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Commentaire de l’ordonnance de référé, TGI Paris 10 janvier 2000, par Ambroise Soreau
L’établissement d’un fichier de membres d’une association politique, par un administrateur judiciaire, nommé par décision de justice, et aux fins de savoir si le quorum nécessaire pour la réunion d’une assemblée générale extraordinaire a été atteint, doit-il faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL ? Telle était la question que posait en substance cette affaire, jugée le 10 janvier 2000, et intervenant à l’occasion d’un différend entre les membres de l’association Front National.
Le juge des référés en l’espèce, renvoie les parties au fond et prévient l’éventuel « dommage imminent » que constituerait la duplication ou la divulgation du fichier litigieux, en désignant un expert judiciaire pour l’encrypter et s’en constituer séquestre. Au surplus, le juge des référés considère que les dispositions de l’article 1er du décret 90-115 du 12 février 1990 ne « paraîssent pas applicables au cas d’espèce ».
Ce dernier point de droit ne semble pas poser de difficultés. Le décret prévoit en effet que « les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif sont autorisées, pour l’exercice de leur mission, à mettre ou conserver en mémoire informatisée les données nominatives nécessaires à l’instruction et au jugement des litiges dont elles sont saisies et à l’exécution des décisions de justice qui font apparaître directement ou indirectement, les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales des parties au litige ». Or l’administrateur judiciaire est un mandataire de justice. S’il est donc amené, de fait, à intervenir après désignation par un tribunal compétent, il n’est pas assimable pour autant aux juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif.
Dès lors à certains égards cette action en justice peut apparaître comme une manœuvre dilatoire. Après tout, le fichier constitué par l’administrateur judiciaire n’a pas une finalité différente de celle de tout fichier constitué par une association. Le calcul d’un quorum, apparaissant, au regard de l ‘article 2 de la norme simplifiée n°23 de la CNIL comme nécessaire « pour répondre à des besoins de gestion, des états statistiques ou des listes de membres, notamment en vue d’adresser bulletins, convocations, journaux ».
Reste que dans une situation comme celle-ci, il convient de ne pas perdre de vue que nous sommes dans un domaine qui touche aux libertés et aux droits de la personnalité. Les textes sont donc d’interprétation restrictive et chacun est en droit d’attendre le plus haut niveau de protection notamment lorsqu’il s’agit de données à caractère politique. En dernière hypothèse donc, dans le silence de la loi Informatique et Libertés, une déclaration préalable à la CNIL semble bien devoir être nécessaire pour la constitution d’un tel fichier.
Ambroise Soreau