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Steam : interdiction illicite de revente de jeux dématérialisés
Le TGI de Paris a déclaré illicites ou abusives quatorze clauses des conditions générales de la plateforme Steam de distribution en ligne de contenus numériques, jeux vidéo, logiciels, films, séries, etc, suite à une plainte de la fédération de consommateurs UFC Que Choisir. Son jugement du 17 septembre 2019 sanctionne trois types de clauses portant sur les conditions générales d’utilisation de la plateforme, les règles de protection des données personnelles et celles relatives à la propriété intellectuelle. Sur ce dernier point, le tribunal a jugé illicite la clause qui interdit aux utilisateurs de revendre ou de transférer les droits d’accès et d’utilisation des jeux vidéo qu’ils ont acquis sur la plateforme. Comme l’a rappelé la Cour de justice de l’UE dans son arrêt UsedSoft, l’épuisement des droits s’applique quel que soit le mode de distribution du jeu vidéo, comme en l’espèce le téléchargement. Le tribunal a également invalidé une clause qui confère à la plateforme un droit non exclusif, mondial et pendant toute la durée de validité des droits de propriété intellectuelle sur les contenus générés par l’utilisateur, sans que soit précisé le contenu visé, les droits conférés ainsi que les exploitations autorisées. Cette clause est en effet contraire aux articles L 131-, L 131-2 et L 131-3 du code de la propriété intellectuelle.
Le tribunal a par ailleurs jugé illicites cinq clauses relatives à la protection des données personnelles, inscrites dans la Privacy Policy de la plateforme. L’UFC invoquait le fait qu’il était impossible de comprendre la référence faite aux « lois applicables sur le marketing par email ». Le tribunal a estimé que la clause n’était ni claire ni compréhensible, donc abusive. Il a également invalidé la clause qui soumet les contestations à la juridiction et aux procédures américaines, en vertu des engagements pris par la plateforme au titre du « bouclier de protection des données ». Selon les juges, « la clause n° 9 de l’ »Accord sur la protection de la vie privée » des conditions générales d’utilisation de la plate-forme Steam, qui attribue compétence, dans l’éventualité d’un litige opposant l’utilisateur à la société Valve, à la « Commission fédérale du commerce » située aux Etats-Unis, dont l’éloignement est de nature à dissuader l’utilisateur, en raison des difficultés pratiques et du coût relatifs à leur accès, d’exercer toute action et de le priver de fait de tout recours de nature judiciaire à l’encontre du fournisseur du service. ». Par ailleurs, le tribunal a également censuré la clause qui limite le bénéfice des droits d’accès, de correction, de suppression ou de modification des données aux seuls utilisateurs du site, à l’exclusion des utilisateurs passifs alors que les données de ces derniers peuvent être collectées via les cookies.
Sept autres clauses des conditions générales ont été invalidées. Est jugée illicite la clause qui oblige un consommateur en conflit avec la plateforme à recourir obligatoirement à la médiation avant toute saisine d’un juge. Le tribunal juge également illicite la clause qui supprimerait le droit à réparation du consommateur pour la mise à disposition à titre onéreux de logiciels bêta non finalisés et bogués, susceptibles de créer des dysfonctionnements de l’ordinateur. Sans surprise, la clause qui prévoit la possibilité de modifier unilatéralement les conditions de souscription est réputée non écrite. Sur les règles de comportement qui peuvent occasionner une résiliation du compte sans préavis, le tribunal a jugé les termes employés imprécis et équivoques qui ne permettent pas au consommateur de déterminer sa conduite en ligne. Enfin, l’UFC remettait en cause les règles de fonctionnement du porte-monnaie électronique Steam. La plateforme s’autorise à ne pas restituer les crédits restants lorsque le souscripteur refuse les nouvelles modifications mises en place par Steam. Pour le tribunal, le site met en place un « substitut électronique » de la monnaie fiduciaire, pour une valeur égale à celle des fonds remis. Cette substitution provisoire fait naître une créance de remboursement au profit de l’utilisateur. En prévoyant que les fonds ne sont ni remboursables ni transférables, la clause est illicite au regard du code monétaire et financier.
La plateforme qui conteste le jugement a fait appel.