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Le droit d’analyse d’un antivirus à l’épreuve du droit d’auteur
Au nom du droit à l’analyse et à la critique, peut-on désassembler un logiciel, diffuser des extraits de son code sans l’autorisation de l’auteur ? Telle était la question soumise au tribunal correctionnel de Paris, le 4 janvier dernier.
Agacé par la publicité de Tegam, l’éditeur de l’antivirus Viguard, qui vantait la fiabilité totale de son produit, l’individu qui s’exprime dans les forums de discussion sous le pseudonyme de « Guillermito » a voulu démontrer le contraire. Pour ce faire, il s’est procuré le programme, l’a étudié, l’a soumis à un logiciel de test et a ensuite diffusé ses conclusions sur internet. Il ne s’est cependant pas contenté de communiquer son avis très critique sur un ton qu’il qualifiera lui-même d’excessif, il a également mis en ligne des éléments du code de Viguard pour étayer ses affirmations.
Tegam a porté plainte avec constitution de partie civile contre « Guillermito » sur le fondement de la contrefaçon par reproduction, décompilation et diffusion gratuite non autorisées. Etait-il licite de regarder à l’intérieur du logiciel ? L’article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle procure certains droits à l’utilisateur, sans que ce dernier ait à solliciter l’autorisation du titulaire. Il s’agit notamment du droit d’observer, d’étudier ou de tester le logiciel ou du droit de le décompiler. Mais comme le rappelait Alain Bensoussan, défenseur de Tegam, seul un utilisateur légitime peut bénéficier de ces droits, et sous certaines conditions. « Guillermito » a bien affirmé à l’audience qu’il avait fait parvenir aux services de police une licence qu’un internaute lui aurait transmise. Mais, selon l’un des trois magistrats, ce document ne figurait pas dossier. De toutes façons, « Guillermito » avait lui-même déclaré, sur son site, que les six versions de Viguard testées provenaient du net « en warez » ou lui avaient été prêtées par des internautes. Au juge de trancher la question de savoir si « Guillermito » était un utilisateur légitime. De son côté, Olivier Iteanu, défenseur du prévenu, invoque la liberté d’expression. Et comment parler d’un antivirus si on ne peut en observer le fonctionnement ?
Le procureur de la République a requis une condamnation de quatre mois de prison avec sursis et 6 000 euros d’amende. L’affaire est mise en délibéré.