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Jurisprudence : Droit d'auteur

lundi 22 octobre 2001
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Tribunal de grande instance de Nanterre Ordonnance de référé du 22 octobre 2001

Jean T. dit Jean F., Sarl Productions Alleluia, Sarl Teme / Sté Ifrance (venant aux droits de la SA Opsion Innovation), Xoom.com Inc. et Sté NBC

agent assermenté - artiste interprète - constat - droit d'auteur - hébergeur - prudence - site internet

Faits et procédure

Nous, juge des référés, après avoir entendu les conseils des parties à l’audience du 15 octobre 2001 et les avoir avisés du prononcé de notre ordonnance du 22 octobre 2001,

Vu l’assignation délivrée les 16 et 19 juin 2000 par Jean T. dit Jean F., la société Productions Alleluia et la société Teme à la société Opsion Innovation et à la société Xoom.com Inc.,

Vu les conclusions déposées à l’audience du 10 juillet 2000 par, d’une part, Jean T., la société Productions Alleluia, la société Teme, d’autre part, la société Opsion Innovation,

Vu l’article 809 du nouveau code de procédure civile,

Jean T. dit Jean F., auteur-compositeur, la société Productions Alleluia, cessionnaire des droits d’Aragon sur ses poèmes mis en musique et cessionnaire des droits de Jean F. sur ses compositions musicales, ainsi que la société Teme, titulaire d’un contrat d’enregistrement exclusif des interprétations musicales de Jean F., exposent :

– que le site www.ifrance.com/jean-F., hébergé par la société Opsion Innovation, et le site members.xcom.com/jean-F., hébergé par la société Xoom.com Inc., ont reproduit l’image et le pseudonyme de Jean F., seize titres de chansons, les paroles de douze chansons (premier site) et l’interprétation de chansons par Jean F. (second site),

– que ces agissements ont été constitutifs d’une contrefaçon, ainsi que d’une atteinte au “droit patrimonial”, au droit à l’image et au droit moral d’artiste-interprète de Jean F., aux “droits exclusifs” de la société Production Alleluia et aux “droits d’exclusivité” de la société Teme.

Ils sollicitent en conséquence :

– l’interdiction faite sous astreinte à la société Xoom.com Inc. de reproduire les interprétations de Jean F.,

– la condamnation in solidum de la société Opsion Innovation et de la société Xoom.com Inc. à verser une indemnité provisionnelle de 500 000 F à Jean F., une indemnité provisionnelle de 500 000 F à la société Productions Alleluia et une indemnité provisionnelle de 200 000 F à la société Teme,

– une mesure de publication judiciaire, sous contrôle d’huissier, dans cinq journaux et sur la page d’accueil du site www.ifrance.com/jean-F.,

– la condamnation in solidum de la société Opsion Innovation et de la société Xoom.com Inc. à leur verser à chacun une indemnité de 10 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Faisant valoir qu’aucune lettre recommandée ne lui a été adressée préalablement à la délivrance de l’assignation, qu’il résulte d’un procès-verbal d’huissier de justice que, dès le lendemain de la signification de l’assignation, elle a pris toutes mesures utiles pour que les sites litigieux ne soient plus accessibles et que le créateur du site, Jean Morin, n’a pu être attrait à l’instance, faute d’avoir déclaré sa véritable adresse, la société Ifrance, venant aux droits de la société Opsion Innovation, sollicite :

– que Jean F. soit déclaré irrecevable à agir, faute d’intérêt, dès lors qu’il n’est pas démontré qu’elle a reproduit les musiques dont celui-ci est l’auteur,

– que Jean F., la société Productions Alleluia et la société Teme soient “déboutés” de leurs demandes et que le juge des référés se déclare “incompétent”, motifs pris de l’absence d’urgence, de trouble manifestement illicite et de dommage imminent,

– à titre subsidiaire, qu’il soit jugé que sa responsabilité n’est pas engagée et qu’il soit donné acte qu’elle s’engage à maintenir les mesures prises,

– à titre subsidiaire, qu’il soit jugé que la responsabilité de Jean Morin doit être retenue et que celui-ci soit condamné à la garantir,

– que Jean F., la société Productions Alleluia et la société Teme soient condamnés à lui verser une somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu’une indemnité de 15 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Relatant que la législation américaine est proche de la législation française en ce domaine et qu’elle a le pouvoir de suspendre l’accessibilité aux sites en infraction avec ses conditions générales qui édictent notamment la nécessité de respecter les droits d’auteur, la société NBC, venant aux droits de la société Xoom.com Inc., sollicite, outre une indemnité de 15 000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, que les demandes formées par Jean F., la société Productions Alleluia et la société Teme soient déclarées irrecevables, faute de réclamation préalable, et, subsidiairement, qu’elles soient rejetées.

