Jurisprudence : Base de données
Cour d’appel de Bordeaux, 5ème chambre, arrêt du 9 novembre 2006
M. Marc L. / M. Arnaud D’A. et Mme France D’A.
collecte - contrefaçon - données - droit d'auteur - protection - trouble manifestement illicite
Vu l’ordonnance de référé du Président du Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX en date du 28 mars 2005.
Vu l’appel interjeté le 6 avril 2005 par M. Marc L..
Vu ses conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour et signifiées le 11 août 2006.
Vu les conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour et signifiées le 15 décembre 2005 par Mme France D’A. et M. Arnaud D’A..
Vu l’ordonnance de clôture en date du 28 août 2006.
M. Arnaud D’A. qui a des compétences reconnues en héraldique a, avec l’aide de son épouse, créé une base de données de 338 000 descriptions d’écus tirés de 70 armoriaux et réalisé 1 500 dessins de blasons en couleurs naturelles. Il est établi qu’avec l’assistance d’un informaticien, M. Benoit C., il a conçu deux CD ROM, l’un sur l’art du blason et recherches sur armoriaux, l’autre concernant le dessin assisté d’écus, tous deux commercialisés entre 1998 et 2003 par la Société SECTOR.
Ses travaux ont été salués par les spécialistes.
Le 24 octobre 2003 il a conclu avec M. Marc L., informaticien, un contrat d’une durée de trois ans à compter du 10 décembre 2003 ainsi rédigé :
« les CD ROM seront composés d’accord partie ; leurs tarifs également fixés.
M. L. aura liberté de distribuer les CD ROM réalisés sur les bases de données fournies par M. D ABZAC (à ce jour 338 000 blasons tirés de quelques 70 armoriaux) et le CD ROM de dessin d’écus dont il sera parlé ci-après, ainsi que le CD ROM d’enluminures qui viendra en 2004.
M. L. étudiera la forme sous laquelle les produits seront présentés et envoyés aux acheteurs (conditionnement et tarifs postaux) ; les frais de copie de CD ROM et leur envoi aux clients seront à a charge de M. L. ; M. D’A. fournira gratuitement les guides héraldiques à joindre aux envois.
M. L. conserve l’entier bénéfice des ventes réalisées jusqu’à la disparition de M. D’A., sous réserve qu’il améliore des programmes d’initiation à l’héraldique, de présentation d’armoriaux, et de recherche de blasons inconnus, par le nom ou par les éléments figurant sur les écus.
Après la mort de M. D’A., M. L. versera à Mme D’A. le tiers des sommes HT des CD ROM vendus, payable dans les dix jours suivant l’échéance de chaque trimestre et ceci jusqu’à la fin du contrat.
M. D’A. et M. L. conjugueront leurs efforts pour établir le fichier clients (…)
M. D’A. s’engage à fournir une première liste de clients (liste succincte) et à assurer les frais d’élaboration de la plaquette des ventes ; il assurera les dépenses de mailing pour la première année du contrat.
Il soumettra à M. L. un projet de cette plaquette recto verso en couleurs à faire imprimer.
M. L. distribuera les disques de dessins d’écus et d’enluminures sans avoir à participer à leur amélioration qui restera à la charge de M. D’A. ».
Ce contrat est à l’évidence un contrat de distribution des travaux de M. D’A. sur les blasons, armoriaux, dessins d’écus et enluminures, ce qu’a d’ailleurs expressément reconnu M. L. dans un courrier du 24 août 2004.
Ce contrat incluait tacitement que le nom de M. D’A. apparaisse sur les CD ROM comme en témoignent les premiers CD ROMS commercialisés sous l’intitulé « conceptions Arnaud D’A. » et la lettre de M. L. en date du 24 août 2004 dans laquelle il rappelle cet accord.
Toutefois après avoir commercialisé les CD ROM de recherche sur armoriaux et de dessin assisté d’écus sous l’intitulé « conceptions Arnaud D’A. » conformément à leurs accords, M. L. a commercialisé des CD ROM de recherche d’armoriaux et des CD ROM de dessin assisté d’armes sur lesquels toute référence à M. Arnaud D’A. a disparu, cette série s’intitulant désormais « collection Vincent Petit dit Dispan » ; il a aussi ouvert un site internet « Euraldic.com » comme en témoigne le constat dressé le 21 octobre 2004 où aucune référence n’est faite aux travaux de M. D’A..
Il est certes constant que M. L. a développé des logiciels plus performants que ceux de M. C., logiciel « Euraldic » de recherche et logiciel « Euraldess » de dessin assisté, pour assurer la distribution des travaux de M. D’A. et a fait ainsi œuvre de création ; toutefois M. D’A. ne revendique nullement de droits sur l’œuvre informatique de M. L. mais estime que celui-ci a porté atteinte à son droit d’auteur.
M. L. fait valoir que les données collectées par l’intimé sont dans le domaine public et ne peuvent en conséquence ouvrir droit à une quelconque protection.
Or il est établi par les pièces versées aux débats que M. D’A. ne s’est pas contenté de compiler de telles données mais s’est investi de façon substantielle pendant plusieurs années pour les réunir, vérifier, classer, agencer en faisant des efforts de sélection et de conception, pour les présenter dès 1998 sur des CD ROMS ; de même il a lui même dessiné et colorié « en couleurs naturelles » les écus.
Ce faisant il a à l’évidence fait œuvre de création et a droit à la protection de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle.
Ainsi M. L. en supprimant le nom de M. D’A. sur les CD ROMS, en y ajoutant de sa propre initiative des dessins ou commentaires – ce qu’il reconnaît (cf lettre du 24 août 2004) et en s’appropriant ses travaux (en reproduisant les mêmes erreurs) a porté atteinte à son droit d’auteur et est à l’origine d’un trouble manifestement illicite que le premier juge a fait cesser par des mesures appropriées.
En conséquence la décision déférée sera confirmée.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l’intimé à hauteur de 2 000 €.
DECISION
La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire.
Confirme l’ordonnance de référé du Président du Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX en date du 28 mars 2005.
Condamne M. Marc L. à payer à M. et Mme Arnaud D’A. une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
La Cour : M. Patrick GABORIAU (président), Mme Josiane COLL (conseiller) Mme Edith O’YL (conseiller), M. Hervé GOUDOT (greffier)
Avocats : SCP Michel PUYBARAUD, Me Michel PERRET, SCP RIVEL & COMBEAUD, Me CHEVALLIER
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