 du Ncpc,
. dire et juger, en conséquence, Cedip tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions et l’en débouter,
. déclarer l’action abusive et condamner Cedip à lui payer la somme de 150 000 F sauf à parfaire ou compléter, en réparation du préjudice causé ;
– A titre subsidiaire, dire et juger que Cedip n’a pas apporté la preuve de l’existence de quelques droits d’auteur lui appartenant sur le logiciel PTR Win,
. ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux aux frais et dépens de la demanderesse et sans que le coût de chaque publication ne dépasse 30 000 F,
. condamner la demanderesse à lui payer la somme de 50 000 F au titre de l’article 700,
. Condamner Cedip aux dépens.
Par des conclusions déposées à l’audience du 15 mai 1996, Ainf réitère ses précédentes demandes.
Par des conclusions additionnelles déposées à l’audience du 18 décembre 1996, Additional demande au tribunal de :
. voir dire et juger que Cedip n’est plus au droit de la société Onera et ne peut de ce fait se prévaloir d’un quelconque droit sur le logiciel PTR en tant que tel,
. condamner que Cedip n’a en rien apporté la preuve que l’adaptation PTR Win alléguée de contrefaçon était originale ; au contraire, constater que ledit logiciel est dénué d’une telle originalité,
. constater que cette adaptation possède une date certaine postérieure à la date de la contrefaçon alléguée,
. voir dire et juger qu’au vu des pièces communiquées, aucune preuve de la contrefaçon et/ou la copie servile n’est apportée,
. dire et juger Cedip tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions et l’en débouter,
. accorder à la concluante l’entier bénéfice de ses précédentes écritures.
Par des conclusions en réplique déposées à l’audience du 22 janvier 1997, Cedip demande au tribunal de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures et de condamner la défenderesse aux dépens.
Par des conclusions déposées à l’audience du 19 mars 1997, Cedip demande au tribunal de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures et de condamner Additional aux dépens.
Par des conclusions de désistement régularisées à l’audience du juge rapporteur du 9 avril 1997, Cedip demande au tribunal de lui donner acte de son désistement à l’égard d’Ainf et de lui donner acte également qu’elle se réserve d’agir à l’encontre d’Ainf devant le tribunal de grande instance de Lille.

Les moyens
Cedip expose qu’elle est titulaire de droits d’auteur sur les logiciels PTR 9020 et PTR Win ; que ces droits trouvent leur fondement dans le code de la propriété intellectuelle ; qu’Additional s’est livrée à des actes de contrefaçon qui lui ont été préjudiciables et dont elle est fondée à demander réparation.
Additional répond que les saisies-contrefaçons effectuées le 9 octobre 1995 dans ses locaux aussi bien que chez Ainf sont nulles ; que la preuve de la contrefaçon n’est pas rapportée ; que l’assignation en date du 23 octobre 1995 est nulle en application de l’article 56 du Ncpc.
Additional fait également valoir que les droits d’auteur allégués par le logiciel PTR par Cedip sont inexistants du fait de la résiliation en date du 7 juin 1996 du contrat conclu entre l’Onera et Cedip qui fondait les droits de cette dernière ; que « l’implémentation » du logiciel PTR sous Windows est dépourvue d’originalité ; que la contrefaçon n’est pas démontrée ; que Cedip ne justifie nullement du préjudice qu’elle prétend avoir subi.

