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AN 2000 : les assureurs RCP menacés par la faillite
D’après la jurisprudence de la Cour de cassation, le risque sera pris en compte au moment du fait générateur, donc de la livraison et non à celui de la réclamation, soit l’an 2000.
Au tribunal de commerce de Paris où une première décision vient d’être rendue en matière d’exclusion du risque « an 2000 » des contrats d’assurance, ils étaient venus nombreux assister à la conférence que l’Afdit organisait sur le thème « Le risque an 2000 est-il assurable ? ».
Comme le rappelait Henri Alterman, avocat à la cour de Paris, « Aujourd’hui, il n’est plus possible de s’assurer contre ce risque ». Et ceux dont la police aurait été résiliée ne trouveront pas d’assureur prêt à les garantir, comme l’illustre l’affaire ci-dessous évoquée.
Mais qu’en est-il de ceux qui sont apparemment garantis ? « Nous serons couverts si nous avons suivi une démarche préventive en procédant notamment à des tests ou en demandant des engagements auprès de nos fournisseurs. La situation est différente en matière électronique où un prestataire ne peut pas s’engager, en raison de la multiplicité des sous-traitants. Aucun test ne nous permet de vérifier toutes les puces. Dans ce cas, il est difficile de prouver toute démarche sécurité », a déclaré Luc Laurens, du service « Assurances » de la direction financière de La Poste qui s’exprimait au nom des assurés. Le représentant des assureurs, Claude Delpoux, directeur des risques « Entreprise » à l’Assemblée plénière des sociétés d’assurances dommages, a abondé dans son sens, « S’il n’y a pas d’aléa, le risque ne sera pas couvert par l’assurance, sauf si toutes les mesures nécessaires ont été prises. Dans ce dernier cas, nous garantissons l’aléa résiduel, à condition qu’il soit couvert par un contrat ».
Luc Laurens a ensuite passé en revue les différents types de contrats susceptibles de s’appliquer. En matière d’assurance dommage, il n’y a pas grand chose à attendre. « Dans ce type de police, le risque immatériel est exclu, donc l’an 2000 », rappelle-t-il. En matière de responsabilité civile générale ou d’exploitation, « les assureurs sont très ouverts car le risque est faible ». Toute autre est la situation de la responsabilité civile professionnelle des sociétés informatiques où les compagnies se sont ménagées des clauses d’exclusion face à un risque très important. Mais si la Cour de cassation maintient sa position, ces clauses pourraient être annulées. Celle-ci ne prendra pas en compte le moment de la réclamation, à savoir l’an 2000, mais celui du fait générateur. « Le juge va apprécier le vice au moment de la livraison du produit. Mais les polices RCP excluent les conséquences d’un dommage lorsque le défaut était connu au moment de la prestation. Avec l’an 2000, nous sommes dans le domaine du connu. Il faudra donc procéder à une analyse au cas par cas », explique Claude Delpoux de l’Apsad. Cette jurisprudence unique au monde est également critiquée par Luc Laurens qui estime que « la position de la Cour de cassation va mener à la faillite les compagnies d’assurance RCP. Il faut souhaiter que les juges reviennent sur cette jurisprudence aberrante d’un point de vue économique », a plaidé Luc Laurens de La Poste. Ce à quoi Stéphane Lemarchand, avocat à la cour de Paris, lui a rétorqué que « la jurisprudence de la Cour de cassation représente justement le seul rempart des assurés face à une exclusion du risque an 2000. Elle constitue un argument fort dans une négociation juridique et commerciale ».
Même si aujourd’hui, comme le rappelait Henri Alterman, les entreprises informatiques ne sont pas assurées contre le risque an 2000, cette situation pourrait cependant être remise en question par les tribunaux.