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Accès à l’identité des internautes : les tribunaux doivent interpréter la loi nationale
Promusicae, association espagnole de producteurs et éditeurs musicaux, avait obtenu en 2006 du tribunal de commerce de Madrid qu’il ordonne au fournisseur d’accès Telefonica de communiquer les coordonnées d’abonnés qui utilisent le site de P2P Kazaa. Le fournisseur d’accès a fait opposition à cette décision en affirmant que cette communication de données n’était autorisée que dans le cadre d’une enquête pénale. Le tribunal s’est tourné vers la CJCE pour connaître l’interprétation du droit communautaire. Plusieurs directives européennes sont, en effet, concernées. D’un côté, la directive relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information demande aux Etats d’assurer une protection effective de la propriété intellectuelle. Mais d’un autre côté, la directive de 2002 sur la protection des données personnelles dans le secteur des communications électroniques prévoit l’effacement des données de trafic. Leur conservation est cependant envisagée en vue d’une divulgation dans le cadre d’une enquête pénale. Toutefois, la directive de 1995 sur la protection des données à caractère personnel autorise les Etats à alléger l’obligation de confidentialité sur ces données quand cette limitation est nécessaire à la protection des droits et libertés d’autrui.
Dans un arrêt du 29 janvier 2008, la Cour conclut qu’il appartient aux juridictions nationales de veiller à interpréter leur loi à la lumière de ces directives, en appliquant les principes du droit communautaire, notamment le principe de proportionnalité, de manière à concilier le droit de la propriété intellectuelle et la protection des données personnelles. La Cour ne fait donc prévaloir aucun de ces deux droits en conflit. Il revient désormais au tribunal espagnol de déterminer s’il peut ordonner cet accès, sur la base de la loi espagnole qui prévoit l’accès aux données d’identification en matière pénale mais qui reste muette en matière civile.
En France, l’article L 34-1 du code des postes et des communications électroniques prévoit que l’effacement des données de trafic peut être différée « pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l’autorité judiciaire d’informations ». Si la loi réserve clairement la conservation de ces données dans un cadre pénal, la question se pose en matière civile au stade des recherches préliminaires où le choix d’une action civile ou pénale n’est pas encore déterminé. Lors de la recherche ou de la constatation de faits faisant l’objet d’incriminations pénales (droit d’auteur, marques, etc.), il peut être ordonné, sur requête, à un fournisseur d’accès de communiquer les données qu’il détient.