DISCUSSION

Sur le désistement de l’instance introduite contre Ainf
Attendu qu’il sera donné acte à Cedip de son désistement à l’égard d’Ainf.
Sur la nullité des saisies-contrefaçons et des procès-verbaux du 9 octobre 1995
Sur la nullité de la saisie-contrefaçon effectuée chez Additional et la nullité de son procès-verbal
Attendu qu’Additional soutient, à l’appui de ce moyen, que l’expert aurait instrumenté tout ou partie de la saisie au lieu et place du commissaire de police chargé de l’effectuer ; que c’est l’expert notamment qui a remarqué que, « sur un certain nombre de pages de ce document (le manuel « Utilisation Addelia sous Windows »), figure la mention « Non adaptés à Cats » ;
Qu’une telle expression ne signifie rien pour le profane et que le fait que le commissaire l’ait relevée montrerait qu’il n’a pas respecté la mission autorisée par l’ordonnance et n’aurait pas procédé lui-même aux constatations ;
Attendu cependant que l’ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 26 septembre 1995 disait expressément que « le commissaire de police pourra être accompagné, compte tenu de la technicité des objets en cause, d’un ou plusieurs experts désignés par la requérante » et l’autorisait « à faire fonctionner les ordinateurs présents et notamment à faire éditer le contenu des mémoires » ;
Que cette même ordonnance disait encore que « M. le commissaire et le ou les experts susmentionnés pourront utiliser sur les ordinateurs présents tous logiciels leur permettant la recherche puis la copie du logiciel litigieux » ;
Qu’il apparaît ainsi que la saisie-contrefaçon a été menée conformément aux termes de l’ordonnance l’autorisant, l’expert jouant son rôle dans un domaine technique justifiant précisément sa présence active ;
Attendu que le moyen soulevé par Additional manque de pertinence et ne sera donc pas accueilli ; que la demande de nullité de la saisie-contrefaçon chez Additional et de son procès-verbal sera donc rejetée.
Sur la nullité de la saisie pratiquée chez Ainf et la nullité de son procès-verbal
Attendu qu’à l’appui de ce moyen, Additional fait valoir deux arguments : le premier tiré du moment tardif, selon elle, de la remise de l’ordonnance ; le second reposant sur une mise sous scellés d’objets non prévus en tant que tels dans l’ordonnance.
Sur le premier argument
Attendu qu’Additional reproche au commissaire de police de n’avoir remis l’ordonnance autorisant la saisie qu’après l’avoir pratiquée ; que le procès-verbal du 9 octobre 1995 ferait apparaître cet ordre chronologique ;
Qu’il y a lieu cependant d’observer que l’original de l’ordonnance a été présenté au saisi par le commissaire de police avant la saisie-contrefaçon, ainsi que le mentionne le procès-verbal cité ; que l’information due au saisi lui a été donnée en temps utile si même la remise l’a été à la fin de l’intervention ;
Attendu surtout que la Cour de cassation a eu l’occasion de décider que l’omission de la formalité de la remise préalable de l’ordonnance ne constituait pas une nullité de fond et que celui qui s’en prévalait devait démontrer que l’omission de la formalité lui faisait grief ;
Attendu qu’Additional ne fait nullement cette démonstration ;
Que ce premier argument sera donc écarté.
Sur le second argument
Attendu qu’Additional reproche au commissaire de police d’avoir outrepassé les pouvoirs que lui avait conférés le tribunal de grande instance de Lille en mettant sous scellés des objets non prévus en tant que tels dans l’ordonnance, celle-ci limitant les pouvoirs de saisie aux objets reproduisant le logiciel « PTR Win » ainsi que tous les éléments d’un logiciel (et donc identifié sous le nom « PTR Win ») le comprenant et non un répertoire « Addelia » ;
Attendu que l’autorisation faisant l’objet de l’ordonnance rendue en date du 27 septembre 1995 par le président du tribunal de grande instance de Lille ne peut être interprétée restrictivement comme le fait Additional ;
Qu’au contraire, l’autorisation donnée est large puisqu’elle permet de procéder à la saisie descriptive pouvant se concrétiser par la saisie réelle d’un exemplaire ou d’une copie de tous objets, supports magnétiques, documents ou biens mobiliers, corporels ou incorporels reproduisant le logiciel PTR Win, ainsi que tous éléments le composant notamment sous l’appellation « Addelia » ;
Qu’une interprétation restrictive serait contraire aussi bien à la lettre qu’à l’objet même de la saisie-contrefaçon qui vise à permettre à l’auteur d’établir la violation de ses droits ;
Que ce second argument sera donc également écarté ;
Attendu que le moyen soulevé par Additional ne sera pas accueilli ; que la demande de nullité de la saisie pratiquée chez Ainf et de son procès-verbal sera donc rejetée.
Sur la nullité de l’assignation
Attendu qu’Additional fonde sa demande sur la nullité des saisies et procès-verbaux du 9 octobre 1995 et sur l’absence d’exposé des moyens en résultant ;
Que le rejet de la demande de nullité prive donc ce moyen de pertinence ;
Attendu que l’article 56 du Ncpc ne trouve pas application ; que l’assignation en date du 23 octobre 1995 n’est donc pas entachée de nullité.

