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Affaire Emmaüs : Diffamation via Internet ?
Le 21 septembre, s’est tenue l’audience de plaidoirie dans laquelle la SA Emmaüs demandait la cessation du « trouble manifestement illicite » causé par des propos diffamatoires via un site Internet.
Les faits sont les suivants : en 1982, la commune de Sèvres demandait à la Société Emmaüs de s’engager dans une action de réhabilitation d’un site squatté. La SA HLM Emmaüs faisait construire des immeubles sur ce terrain pour y loger des personnes très défavorisées. La plupart des squatteurs de ce site ont été relogés en ce lieu sur demande. Or le client de Maître Gibert, refusant de remplir le formulaire de demande, s’est vu proposer un logement hors de la commune de Sèvres. Depuis, celui-ci a ouvert un site Internet, référencé dans différents moteurs de recherche et objet de la présente plainte, qui contiendrait des propos portant atteinte à l’honneur de la société Emmaüs et de ses dirigeants.
Le juge a commencé par évacuer le problème de l’identité du client de Maître Gibert, identité qui reste incertaine. Eddy, de son supposé prénom, identifié toutefois physiquement par les avocats des deux parties, aurait également donné une adresse postale a priori fausse.
Puis le débat s’est élevé autour d’une question purement juridique : Faut-il appliquer le droit commun ou le droit de la presse à ce cas d’espèce ? Pour Lise Cornillier, avocate de la SA Emmaüs, « via Internet, l’action d’E.L. est nuisible pour Emmaüs et doit cesser ». Il s’agit ainsi de faire cesser le trouble manifestement illicite en application de l’article 1382 du code civil, les faits relevant du droit commun de la responsabilité civile.
Pour Florence Gibert, avocate d’Eddy, il ne fait nul doute que la loi du 29 juillet 1881 sur la presse est applicable en l’espèce. Cette loi pose des conditions particulières pour la validité de l’action en diffamation. En l’espèce, d’une part, l’assignation serait viciée ne respectant pas les conditions de la loi 1881, et d’autre part, un livre étant déjà paru sur cette histoire, l’acte introductif d’instance n’aurait pas respecté le délai de 3 mois applicable en matière de presse. En outre, Maître Gibert affirme que son client n’est pas l’auteur des propos diffusés via Internet, mais est simplement l’hébergeur du site en question. Ainsi, tout au plus, il convient, en application de la loi du 1er août 2000, de lui demander de révéler l’identité de l’auteur des propos car Eddy représenterait des associations de personnes.
« Il existe une contestation sérieuse sur le caractère manifestement illicite du trouble » affirme Florence Gibert. Dans le cas où le juge retiendrait la diffamation, l’avocate demande à ce que les propos jugés comme tels soient supprimés et souligne qu’ainsi il n’y aura pas lieu à déréférencer le site sur les différents moteurs de recherche. Monsieur le juge Jean-Jacques Gomez met une fois de plus l’accent sur « la complexité de la situation » et sur le fait que « l’irruption d’Internet a changé le droit », enfin, que si les grands principes demeurent, leur application est différente.