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mercredi 02 juillet 2025
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Géobloquer l’accès en France de messages dénigrants vaut suppression

 

Par un arrêt du 13 juin 2025, la cour d’appel de Paris confirme le jugement du 21 septembre 2022 du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il avait jugé manifestement illicite les commentaires des consommateurs sur le site Signal-arnaques.com édité par la société Heretic et dont il avait ordonné la suppression. Suite à ce jugement, des messages supprimés avaient cependant été rediffusés mais l’accès depuis la France avait été géobloqué. La cour a rejeté la demande de retrait, considérant que la mesure de géoblocage valait suppression au sens de la LCEN.
Ecoservices propose en ligne des documents, tels que des contrats types préremplis ou des lettres types, sous la forme d’abonnement mensuel, précédé d’une offre promotionnelle à prix réduit d’une durée de 48 heures. Des internautes mécontents ont utilisé le site Signal-arnaques.com pour dénoncer le fait d’avoir été orientés, sans en avoir eu vraiment conscience, vers la souscription à un abonnement mensuel alors qu’ils avaient opté pour une offre à un euro le formulaire. S’estimant victime de commentaires d’internautes dénigrants au travers des sites « www.signal-arnaques.com » et «www.scamdoc.com », la société Eoservices a mis en demeure à plusieurs reprises Hérétic de supprimer ces contenus, en vain. En conséquence, Eoservices a fait assigner la société Hérétic aux fins de suppression des commentaires litigieux devant le tribunal de commerce de Paris. Celui-ci a condamné Hérétic à verser 25 000 euros pour préjudice moral et 10 000 euros au titre de l’article 700 du CPC à Eoservices pour la publication des commentaires jugés dénigrants et pour ne pas les avoir retiré promptement malgré leur signalement. La cour d’appel a confirmé le jugement. Comme le tribunal, la cour a cependant estimé que les commentaires comportant le terme « arnaque » n’étaient pas illicites. Ce terme « peut être considéré comme entrant dans le langage courant pour dénoncer un mécontentement de la part d’utilisateurs du service décrié, sans pour autant être dénigrant », ce qui n’est pas le cas « de termes très forts renvoyant à des infractions pénales (escrocs, abus de confiance, margoulins, porter plainte) employés dans certains commentaires publiés aux adresses 366200 et 472354, caractérisent des propos de nature à jeter le discrédit sur les services proposés par Eoservices sachant que l’absence d’information claire sur l’expérience de consommation et l’identification des auteurs ne permet pas d’asseoir une base factuelle suffisante ».
Depuis le jugement rendu le 21 septembre 2022, Eoservices avait constaté qu’Hérétic avait rediffusé des contenus supprimés en géobloquant leur accès depuis la France ainsi que l’apparition de nouveaux commentaires litigieux. Alors qu’Hérétic contestait le caractère manifestement illicite ou dénigrant de commentaires géobloqués, Eoservices, de son côté, estimait que cette mesure constituait un aveu judiciaire du caractère illicite des avis et a donc demandé leur retrait. La cour réfute l’idée d’un aveu judiciaire et considère par ailleurs que la mesure de géoblocage ne permet plus aux internautes français d’accéder à ces commentaires depuis le territoire français alors qu’ils en sont destinataires. En conséquence, elle déboute Eoservices de sa demande de suppression. Seuls ont été retenus les actes de dénigrement correspondant aux anciens commentaires.