Sur le fond
Sur les droits d’auteur de Cedip sur les logiciels PTR
Attendu que, par ordonnance de référé en date du 13 avril 1995 rendu par le président du tribunal de commerce de Nanterre, M. Augendre a été désigné comme expert avec notamment pour mission, s’agissant des produits PTR, de « fournir tous éléments de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer et d’évaluer la contribution éventuelle de chaque partie au développement (d’Istra) et de PTR » ; que, dans son rapport du 31 octobre 1996, M. Augendre écrit à propos des produits (Istra) et PTR : « ces produits sont d’origine Cedip », et ajoute : « l’examen des pièces communiquées et les explications contradictoires des parties permettent seulement de constater que c’est dans le cadre des actions commerciales qu’elle a menées qu’Additional a été amenée à répercuter à Cedip des résultats de tests en clientèle ou des demandes de clients ou encore à formuler des recommandations ou suggestions » ;
Que le rapport d’expertise indique encore : « si elles (les recommandations ou suggestions) ont pu être le prélude à de nouveaux développements, elles n’en ont représenté que « l’idée ». Nous estimons ne pouvoir considérer, comme le voudrait Additional, qu’elles constitueraient des actions de développement proprement dit, ni donc qu’elles seraient représentatives d’un investissement technique » ;
Qu’au vu de ce rapport, Additional a été condamnée à payer à Cedip le solde de sa créance ;
Qu’Additional qui, à un moment donné et après le contrat conclu en 1990 avec Cedip, a revendiqué la qualité de coconcepteur et de copropriétaire en question, n’a donc pas été entendue ;
Attendu que Cedip apparaît ainsi comme l’auteur des logiciels en cause jouissant du droit moral et des droits patrimoniaux définis par le code de la propriété intellectuelle.
Sur le contrat conclu en date du 22 novembre 1989 entre Cedip et l’Onera
Attendu qu’Additional fait observer que l’Onera a concédé de manière non exclusive et non transférable à Cedip une autorisation d’exploiter un savoir-faire et un droit de reproduire et d’adapter en vue d’une exploitation commerciale un logiciel qui, selon elle, correspondrait au logiciel connu sous le nom de PTR ; que ce contrat a été résilié en date du 7 juin 1996 ; que donc l’action de Cedip en contrefaçon est basée sur des droits qui ne lui appartiennent pas et pour lesquelles elle n’est plus licenciée ;
Attendu cependant que Cedip qui n’avait pas caché à l’expert l’existence du contrat de licence avec l’Onera, a expliqué que le produit PTR 8900 sous licence Onera était sans rapport avec les produits PTR 9020 et PTR Win, ces deux derniers étant eux-mêmes sans relation ; que le PTR 8900 désigne un appareillage de contrôle de matériaux par thermographie (licence Onera) et que les produits de cette catégorie devaient, conformément à l’article 6-2 du contrat, porter la mention « Licence Onera » ;
Qu’il est donc aisé de les identifier ;
Que le PTR 9020 désigne un logiciel de traitement général d’images de thermographie ; que le PTR Win désigne un logiciel d’imagerie thermique multiforme ;
Que le sigle « PTR » signifie en anglais « Photo Thermal Radiometry » et que la désignation PTR a été conservée en ce qui concerne PTR Win en raison de la bonne image de marque dont bénéficie la gamme de logiciels PTR 9020 ;
Qu’enfin, il n’est pas indifférent de constater qu’Additional verse elle-même aux débats une commande en date du 21 septembre 1994 adressée à Cedip d’un logiciel PTR 9020 destiné à l’Onera prouvant que le PTR 9020 ne saurait être confondu avec le PTR 8900, objet de la licence Onera ;
Attendu que les droits d’auteur de Cedip sur les logiciels PTR 9020 et PTR Win sont donc établis.
Sur l’absence d’originalité de « l’implémentation » du logiciel PTR sous Windows
Attendu qu’Additional considère que Cedip s’est contentée de donner la main aux fonctions standard de Windows là où auparavant il était fait appel à des fonctions de saisie et d’affichage sous Dos ;
Qu’il y a cependant lieu d’observer que la thèse soutenue aujourd’hui par Additional diffère sensiblement de celle qu’elle avançait auprès de l’expert, M. Augendre, lorsqu’elle revendiquait la coconception et la copropriété des logiciels litigieux ;
Qu’elle indiquait, en effet, à l’époque dans les conclusions de son dire n° 1 que l’intervention de M. Y. avait été « permanente et décisive, y compris s’agissant des logiciels. Tous les logiciels PTR sont imprégnés, imbibés des apports permanents d’Additional » ;
Qu’elle ajoutait encore que « sans les investissements pour partie techniques (mais aussi marketing et commercial) d’Additional, nécessitant la mise en œuvre d’un véritable apport intellectuel de celle-ci, les produits de mesure par thermographie PTR n’auraient jamais existé » ;
Attendu qu’Additional n’a pas été suivie par l’expert qui ne lui a pas reconnu un rôle de concepteur ; qu’elle soutient aujourd’hui un point de vue opposé, en ce sens que la version PTR Win serait sans originalité et donc sans « véritable apport intellectuel » ;
