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Hébergeur : les juges du fond et des référés en désaccord sur l’obligation de collecte de données d’identification des contributeurs
En l’absence du décret en Conseil d’Etat prévu à l’article 6-II de la LCEN, l’obligation de conservation des données d’identification des créateurs de contenus par les hébergeurs est interprétée de manière très variable selon les juges, même au sein d’une même juridiction. En référé, la cour d’appel de Paris est restée très prudente sur la question. Dans une ordonnance du 7 janvier 2009, elle a autorisé la société Youtube à communiquer à l’humoriste Raphaël Mezrahi et à la société de production Troyes dans l’Aube les noms d’utilisateurs, leur adresse électronique et l’IP utilisées par les internautes à l’origine de la mise en ligne de vidéos litigieuses dont l’URL avait été identifiée dans des constats. Faute de décret, la cour a conclu que la communication sollicitée ne pouvait être limitée qu’aux documents proposés par Youtube, à savoir ceux qu’elle est susceptible de recueillir au moment de la mise en ligne. La cour a, par ailleurs, semblé connaître le contenu du projet de décret qui devrait bientôt être publié, puisqu’elle précise que ce texte ne ferait pas obligation de collecter noms, prénoms, adresse et numéro de téléphone de l’éditeur du contenu.
Le même jour, le TGI de Paris est arrivé à la même conclusion que la cour d’appel dans une ordonnance de référé relative à une affaire opposant Lafesse à Youtube. Constatant également l’absence de décret, le tribunal a demandé à la plateforme de partage de vidéos de communiquer les données fournies par les éditeurs, à savoir les internautes, notamment les adresses IP et email. Pour les autres informations, «la loi n’impose pas aux hébergeurs de détenir ces données et en détenant et conservant l’adresse e-mail ainsi que l’adresse IP des éditeurs qui sont de nature à permettre leur identification, la société Youtube remplit l’obligation que lui impose l’article 6-II de la LCEN. Dès lors, il n’y a pas lieu de mettre à sa charge les frais nécessaires à l’obtention des informations réclamées par les demandeurs».
Dans un jugement au fond du 14 novembre 2008, le TGI de Paris a jugé au contraire que Youtube n’avait pas rempli ses obligations d’hébergeur en ne collectant que l’adresse IP, l’adresse email et les pseudonymes des internautes pouvant poster une vidéo. Les juges ont rappelé que la LCEN impose aux éditeurs, en l’espèce les internautes, de communiquer leurs noms, prénoms, domicile et numéros de téléphone et que c’est aux hébergeurs de leur fournir les moyens techniques nécessaires pour satisfaire cette exigence. Ils en ont déduit qu’en l’absence de décret précisant les données devant être collectées ainsi que leur durée de conservation, Youtube devait demander toutes ces informations aux internautes. En ne le faisant pas, le TGI a jugé que le site avait engagé sa responsabilité.
L’ordonnance de référé du 7 janvier dernier de la cour d’appel de Paris a été rendue dans le cadre d’un incident de communication de pièce. L’arrêt sur l’appel de l’ordonnance de référé du 9 janvier 2008 interviendra ultérieurement. Dans cette décision, le TGI de Paris avait estimé que les demandes de l’humoriste et de la société de production étaient irrecevables car ils n’avaient pas listé les vidéos litigieuses mises en ligne et s’étaient contentés de communiquer des DVD « laissant au juge le soin de faire seul le travail de comparaison entre les vidéos qu’il aurait connues en lisant les procès-verbaux de constat et les oeuvres visionnées en cabinet, privant ainsi les parties et notamment la société défenderesse du principe essentiel du contradictoire ».