Il convient au préalable de rappeler que l’affaire a été radiée le 18 septembre 2000, puis rétablie le 31 août 2001.

Il résulte du procès-verbal qu’elle a établi le 19 mai 2000 que l’Agence pour la protection des programmes a téléchargé douze fichiers provenant du site members.xoom.com/jean-F. et les a transférés sur un CD-Rom, lequel a été versé aux débats de la présente instance.

L’action de Jean F. au regard de la reproduction de ses interprétations musicales sur le site members.xoom.com/jean-F. est donc parfaitement recevable.

Par ailleurs, aucune irrecevabilité ne saurait être retenue en raison d’une absence de réclamation préalable à l’introduction de la présente instance.

La loi du 1er août 2000 est entrée en vigueur postérieurement aux faits litigieux et ne leur est donc pas applicable.

Il résulte du procès-verbal établi le 19 mai 2000 par l’Agence pour la protection des programmes que le site www.ifrance.com/jean-F., hébergé par la société Opsion Innovation, et le site members.xoom.com/jean-F., hébergé par la société Xoom.com Inc., ont reproduit l’image et le pseudonyme de Jean F., seize titres de chansons, les paroles de douze chansons (premier site) et l’interprétation de chansons par Jean F. (second site).

Il résulte d’un procès-verbal de constat établi le 20 juin 2000 par Me Alain Saragoussi, huissier de justice à Paris, qu’à cette date le premier site ne comportait plus ni mention relative à Jean F., ni hyperliens renvoyant au chanteur, et que le second site n’était plus accessible.

La société Ifrance démontre par les pièces qu’elle produit :

– que, dans ses “conditions générales d’utilisation du service gratuit d’hébergement de sites”, elle a prohibé « les thèmes, contenus ou sujet ”contenant“ toute atteinte aux droits à l’auteur ou au droit à l’image”,

– qu’elle a tenté sans succès d’attraire à la présente instance le créateur des sites litigieux, celui-ci ayant déclaré une fausse adresse,

– que, dès le lendemain de la délivrance de l’assignation, alors qu’elle n’a reçu aucune réclamation préalable, elle a suspendu l’accessibilité aux sites litigieux, sans qu’il soit allégué que cette accessibilité ait été rétablie depuis lors.

Il n’est ainsi pas démontré que les sociétés Ifrance et NBC ont failli à leur obligation de vigilance et de prudence quant au contenu des sites accueillis.

Les demandeurs ne peuvent, en conséquence, utilement se prévaloir des dispositions de l’article 809, alinéa 1er, du nouveau code de procédure civile, qu’ils visent expressément dans leurs conclusions au titre des “mesures conservatoires” sollicitées, le trouble manifestement illicite ayant cessé et le dommage ne pouvant être imminent puisque déjà constitué au moment de la délivrance de l’assignation.

Ils ne peuvent davantage valablement invoquer les dispositions de l’article 809, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, l’existence de l’obligation des sociétés Ifrance et NBC n’étant pas non sérieusement contestable.

Il n’y a donc pas lieu à référé.

Il y a lieu de donner acte à la société Ifrance de ce qu’elle entend maintenir les mesures qu’elle a prises quant à l’inaccessibilité aux sites litigieux.

L’abus des demandeurs dans l’exercice de leur droit d’agir en justice n’étant pas démontré, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Ifrance.

Au titre de l’équité, il y a lieu d’allouer à la société Ifrance une indemnité de 10 000 F et à la société NBC une indemnité de 5 000 F en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs,

. déclarons l’action recevable,

. disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes formées par Jean F., la société Productions Alleluia et la société Teme,

. disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Ifrance,

. donnons acte à la société Ifrance de ce qu’elle entend maintenir les mesures qu’elle a prises quant à l’inaccessibilité aux sites litigieux,

. condamnons Jean F., la société Productions Alleluia et la société Teme à verser à la société Ifrance une indemnité de 10 000 F (1 524,49 €) et à la société NBC une indemnité de 5 000 F (762,25 €) au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

. condamnons Jean F., la société Productions Alleluia et la société Teme aux dépens.

Le Tribunal : M. Pascal Chauvin (vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du président du tribunal).

Les Avocats : SCP Granger, Hess, Mes Claire Jarlaud-Lang et Nicolas Godefroy.

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