Que la portée de cet avis est nécessairement réduite, compte tenu du contexte qui l’entoure ; qu’il y a lieu de souligner que, dans son dire n° 1 à l’expert, Cedip rappelait l’historique du produit PTR, indiquant que « les voies de développement retenues sont issues des demandes des clients tant existants qu’à venir », qui lui parvenaient soit directement soit par Additional et montrent par là que le développement des produits dépassait la simple migration de programme informatique de Dos vers Windows, sans remise en cause des fonctionnalités ;
Qu’elle avait procédé à la refonte complète de son produit PTR en 1993 en y incorporant les éléments technologiques suivants : logiciels multiplateforme et multicaméra développés sous Windows, utilisation de processeur DSP permettant le traitement en temps réel des images infrarouges pour donner naissance au produit PTR Win ;
Que les sommes annuelles affectées par Cedip au développement corroborent cette appréciation ;
Attendu que l’absence d’originalité de l’implémentation du logiciel PTR sous Windows ne sera donc pas un grief retenu.
Sur la contrefaçon
Attendu que les soupçons de contrefaçon du PTR Win vendu par Additional à Lille à l’Ainf et celle du PTR Dos (antérieure au PTR Win) qui aurait été commercialisé par Additional auprès du groupe hospitalier Saint-Vincent de Strasbourg amendant Cedip à présenter deux requêtes à fin de saisie-contrefaçon auprès du président du tribunal de grande instance de Lille et du président du tribunal de grande instance de Nanterre en date des 27 et 26 septembre 1995 ;
Qu’aux mêmes dates, Cedip obtenait satisfaction, le président du tribunal de grande instance de Lille délivrant une ordonnance autorisant toute saisie-contrefaçon à laquelle Cedip ferait procéder au siège d’Ainf, le président du tribunal de grande instance de Nanterre autorisant Cedip à se rendre aux mêmes fins au domicile d’Additional ; que les deux ordonnances visaient notamment le logiciel « Addelia » soupçonné par Cedip d’être la copie de son logiciel PTR Win ;
Attendu que la saisie effectuée au siège d’Ainf en date du 9 octobre 1995 permettait de découvrir qu’un micro-ordinateur, « sur lequel est implanté un logiciel Addelia », se trouvait dans un local situé au sous-sol de l’établissement ;
Que la saisie effectuée au siège d’Additional en date du 9 octobre 1995 se heurtait à l’obstruction de cette dernière ;
Qu’en effet, ainsi que le relate le procès-verbal en date du 9 octobre 1995, Mme Lagrange, directeur général d’Additional, refusait de répondre à la question relative aux relations contractuelles existant entre Additional et Cedip concernant les logiciels PTR Win et PTR Dos, ne souhaitait pas que soient effectuées des recherches de la présence du logiciel PTR Win sur le micro-ordinateur présent dans les locaux et ne souhaitait pas remettre la documentation demandée ;
Attendu, par ailleurs, que s’agissant du logiciel Addelia, Mme Lagrange déclarait qu’Additional venait d’obtenir une aide sur la phase de faisabilité du logiciel émanant de la Drire ;
Que cette déclaration est surprenante puisqu’il est établi que ce logiciel avait été vendu par Additional à Ainf en mars 1995 ainsi que l’atteste le bon de livraison du 17 mars 1995 adressé par Additional à cette association ;
Que, par ailleurs, le procès-verbal mentionne : « De même, constatons la présence dans une chemise de couleur jaune d’un ensemble de pages intitulées « Manuel utilisateur Addelia sous Windows » ;
Constatons que sur l’ensemble des pages de ce document, les mentions portant le nom de « PTR Win » ont été systématiquement remplacées par le terme « Addelia » par collage d’une bande papier ou utilisation d’un correcteur » ;
Que Mme Lagrange n’a pas souhaité remettre ce document ;
Qu’enfin, ainsi que le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille le souligne dans son ordonnance du 23 avril 1996, l’expert, M. Augendre, a constaté qu’une version de son produit PTR Win réalisé sur fonds propres de Cedip a été remise gracieusement par elle à Additional pour évaluation et essai dans le cadre de sa prestation de diffusion du produit ; qu’Additional ne revendique aucun dépôt concernant le produit Addelia, ne justifie pas de la création d’un produit original et a revendiqué la copropriété avec Cedip du logiciel PTR Win, ce qui tend à établir que le produit diffusé sous le nom de « Addelia » serait bien une version du logiciel PTR Win mis au point par Cedip » ;
Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces faits une présomption sérieuse de culpabilité d’Additional selon laquelle cette dernière aurait contrefait le logiciel PTR Win d’Edip ; que les demandes de rétractation introduites par Additional devant le tribunal de grande instance de Lille et celui de Nanterre ont d’ailleurs été rejetées ;
