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Droit des marques et nom de domaine : application du principe de spécialité
Deux dépôts de marques identiques dans les mêmes classes n’empêchent pas deux marques de coexister en application du principe de spécialité. D’ailleurs le fait que deux enregistrements mentionnent le même service ne signifie pas automatiquement une similitude de ce service, tel en a jugé le TGI de Créteil le 29 mai 2001.
En l’espèce, deux sociétés ont déposé la même marque « RECIF » dans trois classes similaires. La SA RECIF, qui a déposé la marque RECIF le 12 juillet 1988, a fait assigner la SARL RECIF, qui a déposé la même marque le 19 novembre 1997, aux fins d’interdiction d’utilisation et d’annulation de la marque citée, ainsi qu’aux fins de radiation du nom de domaine auprès de l’unité d’enregistrement.
Le tribunal, rappelant le principe selon lequel « la classification des produits et services, pouvant être désignés par une marque, n’a qu’une valeur administrative, sans portée juridique », a fait application du principe de spécialité qui permet de protéger une marque pour les produits ou services expressément visés dans le dépôt mais aussi pour les produits ou services similaires qui en raison de leur nature ou destination peuvent être attribués à la même origine. Il a relevé que la SA RECIF, demanderesse à l’instance, a pour activité spécialisée l’ingénierie et la formation en informatique, alors que la SARL RECIF fournit aux entreprises et au public un service de connexion à Internet. Le tribunal a ainsi constaté l’absence d’identité des activités des deux sociétés et a admis la coexistence des marques identiques dès lors que leur objet n’est pas similaire et qu’il n’y a pas de risque de confusion entre elles. D’ailleurs, le tribunal va plus loin dans son analyse en relevant que le fait que les deux sociétés en litige aient visé le même service dans l’acte de dépôt n’entraîne pas une similitude de ce service. Ce qui est pris en considération, c’est le service exact tel qu’il est cité dans l’acte de dépôt. Ainsi, en l’espèce, le TGI de Créteil précise que « la marque dont est propriétaire la SA RECIF protège son activité informatique caractérisée par les études, le conseil en ingénierie et la formation mais non l’ensemble des services dans lesquels sont susceptibles d’être utilisés des produits informatiques, la création et la réalisation de logiciels ».
L’appréciation de la similitude de produits ou services étant une question de fait, le tribunal relève que « les services en litige, respectivement fournis par les parties, n’ont pas la même nature, ni la même destination et ne sont pas complémentaires ».
Quant à l’atteinte à la dénomination sociale sur le fondement de l’article 1382 du code civil, le tribunal rejette la demande de la SA RECIF en constatant une absence de faute de la SARL RECIF. L’utilisation du nom de domaine « recif » par la SARL RECIF n’interdit pas à la demanderesse de disposer d’un site Internet. Le tribunal constate, en effet, que la SA RECIF n’est pas empêchée d’exploiter un site Internet, sous son nom, en « .com » et en « .fr ».