Que le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille a pu ainsi constater dans son ordonnance du 23 avril 1996 que la présomption de contrefaçon subsistait et que le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre relevait pour sa part dans son ordonnance du 13 novembre 1995 l’obstruction à laquelle s’était livrée Additional ;
Attendu que le tribunal retiendra donc la présomption de contrefaçon de la part d’Additional.
Sur l’argument tiré de la date du dépôt du logiciel PTR Win à l’Agence pour la protection des programmes (APP)
Attendu que le dépôt à l’APP n’est pas attributif de droit et ne fait que le constater ;
Que le logiciel de Cedip est protégé par le droit de la propriété intellectuelle ;
Qu’il est donc indifférent que le dépôt soit postérieur à la contrefaçon ;
Attendu que l’argument tiré de la date du dépôt du logiciel PTR Win ne sera donc pas retenu.
Sur l’attestation du Dr Michel Gautherie
Attendu qu’Additional produit une attestation du Dr Gautherie affirmant que le laboratoire de « thermologie biomédicale » de la faculté de médecine Louis Pasteur de Strasbourg qu’il dirige « n’a pas décidé d’acquérir ledit logiciel PTR » ;
Que cette attestation ne respecte pas les conditions exigées par l’article 202 du Ncpc en ce qu’elle n’est pas manuscrite, n’indique pas qu’elle est produite en vue de sa production en justice et n’est pas accompagnée d’un document justifiant de l’identité du signataire ;
Que sa rédaction ne permet nullement d’établir qu’une copie du logiciel contrefait n’avait pas été achetée par le laboratoire en question qui aurait lui-même fort bien pu être abusé et procéder à l’achat en toute bonne foi ;
Que, surtout, l’attestation laisse entière l’interrogation concernant la provenance du logiciel dont le magazine « Science et Avenir » fait état dans son article intitulé « La maladie du pianiste » et utilisé par le laboratoire de thermobiologie de la faculté de médecine de Strasbourg ;
Attendu que cette attestation n’apporte donc pas d’élément pertinent dans le présent litige.
Sur le préjudice de Cedip
Attendu que l’obstruction d’Additional lors de la saisie-contrefaçon ordonnée en ses locaux n’a pas permis à Cedip de recueillir les éléments comptables qui auraient permis de connaître l’étendue de son éventuel préjudice ;
Qu’à cet égard, l’obstruction apportée à l’exécution d’une saisie-contrefaçon autorisée par le juge et l’impossibilité consécutive de recueillir les informations demandées et recherchées ou, au contraire, d’apporter la preuve que la suspicion suffisamment étayée pour permettre à la requête à fin de saisie-contrefaçon de prospérer n’était en définitive pas fondée, ne saurait être utilisée pour rejeter le préjudice avancé par la victime de la contrefaçon, au motif qu’elle ne disposerait pas des éléments précis que l’obstruction précisément ne lui a pas permis de saisir ;
Qu’il en est ainsi en particulier du refus opposé par Additional de fournir les éléments comptables exigés ;
Que le préjudice est établi aujourd’hui dans son principe sur la base d’une présomption sérieuse de contrefaçon retenue par le tribunal aussi bien que des fautes contractuelles pour non-respect de l’accord conclu ;
Que son quantum sera fixé par référence au nombre d’affaires conclues par Additional pour la période allant de février 1991 à novembre 1994 tel que rapporté par cette société dans son dire n° 1 adressé à l’expert Augendre et à l’estimation proposée par Cedip à défaut d’éléments comptables précis que la saisie-contrefaçon n’a pas permis de révéler ;
Attendu que le préjudice subi par Cedip ne peut cependant pas correspondre à une perte de chiffre d’affaires mais seulement à une perte de marge et après avoir pris en compte notamment la commission qui aurait été perçue par Additional sur les affaires réalisées par elle ;
Attendu qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal arrêtera le préjudice subi par Cedip à la somme de 650 000 F et la déboutera du surplus de sa demande.
Sur les dommages-intérêts demandés par Cedip pour préjudice commercial et d’image
Attendu que Cedip ne justifie pas d’un dommage distinct du préjudice précédemment examiné, le tribunal la déboutera de sa demande.
Sur les demandes reconventionnelles
Attendu qu’Additional est mal fondée en l’ensemble de ses demandes pour les différentes raisons exposées ci-avant, elle en sera déboutée.
Sur l’exécution provisoire
Attendu que, vu la nature de l’affaire, le tribunal l’estime nécessaire, il ordonnera d’office l’exécution provisoire de la décision à intervenir sous réserve qu’en cas d’appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit.
Sur l’application de l’article 700
Attendu que, pour faire reconnaître ses droits, Cedip a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, le tribunal condamnera Additional à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 700.
Sur les dépens
Attendu qu’ils seront mis à la charge d’Additional et comprendront les frais des deux saisies du 9 octobre 1995.

LA DECISION

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, sur la demande principale et les conclusions reconventionnelles,
Donne acte à Cedip de son désistement d’instance contre Ainf,
Dit recevable mais mal fondée Additional Euro Technologies en ses exceptions de nullité de saisies-contrefaçons du 9 octobre 1995 et de nullité de l’assignation,
Condamne Additional Euro Technologies à payer à Cedip la somme de 650 000 F avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement,
Déboute Cedip de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice commercial et d’image,
Dit Additional Euro Technologies mal fondée en ses demandes reconventionnelles et l’en déboute,
D’office, ordonne l’exécution provisoire de ce jugement, sous réserve qu’en cas d’appel, le bénéficiaire fournisse une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit,
Condamne Additional Euro Technologies à payer à Cedip la somme de 20 000 F au titre de l’article 700,
Rejette comme inutiles et mal fondées toutes demandes ou conclusions plus amples ou contraires des parties, les en déboute respectivement,
Condamne Additional Euro Technologies aux dépens, en ce compris les frais des deux saisies du 9 octobre 1995.

La Cour : Mme Thaly (président), M. Drummer (juge rapporteur), M. Delouvrier (juge).

Avocats : SCP Neveu Sudaka et associés, Mes d’Andurain, Genot, Benech, Le Levreur et Prouvost.

 
 

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Maître Prouvost est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

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Maître SCP Neveu Sudaka et associés est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

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Le magistrat Delouvrier est également intervenu(e) dans l'affaire suivante  :

 

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Le magistrat JB Drummen est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante  :

 

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Le magistrat Thaly est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante  :

 

* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.